L’organisation a fait passer sa prévision de croissance mondiale de 2,9 à 2,4% pour 2020. Elle appelle les États à agir rapidement pour endiguer la propagation du virus.

Alerte sur l’économie mondiale. Dans un rapport publié ce lundi, l’OCDE revient sur les conséquences économiques de l’épidémie de coronavirus sur l’activité et revoit ses prévisions de croissance pour 2020 nettement à la baisse. Le ton employé par les auteurs n’est guère engageant : «l’économie mondiale est en danger» et s’apprête à affronter «le plus grave danger depuis la crise financière» soulignent-ils, alors que la maladie a «déjà engendré des souffrances humaines considérables, ainsi qu’un grand chambardement économique».

L’OCDE met en avant deux scénarios principaux envisageables. Le premier – celui retenu de base – considère que l’épidémie atteindra un pic au premier trimestre avant de baisser en Chine le trimestre suivant, et que sa diffusion dans le reste du monde sera relativement contenue. Dans ces circonstances, la croissance globale sera limitée de 0,5 point de pourcentage cette année, par rapport aux dernières prévisions datées de novembre 2019 : elle atteindrait alors 2,4% au lieu des 2,9% envisagés jusqu’alors. En outre, le commerce mondial baisserait de 1,4% au premier semestre et de 0,9% sur l’ensemble de l’année.

Plus alarmiste, le second scénario principal met en exergue une contagion domino, largement diffusée et difficilement contrôlée. Dans ce cas, l’effet sur le PIB mondial pourrait monter à 1,5%, et si la Chine porterait d’abord la majeure partie du ralentissement, celui-ci serait ensuite ressenti en Asie, en Europe ainsi qu’en Amérique du Nord. Les échanges commerciaux seraient également «sensiblement plus faibles», diminuant d’environ 3% sur l’année et touchant les exportations de toutes les économies. Certaines nations, notamment dans la zone euro, pourraient également entrer en récession. Ce second scénario n’est toutefois pas le plus central.

Tout dépendra donc de plusieurs facteurs, dont la manière dont l’épidémie sera gérée par les pouvoirs publics et la façon dont celle-ci se propagera dans le monde. Les nations les plus connectées à la Chine, comme le Japon, la Corée du Sud ou l’Australie, devraient toutefois ressentir de plein fouet son ralentissement, en 2020. À l’inverse, d’autres régions, comme l’Amérique du Nord, seront relativement moins touchées. En Europe, la situation est encore incertaine et dépend notamment de la conclusion ou non d’un accord de libre-échange entre le Royaume-Uni et l’Union européenne d’ici fin 2020.

On comprend toutefois facilement pourquoi l’apparition d’une telle infection en Chine peut perturber si vite l’économie mondiale : devenu une pièce centrale dans les échanges mondiaux, l’Empire du Milieu reste l’usine du monde et les différentes mesures mises en place jusqu’ici pour endiguer la propagation du virus – quarantaine, restrictions de déplacement, contrôles accrus – ont perturbé les chaînes d’approvisionnement à travers le globe. L’épidémie a également un «impact sur la confiance» des consommateurs, des professionnels comme des investisseurs, dans toutes les économies, tout en limitant les voyages, la demande et la stabilité des marchés financiers.

Ces nouvelles difficultés sont d’autant plus dommageables que l’économie mondiale traversait déjà un trou d’air depuis plusieurs mois. Des événements géopolitiques majeurs comme la guerre commerciale sino-américaine ou le Brexit ont pu limiter les perspectives, rappelle l’OCDE, qui cite en exemple l’affaiblissement des ventes de voitures neuves, la stagnation de la production industrielle, le passage du taux de croissance annuel des investissements dans les économies du G20 «de 5% au début 2018 à 1% seulement l’an dernier». Fragilisée, l’activité va donc devoir encaisser un nouveau choc avec le ralentissement économique chinois, visible à travers tous les indicateurs.

