L’exploitation des données issues du big data est considérée par de nombreux acteurs comme un levier d’action pour le développement et la lutte contre la pauvreté. Accélérer l’accès à l’éducation et aux services de santé, faciliter la productivité agricole, optimiser la gestion des services essentiels ou répondre aux situations de crise ; des solutions se déclinent dans tous les secteurs.
À l’occasion du colloque numérique : « une opportunité pour les services essentiels et le développement » qui s’est tenu à Rabat, la Capitale marocaine, ce jeudi 3 juillet, le think tank (re)sources, spécialisé dans le droit à l’eau, à l’énergie et à l’assainissement sur le continent africain s’est penché sur ce potentiel. Entreprises, opérateurs mobiles et bailleurs s’inscrivent dans la dynamique numérique qui s’est déjà introduite dans la vie de millions d’individus.
Les mégadonnées, ces masses de données que l’on produit en permanence, sont à la source de considérables avancées. Avec 7 milliards d’abonnés uniques à la téléphonie mobile, dont la majorité d’entre eux se trouvent dans des pays émergents, il est plus facile en Afrique d’avoir accès au téléphone qu’à l’eau potable ou l’énergie.
« Le taux de pénétration du téléphone mobile en Afrique atteint 80%, contre 30% seulement pour l’eau potable », souligne Elisabeth Medou Badang, porte parole et directrice Afrique Moyen Orient du groupe Orange.
Il s’agit donc d’une véritable opportunité en matière de développement ; les données peuvent être mises au service du développement durable, alors même que la question de la protection des données personnelles plane sur le colloque.
Le big data pour le bien social
« Nous sommes la première industrie a avoir embrassé le développement durable, avec le programme Mobile pour le développement et, l’année dernière, Le big data pour le bien social », indique Afke Schaart, vice présidente Europe de GSMA (association qui représente près de 800 opérateurs et constructeurs de téléphonie mobile à travers 220 pays du monde).
Le téléphone mobile est donc la technologie la plus largement utilisée à présent, même si la moitié des habitants de la planète n’a pas accès a internet ; « C’est pour cela que l’on délivre des solutions numériques pour les plus pauvres avec le soutien de fondations ; 4,5 millions de personnes ont bénéficié d’assainissement, 7 millions d’euros de soutien ont été levés pour 275 millions d’euros d’investissement dans le secteur. Nous travaillons dans le monde avec des solutions de paiement tel que pay as you go (système de paiement au fur et à mesure, ndlr), mais aussi des systèmes fonctionnant avec l’énergie solaire ou l’on ne paye que lorsque l’on utilise le service ».
Le groupement table aussi sur des initiatives pour dépasser les crises humanitaire, les tremblement de terre ou les épidémie. Comment ? En trouvant les bonnes localisations. En partenariat avec l’OMS, la GSMA s’est penchée sur la tuberculose en utilisant des données de cartographie anonymes pour mesurer les pics de maladie et ainsi prédire où les personnes se trouveront exposées à un risque plus élevé. L’association traque aussi les formes résistantes de la malaria en utilisant les données anonymes pour être en mesure d’identifier la source et les voies de transmission de cette maladie.
Les opérateurs téléphoniques en première ligne
« Nous étions présents dans 4 pays il y a 20 ans, nous avons 120 millions de clients dans une vingtaine de pays aujourd’hui », explique la directrice AMO Orange Elisabeth Medou Badang. « Notre présence s’inscrit dans une perspective sur le long terme. Il y a un véritable impact de notre activité mobile dans la vie des gens ; le potentiel qu’elle génère nous a emmené à réorienter notre stratégie. Nous voulons être un opérateur multi-service partenaire dans ces pays et capitaliser sur cette transformation digitale. On sait que le numérique permet d’améliorer rapidement l’accès à un certain nombre de service, car la transformation des usages est très rapide sur le continent, avec une grosse facilité d’adoption des technologies. Et pour une grande partie des utilisateurs, il a été question d’avoir un premier compte en banque mais aussi d’accéder au crédit, aux assurances ou à l’épargne ». Dans l’agriculture comme l’industrie mécanique, la 5G peut apporter de grosses avancées. Orange a aussi développé, à Madagascar et en République démocratique du Congo, des outils de paiement pour offrir des services d’énergie avec des kits solaires.
Données et pouvoir décisionnel
Pour améliorer les processus de décisions dans le choix d’infrastructures, les données de géolocalisation s’avèrent utiles. Au Sénégal par exemple, un projet de la GSMA a permis d’identifier les trajectoires les plus pertinentes pour la construction d’une route, en adéquation avec les données des trajets opérés par les utilisateurs de la téléphonie mobile. Les données sont aussi utilisées pour définir des cartes sur les taux d’illettrisme. Même constat pour Ebola, où l’on analyse la mobilité des citoyens pour anticiper les mouvements des populations ; « On construit un algorithme en regardant les usages des clients, la durée des appels, ses transactions, pour arriver à différencier l’adolescente du petit entrepreneur et pour mieux répondre à ses besoins professionnels. L’analyse des données s’avère importante pour l’industrialisation ; qu’il s’agisse de définir des politiques ou satisfaire des besoins essentiels. Mais les opérateurs et autres acteurs du numérique doivent être en mesure de construire un modèle qui permette l’accès aux données de manière sécurisée. Ils doivent être en mesure de capitaliser sur cette manne d’information importante, tout en protégeant celles-ci », explique Afke Schaart, vice présidente Europe de GSMA.
Ces pratiques ont bien entendu leurs limites, à savoir la différence de force numérique probables entre les zones rurales et urbaines, mais aussi la question de la contribution des acteurs du numérique à la fiscalité des états africains dans lesquelles elles opèrent.
(Source : https://afrique.latribune.fr)