L’agriculture représente près de 20 % du PIB ivoirien et emploie près de la moitié de la population. Le défi est désormais de passer d’une agriculture de subsistance à celle entrepreneuriale efficace, utile et durable, par le développement de l’agro-business. Un marché prometteur avec une forte demande à laquelle les établissements de microfinance tentent de répondre avec des produits sur mesure. Unacoopec-ci, Advans, Microcred… Ils sont plusieurs établissements de microcrédits à se disputer le marché par des offres innovantes.

L’agro-business serait-il un bon filon pour les investisseurs en Côte d’Ivoire ? C’est ce que semblent croire les établissements de microfinance dont une bonne partie de la clientèle est constituée d’agriculteurs ruraux. Ces derniers ont besoin de projets sur mesure pour couvrir leurs besoins en termes de financement, selon l’Union nationale des COOPEC de Côte d’Ivoire (UNACOOPEC-CI) qui peaufine sa gamme d’offres dédiées à l’agro-business.
Au cours d’une rencontre avec les médias, le 20 juillet dernier à Abidjan, son administrateur provisoire, Issiaka Savané, a précisé que la structure prévoit la création d’un établissement financier à caractère bancaire pour mieux répondre aux besoins des PME-PMI, afin de les accompagner dans la mise en place d’une activité dynamique et rentable, dédiée, en priorité, à des projets de femmes et de jeunes.

Quelques mois auparavant, Advans Côte d’Ivoire, l’une des principales institutions de microfinance du pays, annonçait sa décision d’injecter 1 000 milliards de Fcfa, soit près de 1,5 milliard d’euros, dans l’économie ivoirienne d’ici 2023. Une bonne partie des financements est destinée à des projets en agro-business et à l’agriculture plus généralement, qui est l’une des cibles prioritaires du groupe.

«Nous octroyons des financements pour les filières cacao et anacarde afin d’améliorer l’accès aux intrants, permettre l’achat de véhicules ou pour augmenter les fonds de roulement. Nous comptons élargir notre gamme de produits aux autres filières agricoles dans les prochaines années», déclarait Gael Briot, directeur général d’Advans Côte d’Ivoire, dans une précédente interview avec La Tribune Afrique. Tout comme Advans, I’Union nationale des COOPEC de Côte d’Ivoire (UNACOOPEC-CI) veut étoffer son offre destinée aux projets en agro-business.

Un mixte de culture vivrière et de rente

«82% de nos Coopec exercent dans les zones rurales, dont les activités en Côte d’Ivoire tournent autour de l’agriculture à 90% : la production de rente, les cultures vivrières et la transformation de ces produits. C’est pourquoi, nous avons pris une nouvelle orientation avec un projet de financement de l’économie rurale en général, et particulièrement dans les secteurs de l’agriculture et l’agropastorale», a déclaré YAO Komissa Samuel, Spécialiste du financement des Chaines de valeurs agricoles et Responsable d’un des 3 pôles de Compétitivité à l’UNACOOPEC-CI. Pour ce faire, le groupe a mis en place une unité d’agro-business, chargée de définir et de proposer des produits adaptés aux besoins des populations et producteurs ruraux.

L’agro-business est un concept économique qui prend en compte l’ensemble des opérations impliquées dans la production, la fabrication, la transformation et la distribution de produits agricoles. Parmi les filières porteuses dans l’agro-business en Côte d’Ivoire, on retrouve notamment celle du cacao, de l’huile de palme, de l’hévéa, de l’anacarde, de la canne à sucre, du coton…, mais aussi celles des cultures vivrières comme le riz, le maïs, le manioc, la banane plantain, l’igname… qui sont des denrées très consommées en Côte d’Ivoire et dans la sous-région. A ces produits s’ajoutent des cultures maraîchères comme la tomate, l’haricot vert, le gombo, l’oignon…

«Dans notre répartition des centres d’activités opérationnels (les COOPEC) au niveau d’une région donnée, nous nous basons sur les types d’activités économiques qui y dominent et notre unité d’agri-business est, par la suite, structurée de manière à satisfaire les besoins de ces populations. Le projet d’agri-business annoncé vise, en grande partie, au à soutenir des projets déjà existants. Il a nécessité le renforcement, le réaménagement de notre dispositif interne par la création de 3 pôles de compétitivité», nous explique YAO Komissa Samuel.
Le groupe privilégie le financement des activités agricoles avec une approche chaîne de valeur : de la production à la commercialisation, avec éventuellement des étapes de transformation.

