La croissance de l’économie mondiale s’est tassée à son niveau le plus bas depuis trois ans. Elle devrait se stabiliser à court terme, mais cette dynamique reste fragile et exposée à des risques importants. Les investissements et les échanges internationaux ont été plus faibles qu’escompté au début de l’année, tandis que les grandes économies avancées, et en particulier la zone euro, ainsi qu’un certain nombre de marchés émergents et d’économies en développement ont affiché une activité plus modeste que prévu.

La croissance dans le monde émergent et en développement devrait rebondir l’année prochaine, à mesure que se dissipent les turbulences et les incertitudes dont ont pâti nombre de pays depuis la fin de l’année 2018. Telles sont les principales conclusions de la dernière édition des Perspectives économiques mondiales, intitulée « Tensions grandissantes et investissements atones ».
Le rapport phare de la Banque mondiale met en évidence les menaces qui planent sur une dynamique de croissance fragile, à savoir notamment une intensification des conflits commerciaux entre les plus grandes puissances économiques du monde, une résurgence des perturbations financières dans les économies émergentes et en développement, ou encore un ralentissement plus brutal qu’attendu dans plusieurs grandes économies.
Dans ce contexte, deux tendances suscitent particulièrement des inquiétudes : le ralentissement de la croissance des échanges internationaux, qui est tombée à son niveau le plus bas depuis la crise financière de 2008, et la chute de la confiance des milieux d’affaires.

Confiance des entreprises dans le monde
Parce qu’il est indispensable de parvenir à une croissance équitable pour réduire la pauvreté et accroître la prospérité au profit de tous, les marchés émergents et les pays en développement doivent renforcer leurs systèmes de protection contre la survenue soudaine d’aléas économiques, alerte le rapport.

Et de se pencher sur les difficultés auxquelles sont confrontés les responsables de l’action économique et leurs administrés pour maintenir une dynamique de croissance dans un environnement marqué par les fragilités : La hausse récente des niveaux d’endettement rend encore plus urgente la nécessité de sélectionner attentivement les projets afin d’en tirer les meilleurs résultats, de mieux gérer la dette publique et d’améliorer la transparence en ce qui concerne les prêts ;La faiblesse des investissements dans les marchés émergents et les économies en développement soulève des inquiétudes quant à la capacité de ces pays à réaliser les investissements massifs nécessaires à l’atteinte de leurs objectifs de développement ;La concentration de la pauvreté dans les pays à faible revenu complique la résolution des obstacles à l’accélération de la croissance dans ces économies ;Le risque d’un regain de tensions financières rappelle aux pouvoirs publics qu’il est important de renforcer la résilience des banques centrales et des cadres de politique monétaire afin d’atténuer l’incidence des dévaluations sur l’inflation.

La Banque mondiale publie ses Perspectives économiques mondiales deux fois par an, en janvier et en juin. Ce rapport s’inscrit dans un travail d’analyse de fond sur l’évolution de la situation macroéconomique mondiale et ses conséquences sur les pays membres de la Banque. Il s’agit d’une source d’informations essentielles à l’appui de la réalisation des objectifs de développement et d’une publication de référence pour les pays membres, mais aussi pour les parties prenantes, les organisations de la société civile et les chercheurs.

La montée des dettes publiques
La montée des dettes publiques suscite de plus en plus d’inquiétudes. Dans beaucoup d’économies émergentes et en développement, les emprunts massifs contractés par les pouvoirs publics sont venus éroder la difficile amélioration des ratios d’endettement obtenue avant la crise financière mondiale. La dette publique de ces pays a grimpé en moyenne de 15 points de pourcentage en 2018, pour atteindre 51 % du PIB.

Le gonflement de l’endettement peut s’expliquer par la nécessité de financer des projets porteurs de croissance, tels que des investissements dans l’infrastructure, la santé et l’éducation. De fait, les besoins sont immenses : selon les estimations de la Banque mondiale, les pays à revenu faible et intermédiaire doivent mobiliser entre 640 et 2 700 milliards de dollars par an pour atteindre les objectifs de développement fixés à l’horizon 2030. En outre, une hausse prudente des dépenses publiques peut permettre à un pays de surmonter une mauvaise passe économique.
Mais un endettement excessif n’est pas sans risque, bien au contraire.

Même si les taux d’intérêt sont bas, la dette publique peut atteindre des niveaux insoutenables. Quand un État doit consacrer une grosse part de son budget au service de la dette, ce sont autant de dépenses qui ne sont pas allouées à d’autres secteurs importants. Une dette publique élevée peut aussi laisser penser aux investisseurs et aux consommateurs que les autorités augmenteront à terme les impôts en vue de juguler les déficits, avec pour conséquence de brider les dépenses des entreprises et des ménages. Enfin, dans les cas extrêmes, le surendettement conduira à un défaut de paiement et à la nécessité d’un plan de sauvetage.

