Le 17e Sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a débuté ce jeudi 11 octobre à Erevan en présence d’une quarantaine de chefs d’Etats et 84 délégations. Durant deux jours, les chefs d’Etat dont une quinzaine de présidents africains, vont échanger sur les moyens de promouvoir l’organisation forte de ses 300 millions de locuteurs. Si le principal enjeu de ce sommet est l’élection du nouveau secrétaire général, l’Afrique, continent qui abritera près de 700 millions de francophones à l’horizon 2050, s’impose comme le moteur d’une francophonie des affaires qui émerge désormais comme la réponse aux défis contemporains.
C’est en grande pompe que s’est ouvert, ce jeudi 11 octobre au sein du complexe « Karen Demirchyan » d’Erevan, la capitale arménienne, le 17 Sommet des chefs d’Etats de l’OIF. Ils sont 84 délégations représentants les pays membres de l’organisation dont 38 dirigeants, à prendre part à cette grande messe qui enregistre une importante participation des pays africains notamment une quinzaine des chefs d’Etat.
La cérémonie officielle d’ouverture du sommet a été marquée par plusieurs interventions notamment celle de la secrétaire générale sortante de l’OIF, la canadienne Michaelle Jean, qui en a profité pour planter le décor mais aussi et surtout mettre en exergue les véritables enjeux.
« C’est sous votre impulsion que la Francophonie, au fil de ces quelque cinquante ans, a renforcé ou élargi ses missions, pour répondre au plus près, oui aux besoins et aux aspirations nouvelles des populations, notamment des femmes et des jeunes, en matière d’éducation et de formation, en matière de développement durable, d’innovation technologique, d’entrepreneuriat », a adressé, à l’endroit des chefs d’Etat, Michelle Jean qui a également profité pour dresser le bilan de son mandat qu’elle va remettre en jeu à l’occasion du sommet d’Erevan.
« Nous ne nous sommes pas contentés de nous adapter aux défis du monde, nous avons su aussi être à l’avant-garde quand il le fallait, démontrant que les principes et les valeurs au fondement de notre projet et de notre idéal valent pour tous les temps, tous les peuples et toutes les nations », a poursuivi la secrétaire générale de l’OIF, qui n’a pas manqué au passage d’égrener la longue liste « signes précurseurs d’un monde en rupture d’équilibre, de sécurité et de paix ».
Comme il fallait s’y attendre, elle n’a pas raté l’occasion d’adresser une sorte de défiance aux chefs d’Etat des pays membres de l’organisation, anticipant certainement sur son sort qui sera scellé demain, lors de la dernière journée du sommet. Le sommet intervient en effet alors que Michaelle Jean, candidat à un second mandat, est en train de se voir ravir le poste par la rwandaise Louise Mushikiwabo, qui bénéficie du soutien de l’ensemble des chefs d’Etat africains mais aussi de la France, des pays africains et même de son pays, le Canada ainsi que le Québec.
« Alors, au moment où nous marchons vers le cinquantième anniversaire de la Francophonie, demandons-nous, ici à Erevan, en toute conscience et en toute responsabilité, de quel côté de l’Histoire nous voulons être ? Sommes-nous prêts à accepter que les organisations internationales soient utilisées à des fins partisanes, alors que nous avons besoin, comme jamais, de nous unir dans un multilatéralisme rénové et volontaire pour trouver des réponses et des solutions transnationales à des menaces et des défis désormais transnationaux ? », s’est interrogée la secrétaire générale de l’OIF, Michaelle Jean.
L’interpellation de la secrétaire générale de l’OIF n’est pas passée inaperçue et vise implicitement la France, notamment le président Emmanuelle Macron, surtout lorsque Michaelle Jean a dénoncé, la compromission de la « démocratie », les « droits » et les « libertés », sur l’autel de « la réal politique », ou «de petits arrangements entre États ».
A la tribune pourtant, le président français s’est lui contenter de défendre la francophonie, qui doit être, «le lieu du ressaisissement contemporain », et le français, « la langue du refus de ce qui se passe, la langue d’une ambition communes ». Emmanuel Macron a profité pour planter le décor et aussi rappeler les enjeux du future, celui d’une organisation capable de faire face aux mutations qui affectent le monde mais aussi et surtout à accompagner le développement de ses pays membres notamment les pays africains.
