C’est sur une promesse de la consolidation des échanges, et surtout de nouveaux 60 milliards de dollars d’investissements qu’a pris fin le FOCAC 2018. Aux antipodes donc de la problématique -qui a refait surface- d’un endettement incontrôlé des pays africains par la Chine, le président Xi Jinping a rassuré ses partenaires du Continent qui ont largement fait le déplacement à Beijing. Une bienveillance chinoise que les dirigeants africains ont tenu à magnifier à travers des propos qui en disent long sur l’état des relations sino-africaines. De la quarantaine des allocutions des chefs d’Etat prononcé durant le FOCAC en signe de gratitude, quelques morceaux choisis qui en disent beaucoup sur les raisons qui motivent, de manière générale, ce bras ouvert africain à un partenaire certes nouveau, mais qui est en train de bousculer un certain ordre établi depuis des décennies. En Afrique, il y parfois que des mots pour témoigner sa reconnaissance pour un bon partenaire, et en la matière, de Roch Kaboré, ADO, Déby, Kenyatta à IBK, en passant par Paul Biya, Macky Sall, Patrice Talon, Cyril Ramaphosa et autres, les chefs d’Etat africains n’ont pas tari d’éloges.

Les lampions de la 5e édition du Forum de coopération Afrique-Chine (FOCAC) sont en train de s’éteindre à Beijing qui continue en ce jeudi 6 septembre de vibrer au rythme des cortèges officiels des dirigeants africains qui finissent de regagner leurs pays, après plusieurs jours d’un rendez-vous des plus stratégiques. Avec surtout des nouvelles promesses de la Chine, la nouvelle puissance émergente économique mondiale et depuis maintenant des années, le premier partenaire commercial de l’Afrique.

Dans les valises de retour de la quarantaine de chefs d’Etat qui ont séjourné une semaine durant, de nouvelles promesses d’investissements à hauteur de 60 milliards de dollars, comme annoncé par le chef de l’Etat chinois, Xi Jinping, nouvel architecte de la «route de la soie» et qui a fait de l’Afrique une escale de premier choix.

En dépit des études alarmantes ainsi que des mises en garde de l’Afrique sur le poids de la dette chinoise qui se sont amplifiées à la veille du sommet, les dirigeants du Continent ayant massivement fait le déplacement à Beijing ont répondu présent à l’appel de Xi Jinping pour se joindre à l’initiative «One belt, one road» (OBOR). Une parfaite illustration de la volonté des deux parties de consolider leurs partenariats bilatéraux en misant sur les résultats de ce qui a été déjà fait et est visible sur le terrain.

Autant dire que si la Chine a ses propres intérêts en Afrique, les chefs d’Etats africains ont aussi vu les leurs dans cette promesse d’avenir qui, entres autres, va se traduire par plus de nouveaux ponts, de nouvelles routes, autoroutes, logements sociaux, prêts concessionnels et tout ce qu’on peut attendre d’un partenaire, qui plus est, sans clauses de droit de regard sur les affaires internes. C’est certes ce qui fait la marque de fabrique de l’offre chinoise et qui la démarque des offres concurrentes au regard de l’intérêt qu’elle suscite et que les dirigeants africains en témoignent à chacune de leurs interventions lors de ce sommet.

Avec des mots, les chefs d’Etat africains ont donc tenu à témoigner leur reconnaissance à l’endroit des dirigeants chinois, mais aussi et surtout de Xi Jinping qui a véritablement réussi sa démonstration de force pour ceux qui doutent encore de l’influence de l’Empire du Milieu sur le Continent, mais aussi et surtout du rôle que la Chine entend jouer en Afrique. Avec les quelques allocutions ci-dessus choisies, ce n’est point un truisme de le dire : la Chine-Afrique ne fait que commencer !

Paul Kagamé : «Ceux qui critiquent la Chine sur la dette ne donnent pas assez »

L’intervention du président rwandais a été l’une des plus attendues au FOCAC 2018 et fidèle à son habitude, Paul Kagamé a encore fait parler de lui à travers ses déclarations. En récusant d’abord en bloc les craintes d’une crise de l’endettement que fait peser de nouveau la Chine à l’Afrique et qui risque d’hypothéquer son développement. «Un faux piège», selon le président en exercice de l’Union africaine (UA) qui a tenu à faire souligner que les marges de manœuvre de coopération entre la Chine et l’Afrique sont encore assez étendues. «Ceux qui critiquent la Chine sur la dette ne donnent pas assez», a d’ailleurs implicitement répondu Paul Kagamé aux partenaires traditionnels de l’Afrique, les bailleurs de fonds occidentaux et institutions financières internationales qui s’inquiètent de la montée en puissance de la Chine et des milliards de yuans qui se déversent sur le Continent.

«La présence de la Chine sur le Continent ainsi que ses actions ont montré qu’une Afrique plus forte est désormais perçue comme une opportunité d’investissements plutôt que comme un problème ou une menace. L’excellence et la valeur ajoutée des liens entre l’Afrique et la Chine sont évidentes, il n’y a aucun doute à ce sujet. L’Afrique n’est pas un jeu à somme nulle. Nos liens croissants avec la Chine ne sont pas à la charge de quiconque. En effet, les bénéfices sont appréciés par tous ceux qui font des affaires sur notre Continent», a déclaré le chef de l’Etat rwandais, Paul Kagamé, président en exercice de l’UA.

