En dépit de la propagation exponentielle de la pandémie de la Covid-19, le monde réfléchit sur les stratégies de reprise. Presque partout, l’heure est à la cogitation et au Brainstorming afin de trouver les stratégies à mettre en œuvre afin de permettre aux économies de se remettre sur les rails. Au Sénégal, face à la persistance de la crise sanitaire, l’Etat a dû reconsidérer son plan de lutte en appelant à vivre « avec le virus »… La logique économique semble l’emporter sur la logique sanitaire. Le choix de l’Etat est sans équivoque. Il veut, certes vaincre le virus, mais sauver en même temps les derniers pans de l’économie afin d’assurer une relance réussie. Un défi réitéré par le chef de l’Etat dans son dernier message à la Nation, le 29 juin : « Nous ne pouvons pas laisser au virus nos vies et notre santé, nous ne pouvons, non plus, lui laisser la vie et la santé de notre économie ». Le Sénégal, à l’instar des autres Etats du monde, s’est ainsi inscrit dans la dynamique de construction des voies et moyens devant lui permettre de remettre son économie en marche.

La crise sanitaire a mis à nu la dépendance de notre économie au marché international, sa sensibilité aux perturbations des lois de l’offre et de la demande, notamment dans le secteur du commerce. Elle a, en outre, rappelé l’urgence de revoir notre modèle de développement en accordant plus d’attention aux forces endogènes. A ce titre, il est heureux d’entendre le chef de l’Etat rassurer que le Programme de relance de l’économie nationale reposera sur nos « bases productives », dont l’agriculture. Il est d’autant plus capital également de les élargir aux autres branches du secteur informel qui constitue l’épine dorsale de l’activité économique en termes de création d’emplois. Il s’agit, notamment des activités du sous-secteur du commerce qui représente, aujourd’hui, un bassin de mains d’œuvre. Une cartographie circonstanciée de tous les acteurs évoluant dans cette chaîne ainsi que la potentialité économique permettra de mieux appréhender sa contribution dans l’économie.

Que dire de ces milliers de jeunes ambulants qui arpentent les rues de la capitale et bravent quotidiennement la chaleur pour assurer leur gagne-pain ? Malgré la précarité de leurs emplois et l’absence de protection sociale pour la plupart d’entre eux, ils se sont montrés plus ou moins résilients face aux effets de la Covid-19 par rapport aux entreprises. Mieux, certains ont développé des capacités d’adaptation en se reconvertissant dans d’autres activités. La fabrication et la vente de certains produits utilisés dans la prévention de la Covid-19, notamment les masques et le gel hydro-alcoolique, en sont une parfaite illustration. Voilà un filon, jadis négligé voire méconnu, qui est devenu une véritable niche pour les Pme et une zone de refuge pour ces milliers de jeunes qui ont perdu leur emploi en raison de la crise sanitaire.

Cette pandémie est révélatrice de talents. Combien d’inventions ont été répertoriées depuis l’apparition du virus ? Et pourtant, la plupart d’entre elles sont l’œuvre des acteurs locaux évoluant dans l’informel. Des artisans sortis de l’école de la rue et des ateliers familiaux ont rivalisé d’ingéniosité pour mettre en place des produits et autres objets pouvant contribuer à lutter contre la Covid-19. C’est pour dire que la contribution du secteur informel sur l’économie en termes d’emplois et de valeur ajoutée n’est plus à démontrer. En attestent les dernières données issues du Recensement général des entreprises (Rge) de l’Ansd de 2017 et qui avait dénombré 407 882 unités économiques réparties sur l’ensemble du pays. Dans ce nombre, les entreprises individuelles (82,3%) sont les plus représentées et elles évoluent majoritairement dans le secteur informel. Ces chiffres démontrent, à suffisance, la place prépondérante de l’informel dans l’économie nationale. Au regard de cette contribution significative, il est important de mieux la prendre en compte dans la définition de la stratégie globale de la relance de l’économie nationale post-Covid-19.

Au moment où toutes les réflexions sont portées sur l’élaboration d’une stratégie, une attention particulière doit être accordée à l’informel en l’accompagnant dans son processus de modernisation et de formalisation. Cela passe par l’enregistrement et la mise aux normes régissant généralement l’exerce de l’activité commerciale. Comme l’a suggéré une récente étude de l’Organisation internationale du travail (Oit) « Diagnostic de l’économie informelle au Sénégal » parue en 2020. La transition de l’économie informelle vers l’économie formelle nécessite la mise en place de stratégies nationales coordonnées et intégrées (politiques, législation, administrations concernées, etc.), basées sur des diagnostics contextuels permettant le développement de mesures incitatives adaptées. La formalisation s’inscrit ainsi dans une approche multidimensionnelle avec une diversité de domaines et de niveaux d’interventions (micro, meso, macro). Celles‐ci ciblent l’enregistrement des activités, l’accès aux financements, aux marchés et à la protection sociale ainsi que l’amélioration de la productivité et des revenus. La prise en compte de l’informel dans le programme de relance de l’économie nationale est d’autant plus importante qu’elle permettra à l’Etat de mieux élargir son assiette fiscale en contraignant les acteurs économiques de s’acquitter convenablement de leurs obligations fiscales.

Par Abdou DIAW, journaliste économique