Dans un rapport rendu public ce mercredi 11 juillet et intitulé « Dynamiques du développement en Afrique 2018 : Croissance, emploi et inégalités », la Commission de l’Union africaine et le Centre de développement de l’OCDE ont mis en relief une persistance des inégalités et de la pénurie des emplois de qualité sur le continent noir, malgré une croissance solide ces deux dernières décennies. L’organisation a formulé des recommandations adaptées au contexte local, multidimensionnelles et holistiques, lesquelles devront soutenir la réalisation des objectifs de développement de l’Agenda 2063 qui se trouvent en permanence au centre du rapport.

Seulement quelques jours après le sommet de l’Union africaine (UA), la Commission de l’organisation faîtière en Afrique a publié ce mercredi, conjointement avec le Centre de développement de l’OCDE un rapport intitulé « Dynamiques du développement en Afrique 2018 : Croissance, emploi et inégalités ». Celui-ci analyse les politiques requises pour promouvoir une croissance inclusive, créer des emplois et réduire les inégalités, dit-on. Ces politiques « visent à répondre aux aspirations de l’Agenda 2063 » de l’UA. Voilà qui devrait faire réfléchir plus d’un et influencer les agendas politiques.

En effet, le document soutient que la croissance économique sur le continent n’a pas vraiment changé la situation en matière des inégalités et des emplois de qualité.
« Entre 2000 et 2016, l’Afrique a connu une forte dynamique de croissance (taux de croissance annuel moyen de 4.6 %). C’est un rythme plus élevé que l’Amérique latine et les Caraïbes (2.8 %) mais moins important que l’Asie (7.2 %) », indique le rapport ajoutant que « la croissance des années 2000 n’a pas créé assez d’emplois et la qualité des emplois est encore insuffisante. À ce rythme, 66 % des emplois seront précaires en 2022, un taux bien supérieur à l’objectif des 41 % pour 2023 » et que « la croissance africaine ne génère pas autant d’améliorations du bien-être qu’ailleurs dans le reste du monde ».