Particulièrement sensible aux variations de la clientèle asiatique, le tourisme fait figure d’exemple : «les touristes chinois représentent environ un dixième de tous les visiteurs transfrontaliers», explique le rapport, et le poids de cette nationalité dans l’ensemble des touristes arrivant dans certains pays peut aller bien au-delà, dépassant 25% en Corée du Sud. À Hongkong, ainsi, les arrivées de visiteurs chinois ont baissé de 95% en février. Dans l’ensemble, si l’épidémie continue de se répandre, «les coûts seront considérables» et leurs répercussions nombreuses, le tourisme représentant un peu plus de 4,25% – et 7% des emplois – des pays membres de l’OCDE. En Europe, la baisse du nombre de visiteurs venus de Chine est durement ressentie par les professionnels : ce lundi, le commissaire européen Thierry Breton a chiffré les pertes à «un milliard de manque à gagner par mois pour le secteur», soit environ deux millions de nuitées en moins en Europe pour l’industrie.

L’OCDE appelle les États à agir

Face à l’épidémie, l’organisation appelle les États à rester vigilants face à l’évolution de la situation et leur conseille de se tenir prêts à agir, le cas échéant, pour renforcer leurs dispositifs sanitaires et dynamiser l’activité. Le contexte y est favorable, plaide l’OCDE : les taux d’intérêt exceptionnellement bas «offrent la possibilité d’utiliser la politique budgétaire plus activement pour renforcer la demande à court terme, y compris des dépenses temporaires pour amortir l’impact de l’épidémie de coronavirus sur les groupes sociaux et les entreprises vulnérables». En d’autres termes, des actions extraordinaires permettront d’appuyer l’économie, pour un coût limité, y compris dans les pays plus vulnérables, comme l’Inde, le Brésil, le Mexique ou la Turquie.

Le rapport suggère aux autorités d’investir dans leurs systèmes de santé pour être prêtes à affronter l’épidémie. L’OCDE en profite également pour souligner le rôle de révélateur de l’épidémie, voyant dans cet événement mondial un rappel de la nécessité d’investir suffisamment dans les infrastructures publiques comme les services de santé ou d’éducation. Le rapport propose également de mettre en place des mesures spécifiques pour appuyer les travailleurs, comme le recours accru au chômage partiel, l’assurance chômage ou la prise en charge par les pouvoirs publics de l’ensemble des frais de santé liés au virus, pour tous les citoyens. En parallèle, les entreprises aussi pourraient bénéficier de mesures spéciales, comme une réduction ou un retardement du «paiement des impôts ou de la dette».

En parallèle, d’autres mesures plus profondes peuvent être réfléchies, comme des mesures fiscales, afin de renforcer la consommation et la confiance des citoyens. Et si le scénario du pire se confirme, «des actions politiques coordonnées dans toutes les grandes économies seraient nécessaires pour assurer une offre de soins de santé efficace dans le monde et fournir le stimulus le plus efficace à l’économie mondiale», prévient le document. Dans ce cas, des «réformes structurelles» ainsi qu’un «soutien supplémentaire de la politique budgétaire et monétaire» devront être envisagés.

En France, l’impact du coronavirus sera «beaucoup plus significatif» que prévu

En France, les conséquences de l’épidémie sur l’activité sont encore inconnues. Jusqu’ici, Bruno Le Maire avait plutôt parlé d’un «impact de 0,1 point» de pourcentage sur la croissance. Néanmoins, cette première estimation se basait sur une contagion limitée à la Chine, et elle n’est désormais plus d’actualité. Le coronavirus aura donc un effet «beaucoup plus significatif» qu’attendu, a prévenu le patron de Bercy ce lundi. Le ministre en a profité pour rappeler son engagement «total» aux côtés des entreprises, ajoutant que le gouvernement était prêt à débloquer «ce qu’il faudra» pour les soutenir dans cette épreuve. «L’important, c’est d’apporter tout le soutien nécessaire pour que l’économie passe cette situation de crise», a-t-il expliqué.

De son côté, Thierry Breton a déclaré que la Commission européenne restait vigilante et cherchait actuellement à mesurer les effets du coronavirus sur l’économie. Bruxelles surveille tout particulièrement «l’Allemagne et l’Italie», ces deux États pouvant entrer en récession sur les deux premiers trimestres de l’année. «Cela est encore trop tôt pour le confirmer», a toutefois précisé le commissaire européen.

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