Avec la propagation de la pandémie du Covid-19, qui a durement affecté les économies mondiales, chaque Etat tente d’explorer tous les moyens possibles pour mobiliser davantage de ressources financières afin de faire face aux nombreux besoins devenant de plus en plus pressants, notamment dans le domaine de la santé. L’activité économique n’est pas en reste avec d’importants impacts désastreux dans la chaîne de production, d’approvisionnement et de consommation. Certains Etats ont dû procéder à des recadrages et coupes budgétaires pour trouver des marges. Les pays de l’Uemoa, touchés également par la crise sanitaire, scrutent toutes les possibilités permettant de mobiliser les fonds nécessaires pour faire face à la pandémie qui a cruellement porté un coup de massue à l’économie de l’Union avec des perspectives non reluisantes. Si l’on se fie aux dernières projections de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernements de l’Uemoa, réunie le 27 avril par visioconférence, en 2020, la situation macroéconomique de l’Union connaîtrait une dégradation sensible avec notamment un taux de croissance moyen qui ressortirait à 2,7%, soit une réduction de près de 4% par rapport à la prévision initiale de 6,6%.
Avec l’accompagnement de l’Agence Umoa-titres et de la Bceao, des Etats de l’Union adopent un plan de riposte basé sur l’émission de « Bons Covid-19 » appelés également « Bons social Covid-19 ». Il s’agit, en réalité, les Bons assimilables du trésor (Bat) que les huit pays de l’Uemoa avaient l’habitude d’émettre sur le marché des titres publics. S’y ajoutent les Obligations assimilables du trésor (Oat). Mais l’innovation avec cette émission de « Bons social Covid-19 » réside dans le fait que les montants sont rapidement mobilisés sur le marché financier pour mieux faire face à la pandémie du Covid-19. Comme le rappelle l’Agence Umoa-titre, le but de ces opérations est de permettre à l’émetteur (les Etats de l’Union) de mobiliser l’épargne des personnes physiques et morales dans le but de couvrir les décalages de Trésorerie créés par la lutte contre la pandémie causée par COVID-19 et ses conséquences.
Cette trouvaille est d’autant plus innovante si l’on sait que la lutte contre le Covid-19 va nécessiter des ressources financières considérables. La Conférence a évalué́ à 5284,9 milliards de francs CFA les ressources financières nécessaires aux Etats pour faire face aux besoins en équipements sanitaires, assurer une mise en œuvre effective des mesures sociales et relancer l’activité́ économique. Avec l’émission de ces « Bons Covid-19 », assorties de conditionnalités plus ou moins souples, les Etats de l’Union disposent ainsi d’un instrument pouvant leur permettre de mobiliser des fonds en un temps record avec des objectifs clairement identifiés. Les soumissions de ces titres publics sont faites à taux multiples et inférieurs ou égaux à 3,75% avec une maturité de 3 mois. La Côte d’Ivoire a ouvert le bal de ces opérations avec deux levées de fonds de 180 milliards de F Cfa, effectuées respectivement le 27 avril et le 4 mai 2020.
D’autres pays comme le Burkina Faso, le Sénégal et le Mali ont mobilisé respectivement 80 milliards de FCfa, 103 milliards et 88 milliards. A la date du 5 mai, les 5 émissions par adjudication de Bons Social Covid-19 dans le cadre du plan de riposte des Etats de la zone Uemoa sur le Marché des titres publics ont permis de mobiliser près de 631 milliards. Le Bénin est également attendu, aujourd’hui, sur le marché financier pour l’émission de ses bons Covid-19 avec 130 milliards de FCfa. La Côte d’Ivoire entend procéder à une troisième émission de bons Covid-19 d’un montant de 175 milliards, le 11 mai prochain.
Cependant, même si certains Etats ont réussi à lever des fonds à travers les Bons Covid-19 avec un accompagnement de la Bceao, qui a ouvert un guichet spécial de refinancement de ces bons à trois mois au profit des banques, l’on ne peut pas passer sous silence le contexte dans lequel ces titres publics sont émis. Ces opérations de levées de fonds se déroulent au moment où les chefs d’Etat de l’Uemoa ont décidé de suspendre provisoirement l’application du pacte de convergence, de stabilité́, de croissance et de solidarité́ de l’Union. Une mesure qui risque d’ouvrir un boulevard aux Etats pour s’endetter davantage à force de solliciter le marché financier régional. L’autre risque est lié au creusement continu du déficit budgétaire de l’Union tablé sur 5,5% du Pib alors qu’il était fixé à 2,7% pour 2020. Inéluctablement, avec le non respect de ces critères de convergence, la courbe de l’endettement va emprunter la pente ascendante au moment où les six Etats sur les huit de l’Union (Bénin, Guinée Bissau, Burkina Faso, Mali, Niger et Togo) ont bénéficié, le 13 avril 2020, d’un allégement immédiat de leur dette multilatérale. Non sans compter la décision du G20 et du Club de Paris de suspendre le remboursement du service de la dette pendant un an pour 76 pays dans le monde dont une quarantaine en Afrique. Que les Etats fassent preuve d’ingéniosité dans la mobilisation des ressources de financement en utilisant de manière beaucoup plus efficiente les budgets nationaux ; ceci pour réduire, au maximum, le rythme d’endettement et le creusement du déficit public.
Par Abdou DIAW