Concrètement, selon les auteurs du rapport, depuis 2000, le continent africain a triplé son PIB et son commerce avec les pays émergents dont la Chine et l’Inde passant de 276 milliards de dollars à 806 milliards de dollars en 2016 (51% des exportations et 46% des importations). Pendant ce temps, malheureusement, les emplois de qualité stagnent à 34% (le continent compte actuellement 282 millions de travailleurs vulnérables) tandis que si le niveau de pauvreté extrême chute de 45% en 1990 à 35% en 2013, la population en pauvreté extrême est passée sur la même période, de 280 millions de personnes à 395 millions.
Des inégalités variables selon les régions du continent
Cette persistance des inégalités et de la pénurie d’emploi de qualité est variable sur le continent africain, chacune des régions ayant ses spécificités. L’Afrique de l’Est qui affiche des performances plus solides et plus élevées que les autres régions du continent avec une croissance annuelle supérieure à 4% depuis 1990 portée par le secteur des services informels et non marchands, a 35% de sa population qui vit en extrême pauvreté. Paradoxalement, en Afrique du nord où la croissance est instable, les Etats sont parvenus à réduire la pauvreté et les inégalités d’opportunité. En Afrique de l’ouest, avec le Nigeria, le Ghana et la Côte d’Ivoire, entre 2000 et 2014, le taux de croissance est resté à plus de 5%. L’UA souligne que l’accroissement démographique dans la région, la hausse de la demande, régionale et l’essor de la classe moyenne, s’ils constituent autant de perspectives positives de développement, requièrent la création de millions d’emplois dans l’économie formelle. Aussi, si l’accès aux services de base s’est amélioré, la distribution du revenu reste inégale, précise le rapport.
Quant à l’Afrique australe, si elle bénéficie depuis 2000, d’une croissance économique régulière, mais qui commence à s’essouffler, l’emploi reste un enjeu de taille en Afrique australe, surtout face à l’arrivée attendue chaque année de 1,1 million de nouveaux entrants sur le marché du travail. En Afrique centrale, il y a une dynamique de croissance robuste depuis 2000 (5,6% en moyenne) mais depuis 2015, la création d’emplois formels est dissociée de l’activité économique, indique-t-on dans le rapport.
Changer les dynamiques de croissance du continent
Ces performances relevées par la Commission de l’UA dans son rapport sont loin de satisfaire les aspirations de l’Agenda 2063 de l’UA pour une « Afrique prospère fondée sur une croissance inclusive et un développement durable ». Ainsi pour atteindre les objectifs fixés, les Etats devraient changer leurs dynamiques de croissance avec à la base, de nouvelles stratégies de développement. Pour y arriver le rapport formule certaines recommandations clés.
En Afrique australe, les Etats devraient mettre en œuvre la Stratégie d’industrialisation de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et la feuille de route 2015-63 en facilitant les investissements dans les capacités nationales technologiques et industrielles et en stimulant le commerce intrarégional. Ils devraient ensuite investir dans des programmes de formation avec le secteur privé, en particulier parmi les entreprises locales à fort potentiel. Étendre et intégrer les politiques du marché du travail et les programmes d’assistance sociale dans les systèmes de protection sociale ainsi que poursuivre les efforts de réduction de la pauvreté, en particulier dans les zones rurales, continuent également des domaines d’action clés.
En Afrique centrale, le rapport recommande un approfondissement de la coopération régionale au niveau des politiques budgétaires, monétaires et commerciales pour promouvoir des chaînes de valeur régionales et renforcer la compétitivité du secteur privé. Il exhorte à encourager la transformation locale des matières premières en veillant à ce que les entreprises sur place aient accès à l’électricité, aux services essentiels, à une main-d’œuvre qualifiée et des équipements mais aussi d’apporter une aide ciblée aux femmes et aux jeunes. Le document insiste également sur, la facilitation des investissements dans les infrastructures nationales et régionales, surtout pour l’électricité et le transport, l’installation d’un environnement d’affaires stable pour attirer des investissements durables, l’amélioration du recouvrement des impôts, les politiques de redistribution et les systèmes de protection sociale pour que l’ensemble de la population profite des rentes tirées du secteur extractif.
Dans la région d’Afrique orientale, il faudra poursuivre le programme de réforme pour améliorer le climat des affaires, stimuler les investissements par des mesures structurelles et institutionnelles, comme la simplification des règles commerciales et la libéralisation des importations de biens intermédiaires et d’équipement. La productivité agricole doit être stimulée et il faudra également soutenir les entreprises à haut potentiel dans les secteurs secondaire et tertiaire aux fins d’accélérer la transformation de l’économie. Pour la réduction de la pauvreté, ajoute le rapport UA, il faudra renforcer les programmes de protection sociale et en investissant dans l’éducation et le développement des compétences.
En Afrique du nord, l’UA appelle à investir dans les secteurs stratégiques créateurs d’emplois de qualité pour les jeunes et mieux participer au commerce intra-africain, à rapprocher les entreprises leaders des petites et moyennes entreprises locales pour les aider à se conformer aux normes, à améliorer la coopération entre autorités locales et secteur privé et à promouvoir la souplesse en milieu professionnel afin de favoriser la participation des femmes. Aligner l’éducation sur les besoins du marché du travail pour garantir l’emploi des jeunes. Quant aux autorités en Afrique occidentale, elles devront s’appliquer à développer le secteur privé local en favorisant les regroupements d’entreprises, y compris informelles, grâce à l’optimisation des cadres réglementaires et des régimes fiscaux, dans le but d’attirer des investissements, à renforcer les liens zones rurales-zones urbaines par le biais des villes intermédiaires, l’amélioration des infrastructures et la création de corridors sur le territoire national et entre pays et par la promotion de liens entre secteurs notamment à travers des activités agroindustrielles. Il leur faudra également investir dans l’éducation et le développement de compétences professionnelles pour tous, adaptées aux attentes du marché du travail.
Notons que ce rapport, premier du genre, est « le fruit d’un partenariat unique en son genre entre le département des Affaires économiques de la Commission de l’UA et le Centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques ».
(Source : https://afrique.latribune.fr)