Quand beaucoup pensent bien connaitre la RSE, en réalité elle demeure encore floue dans les esprits quant à sa définition, ses moyens et sa légitimité. Trois illustrations de clichés à ce sujet : – Une entreprise qui participe à des actions humanitaires (quel qu’en soit le volume de sa générosité) ne s’inscrit pas nécessairement dans une démarche RSE – Une fondation menant des activités de mécénat n’est qu’un instrument RSE ne garantissant pas, lui-seul, la légitimité des actions RSE engagées – Instaurer et exécuter une politique « d’Engagement écologique » n’est qu’une composante d’une politique RSE plus globale.

Essayons de dissiper ici le trouble autour de cet acronyme en commençant par en rappeler sa définition. Le terme RSE signifie Responsabilité Sociétale d’Entreprise et non Responsabilité Sociale d’Entreprise comme son nom pourrait le faire croire en anglais CSR (Corporate Social Responsability). Mais ces trois lettres sont encore réductrices de sens puisqu’il s’agit de Responsabilité Sociétale, Sociale et Environnementale d’Entreprise. Le terme RSE aurait pu être substitué par « RSSEE » pour être plus explicite.

Avant d’aller plus loin dans nos propos, peut-être est-il bon de relever que la responsabilité de l’entreprise n’est pas née avec la RSE. En effet, nous pouvons dire sans trop nous aventurer que la responsabilité sociétale en France est au moins aussi « ancienne » que la responsabilité civile pour laquelle une entreprise sera toujours tenue responsable en cas de dommage causé à autrui. Si ce principe paraît évident, énoncé comme tel, il n’est vrai que depuis l’arrêt en cassation de la chambre civile 2ième du 17 juillet 1967[1]. Mais encore faut-il prouver l’existence du dommage, son fait générateur et le lien de causalité entre les deux.

Dès lors, pour en savoir davantage faut-il s’intéresser aux éléments nouveaux de cette Responsabilité d’entreprise. Aussi, pour mieux cerner la RSE, il est pertinent d’en appréhender les enjeux au travers de ses cadres de référence : son cadre réglementaire & légal et ses différents référentiels.

En effet, si la RSE est une démarche d’entreprise largement volontaire jusqu’à ce jour, il existe quand même un cadre réglementaire & légal qui oblige et incite à mener des actions responsables. Ces dernières sont relatives notamment aux obligations à respecter les normes environnementales en vigueur (écotaxes, subventions des énergies renouvelables) mais aussi aux incitations fiscales à mener des actions de soutien à l’économie française (exemple : réduction d’impôt pour les investissements dans les PME au travers des Fonds Communs de Placement dans l’Innovation et exonération d’impôt pour la souscription à un Livret de développement durable et solidaire[2]).

C’est ainsi que bon nombre d’entreprises mènent des actions responsables de façon contraintes ou incitées par la réglementation européenne, les lois et politiques françaises. Quelle gloire tirer du simple respect de la loi ?

La RSE volontaire et désintéressée* (*financièrement parlant) est bien cette RSE qui nous concerne ici. Cette dernière dispose d’un cadre de référence propre dont les éléments les plus connus sont :

  • Le Pacte Mondial des Nations-Unis relatif au Développement durable (UN COMPACT) ;
  • La Global Reporting Initiative (GRI) ;
  • La norme ISO 26000 ;
  • Les guides de reporting RSE dont celui du MEDEF (basé sur la Loi Grenelle 2 – Article 225 et ses textes d’organisation et d’application) ;
  • Les labels responsables (ex : labels dits « verts »).

Cadres de référence de la RSE [3]

Mais le plus important à retenir, au-delà des moyens à employer pour faire/être RSE, est sans doute que la RSE volontaire et désintéressée s’inscrit dans une véritable démarche organisée, exhaustive, pilotée (indicateurs de suivi) et évaluée sur 3 volets[4] :

  • Social :
    • emploi, organisation du travail, relations sociales, santé et sécurité, formation, égalité de traitement, respect des conventions de l’Organisation Internationale du Travail ;
  • Environnemental  :
    • politique générale, pollution et gestion des déchets, utilisation durable des ressources, changement climatique, protection de la biodiversité
  • Sociétal :
    • engagements en faveur du développement durable / impact territorial, économique et social de l’activité de la société, relations entretenues avec les personnes ou les organisations intéressées par l’activité de la société, sous-traitance et fournisseurs, loyauté des pratiques.

Aussi, l’évaluation de la démarche RSE est fondamentale en ce qu’elle donne à cette dernière toute sa légitimité. Il n’existe point d’impact vérifiable sans évaluation donc point de RSE sans évaluation ! C’est alors qu’intervient un acteur incontournable de la « chaine de valeur » venant attester de la réalité des informations communiquées dans les rapports RSE fournis par l’entreprise : un tiers indépendant[5] accrédité par le Comité français d’accréditation (COFRAC), unique instance nationale d’accréditation.

En somme, la RSE n’est donc pas un projet humanitaire ou des engagements écologiques isolés mais bien une politique globale comprenant des sous-politiques Sociale, Sociétale et Environnementale pilotées via des indicateurs de performance et évaluées par un Tiers de confiance indépendant et accrédité. Si la notion de RSE n’est pas encore bien comprise du grand public, malgré toute l’importante qu’elle revêt, c’est sans doute dû à son caractère non encore obligatoire pour tous, à ce jour.

Quand toutes les entreprises devront rendre comptes de leur politique RSE auprès du régulateur, qui pourra prétendre ignorer la loi ? A bon entendeur…

Wally NDIAYE, Project Manager chez Vertuo Conseil ( réseau Square Management)

Notes :

  1. Source : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000006976133&fastReqId=992990988&fastPos=1
  2. Dans le cadre de la loi Sapin 2 votée en novembre 2016, le LDD a été renommé LDDS (Livret de développement durable et solidaire) depuis le 1er janvier 2017. Ce texte prévoit la possibilité d’une affectation par le détenteur d’un LDDS à un organisme l’économie sociale et solidaire (ESS) d’une partie de son livret d’épargne (capital et ou intérêts) sous la forme d’un don
  3. Sources : Formes de régulation et d’intervention en matière de RSE, Université de Lille 1, Bruno Boidin ;

Labels environnementaux, ADEME, https://www.ademe.fr/labels-environnementaux  

4.Source : Reporting RSE, Les nouvelles dispositions légales et réglementaire, Mouvement des Entreprises de France, Mai 2012.

5.Il est cependant possible d’être accrédité par d’autres organismes européens.