Mahamadou Issoufou : «Nous invitons la Chine à soutenir le G5 Sahel»

A chacun ses préoccupations, ainsi que celles de sa sous-région, au-delà des attentes du continent du partenaire chinois. Pour le président du Niger, Mahamadou Issoufou, la pertinence du thème du forum -«Construire ensemble une communauté de destin sino-africaine encore plus solide»- est évidente et l’initiative du gouvernement de la République populaire de Chine de l’inscrire dans le cadre du projet «Une ceinture, une route» l’est encore davantage.

Rappelant que la Chine est le premier partenaire commercial de l’Afrique depuis 2009 avec un montant des échanges qui de 170 milliards de dollars en 2017, atteindra 400 milliards de dollars en 2020, Mahamadou Issoufou a plaidé encore une fois auprès de la Chine pour qu’elle s’associe à l’initiative G5 Sahel, l’organisation sous-régionale qu’il préside actuellement. Par manque de moyens, l’organisation bute toujours face au manque de capacité légale, matérielle et surtout financière de se mettre en place.

«Dans le Sahel, les pays du G5-Sahel -le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad- ont mis en place une force conjointe qui a besoin d’un mandat sous le chapitre 7 de la Charte des Nations Unies et de sources de financement pérennes. Nous souhaitons que la Chine, membre permanent du Conseil de sécurité, soutienne la requête introduite auprès du Conseil de sécurité dans ce sens. Par ailleurs, le G5-Sahel, conscient que le développement est à terme l’outil par excellence de lutte contre le terrorisme, a conçu un Plan d’Investissement Prioritaire qui fera l’objet d’une réunion de coordination des partenaires en décembre prochain à Nouakchott en Mauritanie. Au nom du G5-Sahel, j’invite notre partenaire, la Chine, à participer à cette importante rencontre», a plaidé le chef de l’Etat nigérien, Mahamadou Issoufou, président en exercice du G5 Sahel.

Muhammadu Buhari : «Les infrastructures financées par la Chine sont vitales pour le Nigeria qui est capable de rembourser ses prêts»
Le chef de l’Etat nigérian, Muhamadu Buhari, est un nationaliste convaincu comme en attestent les réticences de son pays à intégrer encore la Zone de libre-échange continentale africaine (Zleca) ou même le marché unique africain du transport aérien (MUTAA). Deux initiatives majeures d’intégration portées par l’UA, mais que la première économie du Continent rechigne encore à rejoindre bien que convaincue des perspectives que lui offrent ces opportunités stratégiques pour son industrie. Le pays met plutôt en avant son intérêt, le temps certainement de consolider son économie. Ce qui explique pourquoi à Pékin, le président Buhari est parti de l’impact de la coopération sino-africaine dans son pays pour illustrer sa pertinence et légitimer son efficacité. «Le partenariat du Nigeria avec la Chine a abouti à l’exécution de projets d’infrastructures vitaux dans tout le pays, évalués à plus de 5 milliards de dollars au cours des trois dernières années de mon gouvernement», a expliqué Buhari.

Au-delà de son allocution solennelle du 3 septembre lors de la cérémonie plénière, c’est au cours du forum consacré au secteur privé, le mardi 4 septembre, que le président nigérian a mis en exergue la contribution de la coopération chinoise à l’économie du Nigeria. «Grâce au soutien de la Chine, le Nigéria s’est remarquablement attaqué à la résolution des défis importants dans les domaines de l’infrastructure, du renforcement des ressources humaines, de la lutte contre le chômage, mais aussi du développement dans les secteurs du transport, de l’agriculture et de l’énergie», a souligné le chef de l’Etat nigérian.

Entre autres exemples cités par Buhari, la construction du premier réseau ferroviaire urbain (TGV) en Afrique de l’Ouest d’une valeur de 500 millions de dollars qui est entrée en service en juillet dernier à Abuja, ou la ligne ferroviaire de 180 km qui relie Abuja et Kaduna, également d’un coût de 500 millions de dollars.

«Les engagements financiers en cours de la Chine au Nigéria utilise pour l’exécution de différents projets sont aujourd’hui estimés à 3.4 milliards de dollars et sont à divers stades d’achèvement », a ajouté Buhari citant, entre autres, la modernisation des aéroports, la ligne de chemin de fer Lagos – Kano, le projet hydroélectrique de Zungeru et des infrastructures de télécommunications notamment des réseaux de fibre optique. A cela s’ajoute la signature, il y a moins de 3 mois, d’un prêt supplémentaire de 1 milliard de dollars de la Chine destinés à du matériel roulant supplémentaire pour les lignes ferroviaires nouvellement construites, ainsi que pour la réhabilitation des routes et des projets d’approvisionnement en eau dans tout le pays.

Pour Buhari, le niveau élevé de cohérence et d’engagement que la Chine a montré dans le renforcement de ses relations avec les pays africains rend «optimiste» du fait «que ce sommet offrira de nouvelles opportunités qui pourraient s’appuyer sur ces réalisations passées». Tout en soulignant l’adhésion de son pays à l’initiative chinoise de «la nouvelle route de la soie», considérée comme «un mécanisme chinois supplémentaire de renforcer la coopération dans notre quête d’infrastructures et de développement économique», le président Buhari a dissipé d’un geste de la main «les insinuations sur le soi-disant piège de la mort du gouvernement chinois sur les pays en développement». Buhari a en ce sens insisté sur le fait que «le Nigeria serait en mesure de rembourser les prêts».
«Ces projets d’infrastructure vitaux sont parfaitement synchronisés avec notre plan de relance économique et de croissance. Certaines de ces dettes sont liquidées. Notre pays est en mesure de rembourser les prêts au fur et à mesure de la mise en œuvre de notre politique de prudence fiscale et de bonne gestion des finances publiques», a indiqué Muhamadu Buhari, le président du Nigeria.
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