Nsia et Orange ont décidé de conjuguer leurs efforts pour conquérir de nouveaux débouchés et poursuivre leur dynamique d’expansion en lançant Orange bank Africa (Oba). Ces deux mastodontes, leaders dans leurs domaines d’expertises respectifs, les assurances et les télécommunications, viennent ainsi de poser un nouveau jalon devant conduire à une véritable transformation du système bancaire ouest africain. Ils bousculent les codes classiques de l’univers bancaire et entendent imprimer une nouvelle touche dans ce secteur si concurrentiel et évolutif. Ces deux firmes viennent ainsi concrétiser un vieux projet. L’arrivée de la banque orange a fait naître des fantasmes et suscité l’espoir au sein des usagers de la banque. Oba serait-elle un établissement financier de plus ou va-t-elle révolutionner le secteur ? Au regard des produits annoncés dans le portefeuille de services, l’on présume une rupture dans l’offre.
Cette nouvelle banque ambitionne de proposer aux clients une offre de crédit et d’épargne simple et accessible à tout moment depuis son mobile. Elle entend également répondre aux besoins d’une grande partie de la population, souvent exclue du monde bancaire classique, en lui permettant d’emprunter ou d’épargner de faibles montants essentiels pour son quotidien. Bref, les deux pontes visent à devenir l’acteur de référence de l’inclusion financière en Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui, face à l’avancée fulgurante des services du numérique, à l’émergence d’une classe moyenne, à l’exigence plus accentuée des consommateurs en qualité de services, réfléchir à de nouveaux types de produits plus innovants et accessibles devient un impératif. Qu’il s’agisse des secteurs des assurances, des finances ou des télécommunications, l’usager semble insatiable et aspire toujours à découvrir une nouveauté. C’est pourquoi l’avènement d’une banque orange vient étancher cette soif des consommateurs. D’éternels insatisfaits !
Le choix de la Côte d’Ivoire pour abriter la première institution est loin d’être fortuit. D’abord, c’est le siège du géant des assureurs, Nsia ; et ensuite, elle est la première puissance économique de l’Uemoa et la 3ème de l’espace Cedeao. Autant de facteurs qui font de ce pays la porte d’entrée du projet du duo Nsia-Orange. Et ces derniers ne comptent guère s’en arrêter en si bon chemin. Inévitablement, le Sénégal, deuxième puissance économique de l’Union, sera la prochaine cible pour l’installation de l’Oba, si l’on se réfère à la vision prospective et conquérante des promoteurs de ce projet qui souhaitent se déployer à la place de Dakar à partir de 2021. L’avertissement est donc lancé aux acteurs du système bancaire et des institutions de microfinance du Sénégal. Ils devront faire face à un nouvel acteur qui entend prendre toute sa place dans l’environnement bancaire avec ses palettes d’innovations en bandoulière. Les 26 banques et 4 établissements financiers que compte le Sénégal resteront-ils les bras croisés face à la grande offensive d’Orange bank Africa (Oba) ? Quoi qu’il en soit, une réadaptation au contexte de l’émergence de la finance digitale s’impose à ces établissements classiques qui essaient, tant bien que mal, de suivre les tendances. La disruption, qui fait référence aux perturbations et transformations digitales, poursuit son expansion dans le milieu bancaire et des finances.
L’implantation d’Oba au Sénégal et le développement fulgurant des Fintech vont certainement redéfinir les cartes dans l’environnement bancaire, le système de la microfinance et le secteur des transferts d’argent au Sénégal. La création de ce modèle de banque laisse apparaitre deux préoccupations à prendre en considération. D’abord, l’on s’interroge sur l’avenir des structures de transferts d’argent qui utilisent la plateforme des opérateurs de téléphonie mobile et d’internet pour réaliser leurs transactions. Malmenés et poussés jusque dans leurs derniers retranchements par d’autres acteurs du marché, ces opérateurs devront désormais se battre pour résister à la grande offensive de Nsia et d’Orange. L’autre interrogation porte sur le futur des institutions de microfinance qui seront contraintes à partager avec l’Oba le marché sénégalais. Cette préoccupation est d’autant plus fondée que le Pdg de Nsia, Jean Kacou Diagou, avertit : « Les institutions de microfinance ont plus à craindre d’Oba que les banques classiques parce que nous n’avons pas les mêmes cibles ». Le message est clair. Qu’on se le tienne pour dit, les Sfd doivent se retrousser les manches pour batailler dur afin de préserver leurs parts de marché à défaut de les accroître. Oba s’investira sans doute pour capter cette frange importante de la population exclue du système bancaire classique grâce à l’utilisation plateformes numériques. C’est pour dire que de chaudes empoignades se profilent à l’horizon dans le paysage bancaire sénégalais, surtout avec l’arrivée prochaine de la banque postale au Sénégal. Aux dernières informations, le groupe La Poste travaillait à obtenir son agrément auprès de la Bceao et les autorisations nécessaires pour pouvoir faire du crédit.
Par Abdou DIAW, Journaliste économique