A l’occasion du lancement de sa Business Unit Afrique, le cabinet Mazars a réuni une palette d’éminents spécialistes et analystes autour des véritables enjeux africains de l’année. Entre optimisme et incertitudes, cette année s’annonce décisive pour le Continent qui doit relever plusieurs défis afin de tirer pleinement profit des opportunités de croissance dont sont porteurs certains pôles et niches. Au-delà des chiffres et des projections statistiques, les panélistes ont livré un décryptage sans concession des perspectives africaines.

Que réserve 2019 pour l’Afrique ? Au-delà des statistiques et projections déjà livrées par les principales institutions internationales ainsi que les agences de notation sur les perspectives économiques du Continent, les véritables enjeux de cette année riche en événements décisifs méritent bien une profonde analyse par ceux qui sont au cœur de l’évolution de la situation.

C’est à cet exercice que s’est livré le cabinet international Mazars qui a réuni, mardi 26 février à Casablanca, d’éminents experts et entrepreneurs africains afin d’échanger sur les sujets cruciaux, ainsi que les défis stratégiques qui vont déterminer l’évolution de la situation sociopolitique et surtout économique pour les prochains mois.

Evènement a été organisé à l’occasion du lancement de la Business Unit Afrique du cabinet Mazars qui entend ainsi consolider sa vocation d’accompagnateur des entreprises dans leur développement en Afrique. Comme l’a contextualisé dans son mot introductif de la conférence, Abdou Diop, directeur associé à Mazars Audit et Conseil, «l’Afrique est sans contexte un des continents qui présente un potentiel avéré de croissance et qui attire de plus en plus d’investissements étrangers ces dernières années». Malgré les facteurs à risques, beaucoup de pays ont su faire preuve d’une certaine résilience et profité de la dynamique portée par les gouvernants à travers des réformes politiques et économiques, ce qui a permis d’enregistrer des avancées significatives sur plusieurs plans, bien que beaucoup reste encore à faire pour atténuer certaines menaces qui plombent les perspectives.

Au-delà des grands défis liés à l’émergence du Continent et son développement, chaque année apporte son lot de réalités, d’enjeux et de préoccupations. «Qu’ils soient politiques, sociaux, économiques ou environnementaux, ils peuvent avoir un impact sur tout investisseur ou acteur économique», dira Abdou Diop pour qui «le décryptage de ces enjeux est essentiel pour tout entrepreneur ayant l’ambition de mener des actions et investissements durables sur le Continent».

Défis politiques
Des défis et des enjeux, 2019 s’annonce particulièrement riche en évènements qui seront déterminants pour les prochaines années. Il y a d’abord des élections à la pelle et qui concernent les grandes puissances du Continent, notamment au Nigéria, en Algérie ou en Afrique du Sud pour ne citer que ces pays de qui dépend fortement la croissance du Continent. Avec des risques de tensions et donc des germes d’instabilité politique qui ne manqueront pas d’impacter les pays voisins comme l’a mis en exergue Abdelmalek Alaoui, spécialiste en stratégie et fondateur et CEO de Guépard Consulting Group, qui a plaidé pour «un respect des institutions nationales afin de ne pas faire effondrer certains systèmes politiques qui, malgré certaines insuffisances en matière de gouvernance démocratique, font leurs preuves, comme l’illustre jusque-là, le cas algérien ou rwandais». Un appel à respecter la souveraineté des Etats africains afin de maintenir la stabilité politique, socle de tout développement et qu’a aussi mis en avant, Alioune Sall, directeur exécutif de l’Institut des futurs africains (IFA), basé en Afrique du Sud, qui a prônée une «une dissidence intellectuelle sans laquelle il ne saurait y avoir de rupture, encore moins de nouveaux paradigmes pour le développement du Continent».

Pour le Continent, l’heure est donc de s’affirmer et de trouver sa propre voie. Et comme les échanges l’ont démontré à travers un passage au crible de l’actualité politique dans certains pays à l’agenda électoral chargé, la dynamique actuelle pourrait être de bon augure pour l’environnement économique. Au-delà des élections qui se passeront également au Sénégal, Tunisie, Comores, Mauritanie ou Tunisie, l’Afrique est aussi impactée par les évènements des autres régions du monde, notamment avec l’intérêt croissant que lui portent les pays émergents qui sont en train d’étioler, dans une certaine mesure, l’influence de ses partenaires traditionnels occidentaux.

Il va falloir pourtant gérer ces phases d’inquiétudes en saisissant véritablement les enjeux politiques, mais aussi et surtout socio-économiques. Dans ce sens, les visions partagées par les économistes et hommes politiques Moussa Mara du Mali et Paulo Gomes de Guinée-Bissau ont porté justement sur ces défis stratégiques de l’heure qui comportent autant de défi pour les pouvoirs publics que pour les acteurs économiques puisque l’objectif est commun, celui d’accompagner le développement du Continent au profit de sa population.

Enjeux économiques
Sur le plan économique, la situation s’avère moins incertaine pour des perspectives de croissance prometteuses, comme l’a mis en avant Yacine Fal, de la BAD en rappelant avant les avancées enregistrées par le Continent en matière d’équilibrages budgétaires, d’assainissement des indicateurs macroéconomiques ou de relance de l’investissement privé porté par des géants comme l’Egypte ou l’Afrique du Sud. Cette année, c’est surtout l’entrée en vigueur attendue de la zone de libre-échange (Zlecaf) qui amplifie l’optimisme sur le Continent, d’autant que comme l’a fait remarquer Abdou Diop, des pôles et des niches de croissance comme en Ethiopie ou au Maroc participent à accélérer «des dynamiques continentales importantes».

Des raisons d’espérer donc face à un climat mondial d’incertitudes porté par l’impact d’une guerre commerciale qui ne dit pas son nom, mais dont les effets peuvent affecter la croissance africaine. Fort heureusement, l’Afrique a donné un signal fort à travers la Zlecaf, comme l’a souligné Salaheddine Mezouar, patron des patrons marocains qui à plaider pour qu’en réponse au «souverainisme ambiant et l’enfermement de certains marchés par des mesures protectionnistes», le Continent se démarque à travers «un arrimage mutuel des entreprises africaines, un mouvement porté par de grands groupes panafricains».

Dans cette économie mondiale en pleines mutations, l’Afrique bute encore sur des handicaps persistants. « Nous sommes tributaires des marchés mondiaux, ce qui ne permet pas encore d’appréhender les tendances lourdes de la croissance africaine», a rappelé l’économiste Kako Nubukpo. L’ancien ministre togolais de la Prospective et du développement et ex-directeur économique de l’OIF a mis en exergue le fait que malgré quelques débuts encourageants dans le processus d’industrialisation, «l’Afrique est de nouveau dans l’exportation des matières premières». Les risques que les pays africains restent encore en marge du commerce mondial sont toujours ambiants, ce qui se traduirait comme par le passé par une croissance non inclusive et qui, dans le contexte actuel, pourrait se traduire par «un choc économique et social».

In fine, il ressort des débats que l’Afrique doit faire face et assumer ses propres challenges. Mieux qu’ailleurs au regard des opportunités que recèle le Continent et qui peuvent jouer dans une économie mondiale en perpétuelle mutation comme l’a si bien mis en évidence, Estelle Youssoufa, femme d’affaires et de médias : «c’est le Continent qui est en train de faire émerger une classe moyenne qui sera l’une des principales sources de croissance dans les années à venir».

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