Dans le cadre des « samedis de l’économie », initiés par l’ARCADE et soutenue par la Fondation Rosa Luxembourg, un panel sur le thème : « ECO ou CFA : quelle monnaie pour la CEDEAO en 2020 ? », a réuni  d’éminents économistes sénégalais qui ont apporté leur contribution sur la question. Unanimement ils ont estimé que l’ECO ne sera pas au rendez-vous en 2020 mais ils ont émis des avis divergents quant à la sortie ou le maintien du F CFA.

« De l’autre côté, l’ECO, c’est un serpent de mer, depuis 1987 jusqu’à nos jours, il y a eu plusieurs réunions de chefs d’Etat, ils ont fait les mêmes proclamations, on avance toujours les mêmes dates et les déclines ne sont jamais respectés. Aujourd’hui, on parle de 2020 mais en 1987, on parlait de 2003, ensuite on a parlé de 2009 ensuite on a parlé de 2015 ensuite, on nous parle de 2020. En 2020, on parlera de 2030 parce que rien n’est fait bien que les problèmes de la coopération monétaire au niveau de la CEDEAO, le programme de coopération monétaire a été bien réglé par l’AMOA ( Agence monétaire ouest-africaine) qui était chargée de voir comment précisément aider les pays qui ont des indépendances monétaires à trouver un fonctionnement harmonieux, c’est-à-dire la Naira du Nigéria, le dollar du Liberia », a expliqué Pr. Moustapha Kassé, Doyen honoraire Faculté des Sciences Economiques.
Il estime que la deuxième chose de l’infaisabilité de l’ECO, c’est les poids trop différents des pays.
« Si vous prenez l’Europe, il y a une locomotive, c’est la France et l’Allemagne, sur les 27, c’est les deux pays les plus puissants qui entraînent les autres. Ici, nous n’avons pas effectivement la même chose. On a le Nigéria qui est un géant et on a en bas les plus petits comme la Gambie, alors comment va-t-on créer des politiques de solidarité dans un univers aussi différencié. Il faudrait une politique commune pour ces pays », explique l’économiste.

Et Pr. Kassé de poursuivre: « En 2020, on doit avoir la ZMAO prête et elle ne l’est pas, la zone Franc, faire ces réformes, elle ne l’est pas sinon, nous risquons d’avoir le statuquo en 2020 si rien n’est fait. Un problème sur lequel, j’ai beaucoup insisté , on a dit oui attendons 2020 comme par miracle la CEDEAO va créer une nouvelle monnaie optimale mais une zone monétaire optimale, suppose deux choses : la première chose, c’est d’avoir une gouvernance politique, c’est-à-dire un exécutif au profit duquel tous les autres Etats font un abandon de souveraineté , on y est très loin,deuxiément , il faudrait qu’on ait la possibilité d’avoir des manifestations de solidarité avec une gouvernance politique unifiée , c’est-à-dire, nous n’allons plus avoir ces 15 Etats mais un Etat central qui décidera précisément d’avoir un budget fédéral , lequel pourra prendre en charge les grands investissements de chacun des pays ».
Il souligne que le CFA n’a pas d’avenir. Et il faudra changer beaucoup d’éléments de cette zone monétaire.
« Il y a des problèmes de taux de change qu’il faut régler. Il y a le problème des réserves en change ce qu’il faut en faire. Il y a le problème des fameux critères de convergence lesquels ont été déterminés pour des raisons historiques données. Hors un indicateur de mesure, il doit se conformer à la réalité de base. Il y a également le problème du système bancaire qui est bancal et qui ne remplit pas ces fonctions les plus importantes », a soutenu Pr. Kassé.

M. Ndongo Samba Sylla, économiste, dans sa communication,  a affirmé : « Maintenant la question, est-ce qu’on aura l’ECO en 2020, non, on n’aura pas l’ECO en 2020 parce qu’il y a un ensemble de raisons. La première raison, c’est que la méthodologie même pour aller vers l’ECO plombe la dynamique d’intégration, c’est-à-dire qu’on a au pied du copier-coller des critères de convergence de la zone EURO qu’on a plaqué d’une manière mimétique sur les pays africains et donc cette méthodologie pour moi, est absurde pour les pays en développement. L’a, l’autre chose, il y a des fondements institutionnels qui ne sont pas là. Si on voulait avoir l’ECO, l’année prochaine, il faudrait l’union monétaire qui soit adapté par les parlements, ce n’est pas le cas. Les statuts de la banque centrale, on ne les a pas, est-ce qu’on a harmonisé la législation bancaire, on ne l’a pas. Si on devait mettre en place l’ECO, on devait statuer sur les parités et les monnaies que nous avons actuellement, tel n’est pas le cas.  Aujourd’hui , on ne sait pas quelle sera la parité de l’ECO vis à vis de l’EURO pour dire qu’on n’aura pas l’ECO. La ministre des finances du Nigéria est sortie pour dire qu’il n’y aura pas d’ECO en 2020. Pour l’instant, il n’y a que le TOGO qui remplit les critères de base de convergence de base ».

Pour rappel Le 29 juin 2019, les présidents de la CEDEAO prenaient la décision d’adopter une monnaie unique, appelée ECO, qui devrait entrer en vigueur en 2020. Depuis cette décision, il y a eu beaucoup de scepticisme et d’interrogations au sein de l’opinion publique. Ces interrogations sont alimentées par les manœuvres en coulisses entre la France et certains présidents, dans la zone UEMOA, qui, apparemment, ne veulent pas sortir du franc CFA. En effet, ces dirigeants semblent vouloir juste changer le nom du franc CFA, en ECO, et garder le même taux de change avec la Banque centrale européenne. C’est ce que propose le président ivoirien, Alassane Ouattara, le principal cheval de Troie de la France dans la CEDEAO.