Professionnalisation des producteurs

Pour une meilleure visibilité et rentabilité, les établissements de microfinance poussent les différentes filières de l’agro-business à s’organiser, à se structurer et à se formaliser. Dans le domaine du cacao, l’UNACOOPEC-CI à un projet visant à professionnaliser 24 000 producteurs de cacao au cours des trois prochaines années avec des produits spécifiques adaptés à leurs besoins. L’appui consiste également à les former aux bonnes pratiques agricoles, pour une meilleure gestion de leurs plantations, mais également à l’entrepreneuriat, à l’éducation financière, sans oublier de les équiper et les fournir en produits phytosanitaires. «Ce sont des projets où nous allons apporter notre concours financier. Dans ce cas par exemple, le coût financier avoisine les 3 milliards de FCFA sur trois ans, avant de procéder à son extension», a-t-il expliqué.

Dans le cadre du PROPACOM-OUEST, le projet d’appui à la production et à la commercialisation, dans sa phase d’extension à l’Ouest de la Côte d’Ivoire, l’UNACOOPEC-CI participe au financement du projet à hauteur de 60% et le Fonds international de développement agricole (FIDA) à hauteur de30 %, tandis que les bénéficiaires contribuent à hauteur de 10%. Au total, l’UNACOOPEC-CI devrait débourser 6 milliards de Fcfa, notamment pour l’approvisionnement en intrants et l’appui à la production et à la commercialisation des produits dans les filières riz, manioc, maïs et maraîchers. En contrepartie de leur accompagnement, les établissements de microcrédits exigent des garanties. L’un des critères essentiels d’accès au financement des mutuelles de microfinance est la possession de terres, de ressources humaines et l’instauration d’un certain niveau d’organisation. Par ailleurs, ils misent également sur les nouvelles technologies pour une meilleure inclusion.

L’inclusion par les nouvelles technologies

La plupart des sociétaires, des clients de la microfinance en Côte D’Ivoire détiennent des portables. Dans la stratégie des entreprises de crédits, il s’agit de faire en sorte que les sociétaires puissent déposer et retirer de l’argent par le biais des transferts mobiles, ce qui limitera la logistique habituelle, en créant des points de distribution agréés pour faciliter leurs opérations et réduire la distance.
«Nous sommes en train de préparer des cartes prépayées, ce qui fera qu’une partie des revenus des producteurs sera dans un compte épargne et une autre dans une carte avec laquelle ils peuvent payer selon leurs besoins», précise YAO Komissa Samuel.

Les énormes potentiels du secteur ont fini par créer de la concurrence : Advance Côte d’Ivoire ou encore Microcred, ainsi que certaines banques comme la Banque Atlantique filiale de la Banque populaire ont également développé un département dédié aux chaînes de valeur agricoles. Plusieurs établissements de microfinance travaillent ainsi en collaboration avec de grands groupes bancaires, comme la Banque islamique de développement avec laquelle UNACOPPEC-CI a noué un partenariat pour développer la finance islamique.

«Beaucoup de banques classiques internationales prennent désormais des participations dans les microfinances pour toucher notamment cette clientèle. Le tout a été accéléré par le développement du M-Banking», explique Toussaint N’guessan, président de l’Organisation mondiale des cultivateurs de cacao.
Mais l’investissement des mutuelles dans l’agriculture et le développement de l’agro-business est-il la solution à la difficulté d’accéder au crédit pour les producteurs ruraux ?

Un début de solution pour relever le niveau de bancarisation

Le lancement du secteur de la microfinance dans l’agriculture et l’agro-business peut être considéré comme un début de solution. «Le monde rural n’a pas accès au financement classique, les coopératifs agricoles bénéficient rarement de crédits des bancaires classiques et ont de ce fait besoin d’un financement adapté et approprié. C’est de là que les mutuelles et coopératives de microfinance ont pris le relais, puisque l’on assiste à une adaptation des financements au milieu rural, aux petits producteurs et à leurs organisations», affirme N’guessan.Cependant, le faible taux de bancarisation dans le milieu rural demeure très en dessous de la moyenne nationale qui est de 20% en Côte d’Ivoire.
(Source : https://afrique.latribune.fr)