Mais à partir de quand la dette publique devient-elle trop élevée ? En réalité, c’est à chaque État qu’il incombe de trouver le juste milieu. Un gouvernement avec un bilan financier solide pourra ainsi considérer qu’il a intérêt à recourir à l’emprunt pour doper la croissance. En revanche, un pays qui connaît une situation budgétaire plus incertaine devra se montrer plus circonspect et s’efforcer d’abord d’accroître ses recettes.
En tout état de cause, ceux qui décident d’emprunter auront tout à gagner à mieux gérer leur dette et à renforcer la transparence en la matière. Un État doit s’endetter avec le souci du maintien de la stabilité et de la préservation de la résilience.
« Les gouvernements doivent impérativement engager des réformes structurelles pour améliorer l’environnement des affaires et attirer des investissements. Ils doivent également faire de la gestion transparente de la dette l’une de leurs priorités de sorte que ces nouvelles ressources contribuent effectivement à la croissance et à l’investissement. »

Le ralentissement des investissements

La faible croissance des investissements, associée à une reprise mondiale moins soutenue qu’attendu, assombrit la situation économique à long terme des pays émergents et en développement. En dépit d’un modeste redressement récent, la croissance des investissements devrait rester inférieure à sa moyenne historique dans les années qui viennent.
Ce qui signifie que le processus de rattrapage des économies émergentes et en développement sur les économies avancées marque désormais le pas. Le ralentissement de l’accumulation des richesses constitue également un frein à la productivité d’un pays, ce qui nourrit aussi les inquiétudes sur le financement des besoins de développement au cours des dix prochaines années.
Les pays peuvent augmenter les investissements publics en réaffectant les ressources consacrées à des secteurs improductifs et en augmentant l’efficacité des dépenses. Ils peuvent par ailleurs promouvoir l’investissement privé en éliminant les obstacles qui entravent l’activité des entreprises, en remédiant à l’inefficacité du marché et en améliorant la gouvernance d’entreprise. Les pouvoirs publics peuvent également offrir davantage de clarté sur les orientations politiques et favoriser une meilleure intégration dans les chaînes de valeur mondiales. Les pays exportateurs de matières premières devront quant à eux chercher à diversifier leur économie pour réduire leur vulnérabilité à la volatilité des marchés des ressources naturelles.
La situation critique des pays les plus pauvres
Autre aspect inquiétant : les conséquences d’un rythme de croissance trop faible sur les économies les plus pauvres. Un certain nombre de pays à faible revenu sont parvenus à réduire la pauvreté et à accéder au statut d’économie à revenu intermédiaire à la faveur d’une croissance économique rapide à partir des années 2000. Qu’en est-il aujourd’hui des pays qui, avec un revenu par habitant égal ou inférieur à 995 dollars en 2017, sont toujours classés dans les économies à faible revenu ?

Si leur nombre a baissé de 64 à 34 entre 2001 et 2019, grâce à la résolution de plusieurs conflits armés, à l’allégement de la dette ou au renforcement de l’intégration commerciale avec des économies plus importantes et dynamiques, ces pays sont confrontés à des difficultés plus rudes que celles surmontées par les pays qui se sont hissés dans la catégorie supérieure.
Nombre des pays actuellement à faible revenu partent d’un niveau particulièrement bas. En outre, plus de la moitié d’entre eux sont en proie à la fragilité, au conflit ou à la violence, tandis que la plupart souffrent d’un handicap géographique du fait d’un isolement ou d’un enclavement qui rend plus difficile leur intégration commerciale.
Sans compter qu’ils sont fortement tributaires de l’agriculture, et par conséquent plus vulnérables aux épisodes météorologiques extrêmes et moins à même de s’insérer dans les chaînes de valeur mondiales ; que la demande de matières premières est appelée à décliner sous l’effet du ralentissement de la croissance dans les grandes économies et que les vulnérabilités liées à la dette s’aggravent dangereusement. Soit autant de facteurs qui pèsent lourdement sur leurs perspectives de progrès.
Dans ce contexte, comment parvenir à une croissance plus soutenue dans les pays à faible revenu ? Pour les responsables publics comme pour la société civile et la communauté internationale, l’enjeu est à la fois de soutenir des moteurs de croissance extérieurs et intérieurs et d’atténuer les risques. Sur le plan intérieur, il sera en particulier utile de renforcer les systèmes financiers et de promouvoir l’inclusion financière, tout en améliorant la gouvernance et le climat des affaires afin d’appuyer le développement du secteur privé. Les gouvernements peuvent par ailleurs exploiter des sources de croissance hors de leurs frontières, en favorisant l’intégration de leur économie dans le commerce mondial et en encourageant les investissements directs étrangers.
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