Comme dans plusieurs contrées du globe, les pays d’Afrique assouplissent progressivement les mesures de confinement pour arriver à un déconfinement total dans les semaines ou mois à venir. Alors que la pandémie avance toujours, des experts en débat jeudi à l’initiative de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) appellent à des stratégies efficaces tant sur le plan social qu’économique pour favoriser la reprise.

La dimension sociale (santé des populations en priorité, accompagnement des couches défavorisées) et la dimension économique pour favoriser une relance de la production seront les maillons essentiels dans l’élaboration de stratégies de déconfinement efficaces en Afrique. C’est notamment ce qui ressort du débat organisé jeudi par la Commission économique pour l’Afrique (CEA), auquel ont pris part plusieurs personnalités et experts de premier plan. « Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre plus de 65 milliards de dollars par mois. Nous ne pouvons pas non plus nous permettre de perdre des vies, alors nous devons correctement organiser nos déconfinements, afin de retourner rapidement à la reprise », a déclaré Dr Vera Songwe, secrétaire exécutive de la CEA.

Avec 53 pays totalisant ce vendredi 54 122 contaminés (soit 1,4% des 3,85 millions de contaminés au monde), 18 631 guérisons et 2 058 décès, l’Afrique reste la région du monde la moins atteinte par le Covid-19. Sur le plan économique en revanche, la pandémie fait saigner le continent. Au gré de la propagation du virus en Chine et en Europe, le commerce africain s’est progressivement ralenti, avant de se retrouver à l’arrêt suite aux mesures de confinement prises par les Etats africains à partir de mars. Résultat, l’Afrique subsaharienne entrerait en 2020 dans sa première récession en 25 ans, selon la Banque mondiale.

Même si l’étendue du secteur informel a, dans de nombreux cas, rendu difficile l’application d’un confinement total, les pays commencent à déconfiner progressivement. C’est le cas de l’Afrique du Sud où certains travailleurs et secteurs de l’économie ont repris leurs activités il y a une semaine. Le Rwanda -dont le ministre des Finances et de la planification économique, Dr Uzziel Ndagijimana, a partagé l’expérience pendant le débat- autorise déjà les déplacements de la population en journée, après la décision d’un déconfinement partiel. Tunisie, Nigeria, … les pays s’emboîtent le pas, chacun à sa manière.

Déconfiner avec prudence

Cependant, la crainte de voir la pandémie gagner du terrain hante encore, d’autant que dans plusieurs pays, la courbe des cas de contamination reste ascendante. L’Algérie a rétropédalé en refermant certains commerces après un assouplissement du confinement qui n’a duré que trois jours. Cette crainte est également à l’origine des interrogations qui fusent au Cameroun après le déconfinement progressif décidé par le gouvernement qui autorise la réouverture des débits de boisson et restaurants, en appelant à la responsabilité des citoyens. Selon Dr Songwe, la bataille contre l’ennemi invisible est loin d’être terminée. « Nous devons nous préparer à sortir du confinement, en tenant compte du fait que nous devrons peut-être revenir au confinement », a-t-elle déclaré, ajoutant que la CEA « travaille pour soutenir les pays à élaborer des stratégies ».

Certains pays discutent encore leurs processus de déconfinement. C’est le cas du Maroc où le projet sera présenté lundi 11 mai au Parlement, pour un déconfinement progressif à compter du 20 mai. « La gestion de cette pandémie est une première expérience à l’échelle mondiale. […] Très clairement, nous devons apprendre comment vivre avec le virus », a déclaré Mostapha Mellouk, CEO de Casablanca Media Partners et fondateur du Think Thank Africa2025 qui prenait part au débat. Il a souligné notamment la nécessité de reconsidérer le fonctionnement des transports en commun, des écoles, des lieux publics, …

Le rôle clé des MPME dans la relance économique

Dans la reprise économique, les experts s’accordent sur le rôle clé des MPME et MPMI. « Les micro-, petites et moyennes entreprises doivent être au centre de l’assistance fournie pour la reprise », a martelé professeur Ibrahim Assane Mayaki, secrétaire exécutif du NEPAD, qui se dit convaincu que le Continent se remettra à flot largement grâce à cette catégorie d’entreprises. C’est en cela que Haroon Bhorat, professeur d’économie et directeur de l’unité de recherche sur les politiques de développement à l’Université du Cap, pense que l’examen des effets indirects du Covid-19 représente un facteur clé dans l’élaboration des stratégies de déconfinement, afin que celles-ci accompagnent efficacement la relance économique.

Par ailleurs, le secteur informel -dont le poids dans les économies du Continent, mais aussi la vulnérabilité, ont davantage été mis en exergue par le confinement- est également un facteur important des stratégies de déconfinement en faveur de la reprise économique, selon les experts.

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