Nachtigal. Un nom qui renvoie à l’un des projets les plus importants jamais développés dans les énergies renouvelables en Afrique. Le barrage en construction couvrira 1/3 des besoins énergétiques du Cameroun et s’inscrit dans une vaste dynamique de développement des infrastructures hydroélectriques en Afrique où cette politique énergétique requiert des précautions.
Le Cameroun valorise le potentiel hydroélectrique du bassin Sanaga. Le pays y construit une centrale hydroélectrique de 420 MW génératrice de l’énergie additionnelle pour son réseau. L’ouvrage principal long de 1455 m sur une superficie de 421 hectares est haut de 14 m. Il disposera d’une retenue d’eau de 27,8 millions de mètres cubes et d’un débit d’équipement de 980 mètres cubes par seconde. Le démarrage du barrage implanté sur les chutes de Nachtigal Amont, à 64 km au nord-est de Yaoundé est attendu en 2023. « C’est une aubaine pour nos pays d’avoir accès à ces sources d’énergie avec un impact environnemental limité », nous déclare Emmanuel Boujieka, expert consultant de la BAD dans les énergies renouvelables. Pour Amadou Idrissa Bakoye, spécialiste canadien de l’environnement et du changement climatique, les centrales hydroélectriques ont aussi l’avantage d’avoir de faibles émissions de gaz à effet de serre, de favoriser la maîtrise de l’eau et le développement de l’agriculture irriguée.

La fièvre des barrages en Afrique
Au Cameroun, le projet est développé par Nachtigal Hydro Power Company (NHPC), EDF et l’IFC. Cette dernière coordonne le projet de 1,2 milliard d’euros financé par une quinzaine de prêteurs (banques commerciales et institutions). Il devrait couvrir 30 % des besoins énergétiques du pays, générer 1500 emplois directs, et permettre la construction d’une ligne de transport d’électricité de 50 km jusqu’à Nyom. Une aubaine pour un Cameroun loin d’être le seul pays du Continent à exploiter son potentiel hydroélectrique. L’Ethiopie est en cours de finalisation de son barrage de la renaissance d’une capacité de 6 000 MW. En 2019, la Guinée Conakry va inaugurer le barrage de Souapiti aux capacités de 450 MW. En RDC, le futur barrage Grand Inga a été prévu initialement pour produire 39 000 MW pour plus de 80 milliards de dollars. Une vitrine de l’ambition africaine dans l’hydroélectricité, qui est désormais partie intégrante de la stratégie énergique de plusieurs pays du Continent, bien que ses impacts sociaux et environnementaux et sa vulnérabilité aux aléas climatiques soulèvent la question de sa pertinence en Afrique.

Minimiser l’impact financier et environnemental
Les barrages hydroélectriques posent notamment des risquent de glissements de terrain, de dérégulation des cours d’eau, de déforestation, de dégradation des biodiversités. « Un barrage peut par exemple empêcher les migrations saisonnières de poissons pour la reproduction et mettre en péril des espèces », explique Bakoye. En sus de l’impact environnemental, leurs coûts financiers restent élevés pour les pays africains. Dans un document de synthèse publié en 2018 dans Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America (PNAS), des chercheurs ont démontré que les coûts réels des projets hydroélectriques sont souvent sous-estimés. Pour «le cas de Nachtigal, les coût de productions sont très faibles et abordables par rapport aux autres barrages hydroélectriques », rectifie Emmanuel Boujieka.

Les barrages qui ont également une courte durée de vie d’environ 30 ans sont affectés par les aléas climatiques et coûteux en maintenance. « Cette politique des barrages à ses limites, mais c’est une alternative face aux enjeux liés au réchauffement climatique et est préférable aux centrales thermiques », analyse Bakoye. L’hydroélectricité demeure accessible pour l’Afrique qui, pour l’expert de la BAD, devrait développer en parallèle d’autres sources d’énergies renouvelables.
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