Au Sénégal, le volontarisme de l’Etat, conjugué aux politiques publiques et à une expertise avérée, peut atténuer la précarité des emplois dans le secteur agricole.

La question de l’emploi des jeunes est une préoccupation majeure des pouvoirs publics sénégalais, alors que l’agriculture reste encore le premier secteur pourvoyeur d’emploi dans le pays. Le nombre de jeunes travailleurs entrant sur le marché du travail chaque année (10 % des cohortes de 15-24 ans) était estimé en 2010 à 269 000 personnes. Il atteindrait 376 000 en 2025. Cette importante population de jeunes est un grand atout, mais pose aussi des défis importants, notamment en termes d’offre d’emploi.

Jusqu’au début des années 2000, des pays comme le Sénégal, sur injonction des institutions de Bretton Woods (Banque mondiale et FMI), avaient délaissé l’agriculture. La dépendance économique et financière vis-à-vis de l’extérieur s’était accompagnée par un désinvestissement dans le secteur. La crise de la migration clandestine en 2006 ayant précédé la crise alimentaire de 2008, avec son corolaire des «émeutes de la faim», avait fini de pointer le degré de vulnérabilité des pays de l’Afrique de l’Ouest et l’importance de l’agriculture comme solution pour faire face au chômage des jeunes.

Comme dans les autres pays d’Afrique, les réponses de l’Etat sénégalais face à ces défis ont souvent consisté à créer des agences et des fonds de promotion de l’emploi des jeunes, avec des résultats généralement décevants, mettant en exergue le décalage entre les stratégies proposées et la réalité des structures économiques.

Accompagner les jeunes entrepreneurs

Plusieurs initiatives, dont la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (GOANA), lancées par le président sénégalais Wade en réponse aux crises alimentaire et migratoire, l’ont été sans préparation et ont vite montré leur limite. Ces programmes, comme le soulignait le sociologue rural Jacques Faye, ont été plus « une aubaine pour les opportunistes et les corrompus, mais pas pour les ruraux et leurs enfants ».

D’importants moyens financiers ont déjà été déployés dans le cadre de la mise en œuvre des projets de l’Agence nationale d’insertion et de développement agricole (ANIDA, ex Plan REVA), du Programme des domaines agricoles communautaires (PRODAC) et du Projet d’appui à la promotion de l’emploi des jeunes et des femmes (PAPEJF).
Au début de l’année 2016, le directeur général de l’ANIDA indiquait que sa structure a réalisé, entre 2008 et 2015, 79 fermes villageoises et familiales dans lesquelles travaillent 10 000 jeunes agriculteurs sénégalais.

Le coût approximatif du PRODAC est de 100 milliards de Fcfa sur cinq ans. Le PAPEJF est financé à hauteur de 18 milliards de Fcfa par la Banque africaine de développement (BAD) et l’Etat du Sénégal et envisage la création de 156 fermes agricoles, avicoles et aquacoles intégrées et renforcer les capacités managériales et techniques de 17 000 promoteurs. Ces investissements devraient générer 15 000 emplois directs et 7 500 emplois indirects dans les régions d’intervention.
Récemment, de nouvelles orientations ont émergé, les autorités sénégalaises considérant l’agriculture comme la solution idéale pour relever le défi de l’emploi des jeunes. Par le biais du Plan Sénégal émergent (PSE), le gouvernement prévoit le développement de l’agriculture commerciale à travers notamment la mise en place de 100 à 150 fermes agricoles. En outre, la déclinaison agricole du PSE, le Programme d’accélération de la cadence de l’agriculture sénégalaise (PRACAS), prévoit d’appuyer les «entrepreneurs agricoles» à travers la mise en place de fermes agricoles et de Domaines agricoles communautaires (DAC).
Par Dr Cheikh Oumar Ba, socio-anthropologue et directeur exécutif de l’Initiative prospective agricole rurale (IPAR)
(Source : https://afrique.latribune.fr)