L’Afrique représente 16% de la population mondiale, mais seulement 6% de la consommation énergétique. Avec un taux de croissance annuel moyen de l’ordre de 4.5% sur les 5 dernières années, le continent enregistre une demande toujours plus grande en matière d’énergie et d’infrastructures dédiées. Les 9 et 10 octobre, l’Alliance Sahel s’est réunie à Paris, afin de renforcer sa stratégie régionale d’accès à l’énergie.
Ce sont 600 millions de personnes sur le continent qui n’ont toujours pas accès à l’électricité et près d’un milliard d’Africains ne disposent pas d’autre alternative que des combustibles traditionnels comme le bois et le charbon de bois pour cuisiner. Se pose alors la question de du développement énergétique et de la protection de l’environnement qui représente un défi de taille pour l’Afrique subsaharienne dont la capacité de production est évaluée à 70 GW (hors Afrique du Sud), soit l’équivalent de 50 % des capacités disponibles en France.
Par ailleurs, le coût de l’électricité reste très élevé, il atteint 0,22 euro/kW au Burkina Faso, 0,17euro/kW au Sénégal, des tarifs bien supérieurs à ceux pratiqués dans l’Hexagone.
Or, l’accès à l’énergie est à la base de toute forme de développement pérenne. La Tech peut-elle participer à l’amélioration de l’accès à l’énergie ? « Comment intégrer la technologie dans nos modèles de développement si l’on n’a même pas la possibilité de recharger nos téléphones portables ? », répond Bachir Ismaël Ouédraogo, ministre de l’Energie du Burkina Faso, mercredi 9 octobre dans les bureaux de l’Agence française de développement (AFD) qui organisait une conférence de l’Alliance Sahel pour un meilleur accès à l’énergie dans les pays du G5 Sahel. A ce jour, 47 projets « Alliance Sahel » sont déjà soutenus par les partenaires techniques et financiers (AFD, BAD, Banque Mondiale, KfW et UE) dans la région.
Des énergies pour la paix ?
« Dans la région du Sahel, nous avons longtemps concentré nos efforts autour de la sécurité et nous poursuivons cet effort, mais cela ne suffit pas. Il nous faut travailler à la création de richesses qui passera par le développement de l’accès à l’énergie. Nous devons nous appuyer sur la dimension régionale pour réaliser des économies d’échelle et avancer avec la sous-région », a indiqué le ministre burkinabé de l’Energie. « Développer les énergies, en particulier renouvelables, est une question de coût – or – le prix des panneaux solaires sont très bas aujourd’hui, ce qui était inimaginable il y a encore quelques années. Le Sahel est la région la plus ensoleillée au monde et à travers l’énergie solaire, on pourrait apporter l’électricité partout en quelques mois », a-t-il poursuivi avec enthousiasme.
Un constat partagé par Carla Montesi, directrice Planète et prospérité de la Commission européenne qui souligne néanmoins que « la clé reste la vision stratégique des Etats » concernés. L’an dernier, l’UE qui apporte un encadrement réglementaire et juridique dans la région a mobilisé l’équivalent de 4 milliards d’euros pour le Sahel.
« La sécurité et l’énergie sont liées », a quant à lui rappelé Riccardo Puliti, directeur mondial du pôle Energie et industries extractives et directeur régional des infrastructures en Afrique de la Banque mondiale. « Seulement 30 % des populations sahéliennes ont accès à l’énergie et l’on constate d’énormes disparités. 70 % ont accès à l’électricité dans les centres urbains de Mauritanie contre 5% des zones rurales dans ce pays […] Le coût du photovoltaïque a baissé de 70 % ces dernières années, mais cette solution doit aller de pair avec des solutions de stockage adaptées pour répondre aux besoins en énergie pendant les pics de consommation », précise le directeur des infrastructures en Afrique de la Banque mondiale qui finance actuellement16 projets d’énergie dans le Sahel pour un montant de 1,8 milliard de dollars afin d’électrifier 500 000 foyers.
5 milliards d’euros d’engagements de l’AFD depuis 2010
« L’AFD apporte un soutien financier à 17 projets l’énergie dans la région du Sahel », a rappelé Rima Le Coguic, directrice Afrique de l’AFD. La stratégie de la banque de développement française repose sur 3 leviers d’accélération qui vont de l’appui aux politiques de transition énergétique à la mobilisation des acteurs en passant par le soutien à l’innovation, dans 3 domaines d’intervention prioritaires que sont l’accès aux services énergétiques, la gestion de la demande et la modernisation d’une offre décarbonée.
Les engagements de l’AFD dans le secteur de l’énergie connaissent une croissance exponentielle, passant de 921 millions d’euros en 2012 à plus 2,3 milliards d’euros en 2017.
Au total, ce sont 629 millions d’euros de subventions, 2, 1 milliards d’euros issus du secteur privé (Proparco), 3, 3 milliards d’euros de prêts non-souverains et 5, 4 milliards d’euros de prêts souverains, octroyés par l’AFD sur cette période. Avec pour ambition de devenir une agence internationale 100 % compatible avec l’Accord de Paris, l’AFD s’est engagée au total, à hauteur de 5 milliards d’euros dans les énergies depuis 2010 en Afrique, à travers 70 projets, qui ont produit 1.5GW de nouvelles capacités d’énergies renouvelables impactant 300 000 personnes.
Le financement de 30 millions d’euros de prêt souverain (associé aux 11 millions d’euros de subventions de l’UE) au Niger pour raccorder 400 000 personnes à l’électricité, le Programme d’efficacité énergétique dans les Bâtiments (PEEB), un projet franco-allemand porté par l’AFD, l’ADEME et la GIZ avec le FFEM (Fonds français pour l’environnement français) ou encore Olkaria au Kenya, le plus grand complexe géothermique d’Afrique (280 MW qui a permis d’augmenter de +15 % la capacité de base du pays) financé à hauteur de 150 millions d’euros par l’AFD, sont quelques-unes des principales initiatives soutenues par l’AFD sur le continent.
Par ailleurs, les solutions off-grid semblent définitivement intégrées aux solutions globales d’accès à l’énergie par l’ensemble des bailleurs internationaux, à travers un certain nombre de mécanismes financiers qui permettent aujourd’hui d’accompagner des projets d’électrification moins coûteux que la construction de centrales de production. Néanmoins, malgré les moyens financiers déployés par les agences internationales ces dix dernières années, « les investissements publics ne seront jamais suffisants pour répondre aux besoins régionaux », a précisé Carla Montesi, rappelant l’importance de la mobilisation des acteurs privés, qui représente un réel défi dans un Sahel secoué par l’insécurité. « Les forces de sécurité protègent également les infrastructures en construction », tient néanmoins à rassurer le ministre burkinabé de l’Energie.
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