L’Afrique en force à Erevan
De l’Afrique, il en a été beaucoup question durant ce sommet. D’abord avec la présence d’une trentaine et près de quinze chefs d’Etats, et ensuite dans les discours. Bien que certains chefs d’Etat de pays francophones se sont fait représenté, certains pour des raisons internes comme le burkinabé Roch Kaboré, qui a annulé son voyage pour raison de sécurité, ils sont plusieurs chefs d’Etat à faire le déplacement. Alpha Condé, Denis Sassou Nguesso, Béji Caid Essebssi, Ibrahim Boubacar Keita, Paul Kagamé, Macky Sall,… la liste est loin d’être exhaustive.
L’une des présences qui a été le plus remarqué, c’est celle du ghanéen Nana Akuffo Addo, un pays anglophone et non membre de l’organisation. Cependant, le président du Ghana a expliqué que son pays faisant exclusivement frontière avec des pays francophones avec qui, plus est, l’ancien « Gold coast » partage les mêmes espaces économiques (CEDEAO), sa présence à Erevan ainsi que le renforcement de ses relations avec les pays membres de la Francophonie, est « assez stratégique ».
A la tribune du Sommet, les chefs d’Etats du Niger, Issoufou Mahamadou, ainsi que celui de la Centrafrique, Faustin Archange Touadéra, ont pris la parole au nom de leurs pairs du continent pour réaffirmer leurs attachements aux valeurs de la francophonie. Ils ont par la même occasion plaidé leurs causes ainsi que ceux de l’Afrique, qui fait à de multiples défis notamment politique, socioéconomiques, climatique et surtout sécuritaire.
« Il ne peut avoir de prospérité dans l’espace francophone sans paix ni sécurité. Or certains de nos Etats membres sont confrontés aux menaces terroristes et à celles des organisations criminelles. C’est le cas des Etats du Bassin du Lac Tchad et de ceux du Sahel. Ces Etats ont besoin de la solidarité de la communauté Internationale en général et de la communauté francophone en particulier. (…). L’Afrique restera un réservoir de migration clandestine aussi longtemps qu’elle continuera à être un simple réservoir de matières premières. L’industrialisation du Continent est donc un impératif incontournable. D’avantage d’investissements directs des pays francophones développés pourra y contribuer », a déclaré Mahamadou Issoufou, président du Niger.
L’Afrique, moteur de croissance de la francophonie économique
Dans son long discours, le président français a plaidé pour « faire du Français, une langue du commerce, des affaires et de la diplomatie ». La francophonie des affaires, c’est en effet l’un des principaux enjeux du sommet comme d’ailleurs c’était le cas avec l’organisation, en marge du sommet du Forum Francophone des affaires (FFA). Au cœur de cette francophonie économique, l’Afrique bien sûr grâce notamment au vaste marché de 700 millions de locuteurs francophones en Afrique estimé à l’horizon 2050 !
Si Emmanuel Macron estimé que, «le premier combat de la francophonie dans les années à venir c’est la jeunesse, et particulièrement la jeunesse africain », le premier ministre canadien a été plus explicite. « L’Afrique s’impose comme le moteur de la Francophonie », a déclaré Justin Trudeau.
En la matière, les chiffres lui donnent raison et amplifie l’appétit pour l’Afrique des hommes d’affaires francophones. Selon les chiffres publiés la veille du Sommet par l’observatoire de la Francophonie, on compte en 2018, 300 millions de locuteurs dans le monde dont près de 60% d’entre eux résident en Afrique. C’est d’ailleurs l’espace qui affiche la plus grande progression depuis 2014 avec +17%, et les perspectives pour l’apprentissage du français, seconde langue étrangère la plus apprise au monde,
sont prometteuses avec 8% d’élèves et d’étudiants en plus au niveau mondial, une croissance porté là également par l’Afrique, alors que l’Asie accuse un certain recul.
Il convient de rappeler que le sommet d’Erevan se tient sous le thème : « vivre ensemble dans la solidarité, le partage des valeurs humanistes et le respect de la diversité : source de paix et de prospérité pour l’espace francophone ». Au cours de leur conclave de deux jours, les chefs d’Etat de l’OIF vont entériner plusieurs décisions adoptées en amont par le Conseil des ministres francophones, et procéder à l’élection de la nouvelle secrétaire générale de l’organisation.
Après le retrait de la demande d’adhésion de l’Arabie Saoudite, l’élection du SG sera le moment phare de la dernière journée du Sommet au cours duquel, le statut d’observateur a été accordé à plusieurs territoires notamment la Gambie, l’Irlande, Malte et l’état de Louisiane aux Etats Unis. L’hôte du prochain sommet, la Tunisie en 2020, sera également officialisé ce vendredi 12 octobre après l’adoption des différentes résolutions inscrites à l’ordre du jour du rendez-vous d’Erevan.