The Economist titrait récemment en couverture : « The next recession. How bad will it be? » (Quelle sera la gravité de la prochaine crise ?). Sachant que l’économie mondiale continue de croître à un bon rythme, est-ce le moment de parler de la prochaine récession ? Cela rappelle un article de ce même magazine, paru dans les années 1990, qui présentait un indice de crise basé sur le nombre d’occurrences du terme « récession » dans le Washington Post et le New York Times. Le graphique ci-contre s’inspire de cet indice. Alors que les données provenant de Factiva se fondent sur un grand nombre de médias de plusieurs pays, les données Bloomberg indiquent le nombre d’articles de cette agence mentionnant le mot « récession ». Enfin, les données de Google reflètent les activités de recherche aux États-Unis. Il convient de souligner que les trois indicateurs se situent toujours au-dessus de leurs niveaux de 2005-2006. Peut-être faut-il y voir le résultat de l’influence persistante de la Grande récession sur les activités de recherche et de l’attention portée par les médias aux ralentissements économiques. Depuis le début de l’année dernière, les résultats de l’indicateur Bloomberg ont été assez stables et le décompte des occurrences du mot « récession » par Factiva a évolué à la baisse. La hausse récente pourrait être due à une forte couverture médiatique à l’occasion du dixième anniversaire de la faillite de Lehman Brothers. L’activité de recherche sur Google a en fait augmenté depuis l’été 2017 et se situe à présent aux niveaux de 2016. La situation semble très calme pour le moment par rapport aux fortes hausses qu’ont connues les trois séries en 2007, 2008 et 2011. En 2004, une étude réalisée par Doms et Morin de la Réserve fédérale américaine montrait déjà que plus la couverture médiatique s’intensifie, plus l’actualisation des anticipations s’accélère. Il s’ensuit qu’un accroissement significatif de l’utilisation du terme « récession » pourrait finir par influencer la manière d’évaluer les perspectives économiques par le grand public. Il se peut aussi, bien sûr, que les articles de presse soient simplement le reflet de la montée des inquiétudes entourant l’économie, sans toutefois y contribuer. Une étude récente réalisée par Soroka et al. (2015) met également en évidence la réactivité des médias et de leur audience aux changements de perspectives, plutôt qu’à la situation économique actuelle. Avec le fléchissement des données d’enquête, le suivi de la couverture médiatique est appelé à revêtir une importance de plus en plus grande

William De Vijlder
Group Chief Economist BNP Paribas, Senior Lecturer Ghent University