Après les annonces fortes sur la réforme du franc CFA qui ont marqué la visite à Abidjan du président Français, le 21 décembre dernier, Emmanuel Macron et Alassane Ouattara ont solennellement annoncé la mort du FCFA et la naissance de l’Éco en 2020, la perspective de la substitution du FCFA par l’ECO continue de susciter un débat passionnant au sein de l’opinion publique africaine.

Les principaux changements qui résulteront de cette réforme du FCFA sont : la fin de la centralisation obligatoire des réserves de change en France à travers la suppression du mécanisme du compte d’opération ; la France ne siégera plus dans aucune instance technique de gouvernance de l’Union et ne nommera plus de représentants au conseil d’administration, au comité politique monétaire de la banque centrale ni à la commission bancaire de l’Union.
Cette réforme du FCFA portée par les chefs d’État et soutenue par le président Français a suscité inévitablement un ressentiment de « paternalisme » de la France au sein de l’opinion africaine avec en toile de fonds le FCFA, outil privilégié de la « françafrique » qui devient l’« ECO ». Par ailleurs ce « brusque » changement risque de créer un fossé avec les autres États membres de la CEDEAO non membre de la zone CFA.

« J’espère que des pays comme la Guinée, le Ghana, la sierra Léone, le Liberia, la Gambie poursuivront ce mouvement avec cette monnaie nouvelle, cette gouvernance nouvelle » a lancé comme clin d’œil Emmanuel Macron à ces pays de la CEDEAO qui utilisent leurs propres monnaies et qui sont regroupés au sein de la zone monétaire ouest africaine (ZMAO) et qui par ailleurs sont engagés dans le processus de la monnaie unique « ECO » (Guinée, Ghana, Libéria, Nigeria, Sierra Leone).
La partie est loin d’être gagnée. Malgré l’engagement de la Guinée dans la ZMAO, le gouverneur de la banque centrale Guinéenne, Lounceny Nabé, se dit surpris del’annonce prématurée et unilatérale de l’ECO par le président Ivoirien Alassane Ouattara même si l’échéance connue est 2020. Il estime en substance qu’aucune entente formelle et inclusive sur les aspects techniques de la nouvelle relation entre la nouvelle monnaie et la « garantie française » n’a précédé à l’annonce solennelle de l’entrée en service de l’ECO.

Devant les députés Guinéens, Louncény Nabé qui s’inscrit toujours dans une démarche procédurale échelonnée au sein de la ZMAO a laissé entendre que les conclusions obtenues au niveau de la sous-région et entérinées par le sommet des Chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO tenu le 29 juin 2019 à Abuja pour la création de la monnaie unique concernait : le cadre des politiques monétaires ; l’inflation et le système de banque centrale « le choix a été fait sur le système fédéral au lieu du système unique à l’image du système de la banque centrale de l’Union Européenne ; le régime de change qui était un taux de change flottant en lieu et place de la fixité ; le nom de la monnaie unique était l’ECO ».

Il y a environ deux semaines, la Commission de la CEDEAO s’est réunie pour se prononcer entre autres sur le symbole de la monnaie unique et dont le nom était arrêté et s’appellerait « ECO »… Les Chefs d’État ont choisi le symbole «Ec» pour la monnaie unique. Ils ont aussi entériné le nom de la future Banque centrale qui va s’appeler Banque Centrale de l’Afrique de l’Ouest (BCAO) a expliqué Lounceny Nabé.C’est après tout ce travail minutieusement élaboré au niveau de la CEDEAO, d’après lui, que le Président Ivoirien a annoncé que l’ECO remplace le Franc CFA et que la parité de l’ECO par rapport à l’EURO restera la même. Une décision que ne partagent pas totalement les pays de la ZMAO.

« On va essayer de comprendre de quoi il s’agit, on va essayer de voir quelles relations existeront entre ce choix tel que résultante d’un mandat donné par l’UMOA (composé des 8 pays de la zone CFA) et la décision et les choix opérés par le sommet des Chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO. Je pense qu’il y a matière à trouver des éléments de complémentarité comme cela est indispensable au niveau des économies de la région. Mais, pour l’instant, le mot d’ordre devrait être, attendre un peu pour comprendre », a réaffirmé Lounceny Nabé.
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