Assureurs et réassureurs africains et asiatiques, mais aussi européens actifs sur ces deux marchés se sont réunis à Marrakech du 23 au 25 septembre pour débattre des nouvelles conditions de leur business. L’amplification de défis inhérents au secteur en Afrique notamment leur fait percevoir de nombreuses opportunités. Explications.

Le taux de pénétration de l’assurance en Afrique oscille autour des 3%. La palme d’or revient à l’Afrique du Sud qui atteint les 17%. Le Maroc -pays hôte de la 26e conférence de la Fédération afro-asiatique d’assurance et de réassurance (FAIR 2019) qui s’est tenue à Marrakech du 23 au 25 septembre- affiche quant à lui un taux de pénétration de 3,08 %. En d’autres termes, les sommes payées pour garantir les risques restent, en général, extrêmement faibles par rapport à la richesse produite par les pays africains. De ce fait, le Continent ne pèse qu’un poids plume sur le marché mondial de l’assurance. En effet sur les 5 193 milliards de dollars de primes émises en 2018 (en hausse de 4,8 % en glissement annuel), les primes émises en Afrique ne représentent que 1,8 %, d’après les données de Swiss Re.

Pourtant, l’Afrique compte 1,5 milliard d’habitants et la croissance démographique du Continent est telle que sa population devrait doubler d’ici 2050, selon les Nations Unies. La classe moyenne est en constante croissance. Et pour ces raisons et bien d’autres, l’Afrique se transforme de plus en plus en centre d’affaires stratégique pour le monde, exposant les entreprises à de nouveaux risques, lesquels multiplient les défis auxquels doit faire face le secteur de l’assurance et de la réassurance. Mais pour les professionnels, les réalités du continent et les défis auxquels sont confrontés les assureurs et les réassureurs représentent « un gisement d’opportunités » pour le secteur.
« Il y a beaucoup de mouvements au sein de nos économies. Et cela ouvre la porte à de réelles opportunités à saisir et des possibilités de coopération dans le but partager les bonnes pratiques et développer une véritable résilience du secteur », a estimé Youssef Fassi Fihri, CEO de la Société centrale de réassurance (SCR), hôte de l’événement, qui prend également la présidence de la FAIR.

Et si les assureurs tiraient parti du mobile ?
Outre les défis classiques que connaissent les marchés tels que la délicate question du protectionnisme, la gestion des risques de souscription, les questions réglementaires, la recrudescence des catastrophes, le défi technologique émerge comme un des chevaux de bataille des compagnies d’assurance en Afrique. Si le secteur bancaire réussit tant bien que mal à capter une frange de la population non-bancarisée en Afrique grâce au mobile banking, celui des assurances n’est pas encore à ce stade. Au moyen de la banque-assurance toutefois, certains établissements financiers arrivent à étoffer leurs portefeuilles. Cependant, les professionnels estiment que la faiblesse des revenus d’une importante partie des populations africaines, mais aussi la non-culture de l’assurance (car parfois, ceux qui en ont les moyens n’y recourent pas) sont autant de facteurs qui ralentissent la pénétration des services d’assurances dans la région.

Au Kenya, l’un des pays du Continent les plus dynamiques dans les assurances, des réflexions sont en cours de manière isolée pour voir comment tirer parti du mobile. « Le mobile money au Kenya a incroyablement accéléré l’inclusion financière. Finalement ceux qui vivent dans les contrées éloignées et qui n’avaient accès à la banque, pouvaient alors avoir accès des services financiers soit à travers le mobile. C’est ce dont nous avons besoin pour l’assurance », explique à La Tribune Afrique James Macharia, directeur des opérations de Kenindia Assurance.

La piste de la micro-assurance et ses limites
Le challenge du secteur des assurances en Afrique est l’adaptation de l’offre au pouvoir d’achat des Africains. En ce sens, la micro-assurance émerge selon les professionnels comme un créneau à prendre en compte. Ici, tous les experts identifient l’agriculture et la santé comme des domaines porteurs pour ce type de services. En Afrique subsaharienne, le marocain SCR travaille déjà là-dessus. « C’est ce que nous faisons au Cameroun à titre d’exemple. Les petits agriculteurs à travers le Continent sont tellement nombreux. A leur niveau, ils sont également exposés à un certain nombre de risques qui ne sont pas toujours pris en charge. C’est tout un marché », explique à La Tribune Afrique l’un des chefs de projet de la SCR en Afrique de l’Ouest et centrale. Comme la SCR, plusieurs compagnies sont en train de regarder ce créneau, d’autant que l’agriculture reste le maillon fort de la majorité des économies du Continent, souvent portée en effet, par les petits agriculteurs.

Si la micro-assurance se distingue comme une solution pour propulser le taux de pénétration de l’assurance en Afrique, les professionnels y voient également quelques limites en termes de business. Car, à condition de couvrir une très grande population, les revenus de la micro-assurance sont plus faibles que ceux de l’assurance classique jusqu’ici proposée à travers le Continent. De plus, les services de micro-finance ne peuvent se permettre des charges élevées. « Si l’on considère uniquement le facteur des RH, embaucher des managers dans une compagnie d’assurance est synonyme de payer des salaires élevés. Or, les revenus de la microassurance sont encore trop peu pour permettre à une compagnie de supporter ce type de charges », argue Macharia.

Au regard de toutes ces réalités, la sensibilisation populaire aux services d’assurance et la sensibilisation au sein des milieux d’affaires en Afrique émergent comme un « must do » des compagnies opérant sur le Continent. Car, le cyclone Idai survenu en Afrique australe en mars dernier et occasionnant des pertes estimées à 2 milliards de dollars, le récent incendie de la Sonara, la raffinerie pétrolière camerounaise, qui s’est avérée non-couverte au moment du sinistre, sont autant de cas qui poussent les acteurs du secteur de l’assurance et la réassurance à penser qu’aujourd’hui, plus que jamais, l’enjeu d’un secteur de l’assurance fort est déterminant dans l’atteinte des objectifs de développement du Continent. C’est la raison pour laquelle FAIR 2019 a également mis l’accent sur la nécessité multiplier les partenariats entre compagnies africaines et compagnies asiatiques, arabes ou européennes afin de créer, pourquoi pas, un « saut de grenouille » dans l’assurance et la réassurance africaines.

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