Les ministres des Finances de la Zone Franc se sont réunis ce lundi 8 octobre à Paris pour faire le point de la situation économique et ainsi que les défis monétaires dans l’espace commun. Au cœur des échanges qui ont été présidés par le ministre français de l’Economie et des finances, Bruno Le Maire, la nécessité de rehausser les recettes fiscales afin notamment de contenir le niveau d’endettement qui prend des proportions inquiétantes. En ligne de mire, les engagements souscrits par les pays à l’égard du FMI.

La réunion, ce lundi 8 octobre à Bercy, des ministres des Finances de la zone Franc, est à priori ordinaire puisqu’elle fait partie des mécanismes qui ont été prévus pour faire régulièrement le point sur les grands enjeux économiques et monétaires d’intérêt commun. Toutefois, à la veille des assemblées d’automne du FMI et de la Banque mondiale qui se tiendront à Bali, du 12 au 14 octobre 2018, elle a eu un cachet assez particulier. A l’ordre du jour de la rencontre, qui a été présidée par le ministre français de l’Economie et des finances, Bruno Le Maire, des échanges sur plusieurs « sujets fondamentaux pour le développement des pays africains de la Zone franc que sont la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, et la mobilisation des recettes fiscales».

En plus des ministres des Finances des pays membres, la réunion a enregistré la participation des principaux responsables d’institutions monétaires de l’organisation, notamment le gouverneur de la BEAC, Abbas Toli Mahamat, celui de la BCEAO, ‎Tiemoko Meyliet Koné, et de la Banque centrale de ‘l’Union des Comores en plus d’Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor français et François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. Selon les explications données à l’issue de la rencontre par Bruno Le Maire, la rencontre a également permis d’analyser l’état de la convergence en Zone franc, et plusieurs décisions ont été prises à l’issue de la réunion.

«A l’issue des discussions avec mes homologues africains de la Zone Franc, un plan d’action a été adopté sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, ainsi que des engagements à améliorer la mobilisation des recettes fiscales au sein de la Zone franc pour une croissance durable», a ainsi résumé le ministre français de l’Economie et des finances.

Mobilisation des recettes fiscales

La réunion de Paris qui se tient après celle d’avril dernier qui s’est tenue à Brazzaville au Congo. Elle a surtout porté sur la mobilisation des recettes fiscales ainsi que les engagements des pays membres vis-à-vis du FMI. Il y a un an, et toujours à Paris, les ministres de la Zone Franc, avaient déjà pris l’engagement de poursuivre les efforts pour élargir l’assiette fiscale dans leurs pays respectifs afin notamment de faire face à la conjoncture. Malgré les engagements pris et les mesures prises par la plupart des Etats dans le cadre des différents programmes l’assistance technique et financière qu’ils ont souscrite avec le FMI, le niveau de collecte des recettes fiscales demeure encore insuffisant.

Actuellement, il tourne autour de 15% du PIB en moyenne, ce qui limite les ressources disponibles pour financer la croissance et réduire l’endettement. C’est d’ailleurs pour cette raison que les Etats se sont engagés à améliorer la mobilisation des taxes et impôts, avec des objectifs ambitieux et chiffrés pour certains pays comme ceux de l’UEMOA qui se sont fixé comme objectif, d’ici 2020, de porter le niveau de collecte des ressources fiscales à au moins 20% de leur PIB. Présent à la rencontre, le ministre béninois de l’Economie et des Finances, Romuald Wadagni, qui assure également la présidence du conseil des ministres de l’UEMOA, a rappelé le plan d’actions communes qui est en train d’être mis en œuvre pour atteindre cet objectif. Il s’agit entre autres de l’harmonisation des pratiques fiscales ainsi que la modernisation de l’administration fiscale.

Le ministre Bruno Le Maire a donc profité de la réunion de Paris pour rappeler aux Etats de la Zone Franc, leurs engagements et surtout la nécessité d’améliorer la collecte des taxes afin de disposer de plus de ressources pour financer leur croissance. «Une meilleure mobilisation des recettes fiscales, c’est plus de croissance et c’est moins d’endettement», a rappelé Bruno Le Maire, d’autant que la Zone Franc dispose d’un «énorme potentiel fiscal inexploité». C’est ce qu’a d’ailleurs souligné à Bercy, le ministre gabonais de l’Economie, Jean-Marie Ogandaga, qui préside aussi le comité ministériel de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (UMAC).

