Entre une conjoncture extérieure fragile, une faible diversification des pays exportateurs de pétrole, des résultats inférieurs aux attentes en Afrique du Sud et un Sahel miné par les questions sécuritaires, la croissance subsaharienne piétine.
Avec 3,2 % de croissance pour l’année 2019 et une faible accélération à 3,6 % pour 2020, les perspectives sont moins encourageantes que prévu. Le dernier rapport du FMI sur l’Afrique subsaharienne fait néanmoins apparaître une stabilisation de la dette ainsi qu’une croissance de 6% dans les pays les moins riches en ressources naturelles.

Quelque 500 millions d’habitants verront donc leurs revenus augmenter plus rapidement que la moyenne mondiale. A contrario, la croissance des autres pays subsahariens devrait à peine dépasser 2,5%. « La croissance est moins importante que prévue il y a 6 mois et reflète des vents contraires, dont certaines incertitudes liées aux tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis », explique Papa N’Diaye, directeur Afrique subsaharienne pour le FMI. Il souligne par ailleurs « l’essoufflement des exportations de la plupart des pays subsahariens » et l’hétérogénéité des situations. « Le Nigéria, l’Afrique du Sud et l’Angola rencontrent toujours des difficultés économiques liées à la baisse des produits de base et du pétrole depuis 2014 et malheureusement, ces pays auront une croissance plutôt limitée en 2020 ». Relever le défi de la diversification sera donc le pré-requis à toute stabilité économique.

Les risques sanitaires, sécuritaires, climatiques ou politiques, sur fond de crispation macroéconomique mondiale, conduisent le FMI à multiplier les recommandations, malgré des taux de croissance à faire pâlir un certain nombre de pays occidentaux. « 4% de croissance en Afrique subsaharienne, ce n’est pas suffisant pour créer les emplois nécessaires pour les nouveaux entrants […] Les besoins en termes d’emplois sont de 20 millions à l’horizon 2030. Il faudrait en créer deux fois plus par an pour répondre aux besoins à venir », poursuit Papa N’Diaye en précisant que seuls « les pays qui enregistrent des taux de 6% à 7% peuvent soutenir la croissance à travers la création d’emplois et appuyer un secteur privé dynamique ».

Les pays du G5 Sahel plombés par les dépenses sécuritaires
Malgré des taux de croissance compris entre 5% et 7%, Momar Nguer, membre du comité exécutif de Total, et président du Comité Afrique du Medef International, revient sur l’impact des conflits dans les pays du Sahel : « Au Burkina Faso, au Niger ou au Mali, les dépenses militaires s’élèvent à 4% du PIB ».

La force Barkhane déployée dans le Sahel compte 4 500 hommes pour un territoire douze fois plus grand que la France où les soldats parfois peu formés et mal équipés peinent à contrer la menace terroriste. Les dépenses de sécurité qui ont été parfois triplées depuis le début de la crise sécuritaire ne suffisent pas à arrêter les attaques.

Le coût de l’opération Barkhane est aujourd’hui supérieur à 650 millions de dollars par an et les aides apportées par l’Union européenne atteignent 1,3 milliard d’euros, tandis que le FMI décaissera quelque 200 millions de dollars sur 3 ans pour accompagner la diversification de la seule économie malienne…

En effet, au-delà de l’aspect purement sécuritaire, les bailleurs internationaux ont adopté une approche protéiforme où le développement des économies sahéliennes est devenu la clé de la résilience pour sortir de l’insécurité, tout en proposant des alternatives solides aux populations les plus fragiles.

Les pays du G5 Sahel se retrouvent donc face à un double défi budgétaire et sécuritaire, alors que le FMI exige une consolidation fiscale qui se répercute sur des dépenses sociales toujours insuffisantes pour réduire la pauvreté.

Le FMI prévient des risques relatifs aux PPP
« On constate une stabilisation de la dette par rapport au PIB bien qu’il faille encore baisser les taux d’endettement », avertit Papa N’Diaye.

La question des arriérés intérieurs qui est un « phénomène généralisé » sur le continent a fait l’objet d’études minutieuses par le FMI dans son dernier rapport. Afin de diminuer significativement la proportion de ces arriérés qui atteignaient 3,3% du PIB en 2018 après le choc de 2014 sur les prix des produits de base, le directeur Afrique subsaharienne pour le FMI insiste sur la nécessité d’améliorer la gestion des finances publiques. Les effets de ces arriérés intérieurs impactent directement le secteur privé et les secteurs sociaux, tout en accentuant la vulnérabilité du secteur bancaire. Ils affaiblissent également la capacité de la politique budgétaire à soutenir la croissance.

La question sera d’ailleurs à l’ordre du jour du 2 décembre prochain, à l’occasion de la Conférence « Afrique : développement durable, dette soutenable », organisée à Dakar par le Cercle des économistes, le FMI, la présidence du Sénégal, en partenariat avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

Enfin, au sujet des partenariats publics privés (PPP), Papa N’Diaye met en garde contre une solution largement plébiscitée sur le continent, notamment en matière de financement des infrastructures. « Le problème avec les PPP, c’est que les Etats se retrouvent avec une dette importante. Il faut donc des garde-fous pour éviter cela ». Un avis partagé par Rima Le Coguic, directrice Afrique de l’Agence française de développement (AFD) : « Le financement de PPP induit de grosses marges pour le secteur privé alors que le secteur public a d’autres intérêts », souligne-t-elle. Les échecs d’un certain nombre de PPP ont généré quelques inquiétudes poussant les bailleurs internationaux à appeler à la plus grande vigilance des parties.

Le prochain rapport du FMI, qui sera publié en avril 2020, se penchera sur l’impact macroéconomique des chocs climatiques.

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