Au-delà des politiques publiques volontaristes pour atténuer le choc, les décideurs disposent-ils suffisamment de données statistiques pour accompagner ce secteur ?
Le séjour inattendu du Covid-19 à travers le continent africain continue de s’entendre dans les grandes capitales et certaines zones périphériques et entraine de lourdes conséquences économiques. Entre la dangerosité de la maladie, les mesures de prévention préconisées par les pouvoirs publics et le confinement, le poids financier de plusieurs localités a connu une baisse drastique. Plus d’école pour un bout de temps, aucune activité évènementielle n’est autorisée, moins de possibilités pour les braves acteurs du secteur informel pour joindre les deux bouts. Il faut noter que cette partie de la population des entrepreneurs africains souffrent énormément de la pandémie. Il est vrai que les États africains préparent des plans de riposte composés des décisions de protection des populations, d’aide et de soutien des ménages, y compris le secteur non structuré. Bravo pour les efforts fournis par les autorités. Cependant au niveau des entreprises formelles, celles enregistrées auprès des autorités compétentes et respectant les règles de la comptabilité obligatoire et les exigences des organismes sociaux, l’État dispose d’assez d’éléments pour mesurer l’appui nécessaire pour les accompagner. D’une manière générale dans ces types d’entreprises, le nombre de collaborateurs est connu par les services publics et les opérations financières sont traçables via un système de gestion manuel ou informatisé. Pour les ménages salariés disposant de contrat de travail en bonne et due forme, l’État maîtrise leur situation financière. En ce qui concerne les acteurs de l’économie informelle, il risque de se poser la question de l’identification et de l’évaluation de leur poids représentatif et de la répartition de l’enveloppe qui leur est dédiée. D’où l’intérêt de réfléchir à des mécanismes pratiques pour faire face à leurs préoccupations.
Allons plus !
Intéressons-nous aux profils des acteurs du secteur informel. D’où viennent-ils ? Comment créent-ils leurs revenus ? Quelles sont leurs dépenses générales…
Qui sont les acteurs du secteur informel ?
Traditionnellement le secteur informel en Afrique est constitué de femmes et d’hommes ayant des qualifications professionnelles limitées. Certains d’entre eux n’ont jamais fréquenté une école ni un centre de perfectionnement.
Le manque d’opportunités pour une catégorie de la population, le chômage massif des jeunes, la précarité qui règne dans le milieu estudiantin et les faibles revenus mensuels enregistrés chez les agents du service public ont fait évolué considérablement le nombre d’acteurs de cette économie parallèle. En plus des ménages généralement identifiés, beaucoup d’autres acteurs de la société africaine s’adonnent à des activités informelles pour boucler les fins de mois. Il est fréquent de voir : à Abidjan un étudiant de Master exercer le métier de chauffeur de taxi pour se prendre en charge, un diplômé de l’enseignement supérieur béninois se convertir en conducteur de moto-taxi (Zem), un salarié d’un ministère togolais se lancer dans le commerce…, pour ne citer que ces exemples. La liste est longue. Ils sont nombreux et sont pratiquement dans tous les corps de métier de l’économie africaine : (maçons dans les chantiers de BTP, intérimaires, vendeurs ambulants dans les artères des villes, démarcheurs dans les aéroports pour des prestations de services diverses et variées, vendeuses de denrées alimentaires dans les quartiers, transformatrices de produits locaux, artisans, travailleurs indépendants, formateurs, commerçants, prestataires de services de proximité, chômeurs, étudiants, fonctionnaires…
D’où viennent les acteurs du secteur informel ?
Une grande majorité de la population du secteur informel établit dans les villes viennent des villages, des quartiers pauvres ou sont des immigrés. On peut compter parmi eux également une faible portion qui vit dans les milieux moyennement aisés. D’une manière générale, il faut comprendre qu’ils ont fui leur localité d’origine à la recherche d’une vie meilleure pleine d’espérance.
Le poids économique des acteurs du secteur informel (Cas pratique)
Voici le parcours illustratif d’une burkinabé, Alice. Elle a 42 ans et est mère de cinq enfants à charge. Elle est originaire de Koudougou qu’elle a quittée à l’âge de 17 ans, une commune située à deux heures environ de la capitale, Ouagadougou. À son arrivée elle s’est d’abord essayée comme femme de ménage dans différentes familles. Après 6 ans de pratiques professionnelles dans ce domaine, Alice décide de s’installer en couple avec Izac, un mécanicien ivoirien. Elle a eu l’idée d’arrêter l’activité de femme de ménage et de se convertir dans la vente de nourriture dans le quartier. Elle se débrouille comme elle peut et s’organise pour assurer en même temps les tâches ménagères du domicile familial. Quelques temps après, Alice observe qu’il y’a beaucoup de chantiers à quelques kilomètres de son domicile, précisément à Ouaga 2000, une zone où plusieurs hommes riches du pays construisent des maisons de luxe. Elle débute une nouvelle aventure et s’installe à côté des chantiers pour répondre à la demande de nourriture des ouvriers et des passants. Alice vise à écouler les menus quotidiens préparés, à fidéliser sa clientèle et à vendre suffisamment pour pérenniser son activité. Elle a réussi à se faire connaître et a profité des divers chantiers à proximité pour développer son business. Elle s’occupe du loyer et des charges locatives de sa cour (sa maison), les dépenses quotidiennes, les frais d’éducation et d’entretien de ses enfants et d’autres imprévues. L’activité d’Alice n’est pas immatriculée, en revanche, elle paye des taxes indirectes.
Avec l’arrivée du coronavirus dans son pays, son activité est en chute libre. Cette brave dame de l’intelligence vive, reconnue par ses talents créatifs se voit obligé d’être confinée à la maison sans activité. Elle n’a jamais sollicité l’accompagnement d’une structure, ni attendu un homme pour s’occuper d’elle. Alice a toujours compté que sur l’étude intuitive de son environnement, son ingéniosité et sa capacité de résilience, pour gagner dignement sa vie.
Des parcours de l’économie informelle comme celui d’Alice représentent selon le Fonds monétaire international entre 20 et 65% du produit intérieur brut (PIB) des pays d’Afrique subsaharienne. Ainsi, dans la plupart de ces pays, le secteur informel compte pour plus de 40% du PIB, peu importe le niveau de revenu par habitant, indique la même source.
Des études récentes de la Banque africaine de développement (BAD) révèlent qu’en Afrique, le secteur informel compte pour 40% du PIB environ, en moyenne, pour les pays à faibles revenus et pour 35% du PIB pour les pays à revenus intermédiaires.
Mes préoccupations personnelles ?
Nul n’ignore le poids représentatif de l’économie informelle et la place qu’elle occupe dans la société africaine. Certains spécialistes la qualifient même d’amortisseur social.
Face à la volonté des autorités du continent d’appuyer ce secteur, comment se fera l’identification des cibles ainsi que l’évaluation des montants à allouer aux bénéficiaires ?
Après cette crise nos gouvernements pourront-ils étudier sérieusement la viabilité de ce secteur aussi stratégique ? Nos Présidents ont du boulot.
Ibrahima Théo LAM
Citoyen africain engagé
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