«Nous n’atteignons même pas 30% à 40% du potentiel fiscal auquel nous pouvons prétendre et en mettant en œuvre les différents chantiers, nous arriverons à une assiette fiscale confortable sans avoir épuisé le potentiel fiscal de nos pays», a ajouté le ministre gabonais qui reconnait toutefois, la difficulté de la tâche.

Le ministre Bruno Le Maire a lui-même reconnu que si les recettes fiscales peuvent être augmentées de façon significative, certains objectifs sont « très ambitieux pour beaucoup d’Etats et ne seront pas simple à atteindre». En La matière, la réunion des argentiers de la Zone Franc, a encore une fois de plus déploré le poids des exonérations fiscales, qui plombent la volonté des Etats à rehausser leur niveau de mobilisation des ressources internes et donc à respecter leur engagement. C’est particulièrement le cas au niveau de l’UEMOA, où chacun des Etats membres s’est engagé à augmenter d’un point chaque année, le ratio recettes fiscales sur PIB afin d’atteindre l’objectif fixé en 2020.

Niveau d’endettement inquiétant

La réunion de Bercy intervient en pleine session budgétaire dans la plupart des Etats membres. De manière générale, les gouvernements des 14 pays membres de la CEMAC et de l’UEMOA, ayant en commun le franc CFA comme monnaie, ont élaboré des budgets en hausse. La particularité des projets de loi des finances actuellement en discussion au niveau des différents parlements, c’est l’introduction de nouvelles mesures fiscales destinées à rehausser les recettes. Des mesures sur lesquelles insistent la France et surtout le FMI, mais qui soulèvent parfois des contestations au niveau de la population.

Toutefois, les gouvernements n’ont pas le choix face à la conjoncture, d’autant qu’un nouveau facteur de risque pour la croissance, ne cesse de s’amplifier. Il s’agit du poids inquiétant de l’endettement qui à terme, risque de réduire les marges des Etats à lever des fonds. C’est ce qu’a mis en évidence le rapport annuel de la Banque de France, sur la situation économique et monétaire dans la Zone Franc, publié le lundi 8 octobre, en marge de la réunion des ministres des Finances.

Le Rapport a fait ressortir une remontée de la croissance du PIB de la Zone franc en 2017, avec un taux de croissance de 3,9% en termes réels, contre 3,6%, en 2016. D’après les prévisions, cette dynamique devrait se poursuivre en 2018 avec la poursuite du cycle de croissance en UEMOA et de la reprise en CEMAC, grâce à l’amélioration des prix du pétrole. «Bien que cette bonne performance permette une amélioration du PIB par tête, elle demeure insuffisante pour permettre un véritable décollage économique de la Zone», a toutefois relevé le rapport, qui a mis en évidence de nouveaux risques.

Si dans l’espace UEMOA qui a enregistré une croissance de 6,7%, l’activité économique en UEMOA, a été portée par la dynamique de la Côte d’Ivoire et du Sénégal, elle a par contre stagné en CEMAC. «Tous les pays de la CEMAC, à l’exception de la Centrafrique, demeurent en effet plus sensibles aux fluctuations du prix des matières premières et notamment du pétrole», a mis en évidence le document. Pour ce qui est de l’Union des Comores, le pays a connu une légère progression de sa croissance en 2017, à 3,0 %, portée notamment par la hausse de la production de produits agricoles.
Autre fait marquant du rapport, les pays de la Zone franc continuent d’enregistrer en 2017 des taux d’inflation, avec un niveau de 0,8% en moyenne annuelle, nettement plus faibles que ceux de l’Afrique subsaharienne qui est de 11,0%. «L’arrimage à l’euro a en effet protégé les pays de la Zone Franc des chocs inflationnistes consécutifs à de fortes dépréciations du taux de change, auxquelles ont été confrontés les pays en développement les plus vulnérables», ont souligné les auteurs du rapport.

Pour ce qui est des risques, le document a fait cas de «la montée de l’endettement public qui peut à terme réduire les marges de manœuvre de la politique budgétaire ; les liens entre États et banques qui, en amplifiant la corrélation positive entre les risques bancaires et souverains, peuvent être une source d’instabilité financière ; et, enfin, la diversification des exportations, qui demeure insuffisante pour favoriser le développement économique». Autant de défis et d’enjeux stratégiques pour la Zone Franc et que les Etats membres sont appelés à prendre en compte en urgence pour faire face à la conjoncture et soutenir leurs programmes de développement.
https://afrique.latribune.fr/