Le deuil de 157 morts, de 35 nationalités différentes, reste encore à faire. Pourtant, la polémique couve. Pour la conjurer, Tewolde Gebremariam, PDG d’Ethiopian Airlines, a paré à toute spéculation sur les causes du crash qui seront établies après enquête. Pour l’heure, la compagnie nationale de l’Ethiopie doit faire face à sa première communication de crise dont l’enjeu principal est d’enrayer l’autre polémique sur les critiques amalgamées des compagnies aériennes africaines. A la décharge d’Ethiopian Airlines, la compagnie affiche des indicateurs de performance qui lui permettent d’assumer une envergure panafricaine et de concurrencer les plus grandes compagnies.
En Ethiopie, ce 11 mars est un jour de deuil. Ainsi en a décidé le parlement après le crash du vol ET302 d’Ethiopian Airlines, assurant la liaison Addis-Abeba à Nairobi au Kenya. La catastrophe aérienne n’a laissé derrière elle qu’un grand cratère au sol près de la ville de Bishoftu, mais aucun survivant parmi les 149 passagers et les 8 membres d’équipage à bord, de 35 nationalités. Malgré le deuil, la polémique couve sur la qualité de la compagnie nationale éthiopienne dans un amalgame.

«Il est trop tôt pour spéculer. Les spéculations, ce n’est pas bon», a coupé court Tewolde Gebremariam, PDG d’Ethiopian Airlines, lors de sa conférence de presse du lundi 10 mars. Une vraie crise qui pourrait impacter l’image de ce bijou aérien national. Et elle arrive au moment où Ethiopian Airlines, qui a déjà acquis une envergure panafricaine, s’apprête à déployer ses ailes pour concurrencer les plus grandes compagnies mondiales. L’accident ne fait pas perdre des étoiles à l’oiseau éthiopien qui reste performant, malgré l’accident aérien.

Des accidents pas si nombreux que ça pour Ethiopian Airlines
Le crash de ce 10 mars 2019 est le dernier en date pour la compagnie éthiopienne. Cela faisait dix ans que la compagnie, qui a rafraîchi sa flotte, intensifié la formation de son personnel et diversifié ses lignes, n’avait pas connu d’accident. Le 25 janvier 2010, le Boeing 737-800, loué à CIT Aerospace s’est abîmé en Méditerranée, au large du Liban, peu de temps après son décollage de Beyrouth pour rallier l’aéroport de Bole en Ethiopie.

En 73 ans d’existence, la compagnie, créée le 8 avril 1946 par l’Empereur Hailé Sélassié, n’a jamais été placée sur liste noire de compagnies dangereuses ou ne respectant pas les règles de sécurité en vigueur dans l’aviation civile mondiale. Pourtant, il faut signaler qu’Ethiopian Airlines a été impliquée dans 64 accidents ou incidents aériens, selon le site Aviation Safety Network, en plus d’une demi-douzaine d’accidents ou incidents pour son prédécesseur (Ethiopian Air Lines, nom changé en 1965). En comparaison, la compagnie Air France, créée une dizaine d’années plus tôt en 1933, a connu près de 140 accidents ou incidents, soit le double d’incidents pour les deux compagnies éthiopiennes.

Meilleure compagnie africaine, concurrente des compagnies étrangères
Ethiopian Airlines est un des 28 membres de la Star Alliance, le plus important réseau mondial de compagnies aériennes au monde. Dans le classement Skytrax 2018 du cabinet de conseil britannique éponyme qui établit la liste des 100 meilleures compagnies mondiales, Ethiopian Airlines occupe la 40e place, ce qui en fait la meilleure compagnie du Continent en termes de flotte, de chiffre d’affaires et de nombre de passagers.

Avec l’aéroport international de Bole comme base, la compagnie éthiopienne a amorcé, selon sa feuille de route stratégique, un processus pour étoffer sa flotte qui compte 92 avions presque tous neufs (sans compter 49 en commande) qui desservent 122 destinations dont 40 essentiellement cargo sur 5 continents. En plus d’une seconde base à l’aéroport de Liège, Ethiopian Airlines se pose en trait d’union entre l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique. Un positionnement qui lui permet de concurrencer sa plus grande rivale, South African Airways, mais aussi d’autres compagnies étrangères qui veulent conquérir le ciel africain.

Une santé financière à faire pâlir ses concurrentes
Véritable fleuron national, Ethiopian Airlines est portée par des résultats financiers dans le vert. Détenu à 100% par l’Etat éthiopien qui ne prélève aucun dividende sur ses résultats, l’oiseau a réussi à maintenir une croissance au-dessus de la barre des 10 % de 2004 à 2014.

Grignotée par ses investissements, sa croissance retombée à 8% affiche des chiffres à faire pâlir d’envie ses homologues du Continent. De 221 millions de bénéfices en 2016, Ethiopian Airlines a fait un profit de 232,8 millions de dollars pour un chiffre d’affaires total de 2,71 milliards de dollars au cours de l’année fiscale 2016-2017 au cours de laquelle elle a transporté 9 millions de passagers et 350 000 tonnes de fret. La confirmation d’une très bonne santé financière.

Ethiopian Airlines, compagnie à vocation panafricaniste
La compagnie dirigée par Tewolde GebreMariam s’est dite ouverte à des échanges de parts avec d’autres compagnies africaines afin de promouvoir l’intégration africaine. Une ambition panafricaniste qu’elle a matérialisée par l’acquisition en août dernier de 49% des parts de Guinea Airlines et Chadian Airlines ou encore 45% de Zambia Airways.

Une politique d’expansion qui l’a poussé à entrer auparavant dans le capital d’Asky (40%) avant de créer une compagnie détenue à 100% au Mozambique et d’être appelé à la rescousse dans la gestion d’Equatorial Guinea Airline. Si certaines de ces compagnies périphériques n’ont pas encore pris leur envol -faute d’appareils parfois, les investissements massifs d’Ethiopian Airlines devraient donner naissance à d’autres bijoux sous-régionaux ou en ressusciter d’autres.

La stratégie en droite ligne de sa position de lien entre l’Afrique, l’Europe et le Moyen-Orient, des couloirs où elle vient concurrencer des compagnies européennes ou du Golfe, qui étendent leurs tentacules.

Un avenir prometteur à l’épreuve du crash
Fidèle à sa feuille de route stratégique 2025, Ethiopian Airlines est promise à un bel avenir. Le site spécialisé Journal-Aviation ne tarit pas d’éloges sur la compagnie. Même si le site officiel d’Ethiopian Airlines ne le mentionne pas, Journal-Aviation estime à 110 le nombre d’avions en service pour «21 lignes domestiques et 116 destinations internationales». Dans le cadre de son expansion, la compagnie veut acquérir 200 avions à l’horizon 2025.

Un plan pour l’avenir mis à l’épreuve de ce crash qui aura un impact important sur son image. Il intervient au moment où l’oiseau s’apprête à augmenter le nombre de ses dessertes pour être plus présent en Europe et en Asie. Dans le pays, ses 12 000 employés, essentiellement éthiopiens, travaillent comme s’ils protégeaient un symbole national qui vient d’être durement atteint. Mais une sorte d’union nationale sacrée s’est formée après le drame pour continuer à faire briller son slogan : «Le nouvel Esprit de l’Afrique» !

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