Aujourd’hui, le secteur du sucre est en zone trouble. En première ligne, les travailleurs de la compagnie sucrière sénégalaise (Css), ont investi la rue, pour dénoncer la quantité de sucre importé qui inonde le marché. Du coup, ils estiment  que 30000 tonnes sont dans leur entrepôt sans trouver acquéreur, ce qui  empêche l’entreprise d’honorer ses engagements vis à vis des fournisseurs et de payer les salaires. Ils réclament l’arrêt de l’importation et de l’octroi de Dipa (Déclaration d’Importation de Produits Alimentaires).Les commerçants y voient une volonté de la Css de continuer le monopole alors qu’elle peine  à satisfaire la demande nationale. Aussi bien l’Unacois Jappo, l’Unacois Yessal, les importateurs balayent d’un revers de manche les accusations de la compagnie contre le ministère du commerce.

Les travailleurs avaient organisé une marche de protestation dans les rues de Richard-Toll, lieu d’implantation de l’usine de la Css pour exiger l’arrêt de la délivrance des déclarations d’importation de produits alimentaires (Dipa) et l’importation du sucre.

« Aujourd’hui, plus de 150 000 tonnes de sucre inondent le marché. Ce qui fait perdre à la Css son chiffre d’affaire et menace les emplois travailleurs et les 150 000 familles du Walo », a déclaré le secrétaire général de la section CNTS de la Css, M. Amary Diouf.

Et pour l’arrêt des Dipa et de l’importation du sucre, les  travailleurs de la Css appellent à une mobilisation devant le ministère du commerce après leur marche à richard-Toll.

Il a souligné que c’est à cause du sucre importé frauduleusement que la Css ne peut plus honorer ses engagements vis à vis des fournisseurs, ne peut plus payer les salaires.

« Aujourd’hui le vrai problème, c’est avec les Dipa frauduleusement attribués.

C’est 8500 pères de familles sont menacés. Nous n’allons pas laisser Assome Diatta nous assommer, nous refusons » a rajouté M. Diouf

Le directeur des ressources humaines, M. Louis Lamotte a affirmé que : « L’usine dispose  d’un stock  invendu de 30000 tonnes à cause de l’inondation du marché sénégalais de sucre importé de manière illégale ».

MOUSTAPHA LÔ DE L’UNACOIS

« Mimran  ne travaille pas pour le Sénégal »

M. Moustapha Lô, secrétaire général chargé de l’industrialisation au sein de l’Unacois et vice-président estime que Mimran travaille pas notre pays mais pour son propre compte. Selon lui, la Css manipule ses employés et les populations en vue de continuer à monopoliser le sucre.

« L’histoire du sucre remonte depuis 1976.Lorsqu’on donnait le sucre à la Css, il y avait des sénégalais qui travaillaient sur ça. On leur a dit que maintenant c’est la Css qui a l’exclusivité et personne ne va plus importer du sucre. Il avait promis l’autosuffisance en sucre lorsqu’il mettait en place l’usine (en 1973) en 1978. On lui a donné les terres du Sénégal pour 1 F symbolique. On lui a donné un crédit destiné au Sénégal, est-ce qu’il a remboursé, mystère boule de gomme. A cette époque, on interdisait à tout le monde d’amener du sucre, si tu le faisais, c’est comme si tu avais amené du yamba dans le pays », se rappelle M. Moustapha Lô de l’Unacois.

Il estime que toute personne qui s’aventurait à amener du sucre, est emprisonnée.

Et M. Lô de dire : « Quand on a libéralisé l’économie, toute personne qui souhaite importer, elle peut le faire. En ce moment, le sucre est protégé. On a accordé une protection du sucre de la Css de telle sorte quand quelqu’un amenait du sucre, si tu le dédouanes, tu ne pourras pas le vendre ».

Poursuivant son rappel de l’histoire du sucre, il estime que Mimran est parti au niveau des instances comme l’Uemoa, la Cedeao pour dire que si son sucre n’est pas protégé, il ne pourra  pas travailler.

Selon le vice-président de l’Unacois, la tonne  de sucre coûte 249280F sur le plan international. Et on doit payer la Douane à hauteur de  44,48%, ce qui fait 110000 f sans protection. Et si on fait le cumul, cela va  revenir à 360 280, donc le kilo de sucre peut coûter 400 F cfa. Il avance que si on avait libéralisé le prix, on pouvait avoir le sucre à 400 F sur le marché sénégalais.

Il a tenu à préciser que la Css a bénéficié d’une valeur  mercuriale, d’une taxe Tci (taxe conjoncturelle de 10%)  et d’une diminution de la TVA de 10%. Selon toujours M. Lô, malgré tous ces privilèges, la Css a dit que cela ne suffit pas.

« Aujourd’hui le problème, c’est que la Css ne doit importer parce que c’est un industriel, un producteur. Elle doit produire et vendre. La Css devait être une industrie qui pouvait être en mesure de produire suffisamment de sucre. Un industriel ne doit pas distribuer les produits.L’Unacois a dit à la css, tout ce que vous produisez, nous l’achetons. Donc, quel son problème. Maintenant quand la Css pousse les gens dans la rue pour dire qu’il y a une quantité du sucre qui reste dans son dépôt, qui n’a pas trouvé acquereur.Elle a importé 20 000 tonnes qu’elle ne peut pas vendre », dira M. Lô.

Il souligne  la Css veut qu’on arrête définitivement les Dipa pour qu’elle reste la seule entité qui importe et vend le sucre.

 « Il est temps qu’on dise à Mimran que le Sénégal de 1970, n’est pas le Sénégal aujourd’hui »

« Le personnel de la Css ne fait pas 8500 personnes. Il est temps qu’on dise à Mimran que le Sénégal de 1970, n’est pas le Sénégal aujourd’hui. La Css veut manipuler les gens, les travailleurs, elle veut monopoliser le sucre tout en continuant d’importer du sucre. Mimran travaille pour son propre compte, il ne travaille pas pour notre pays. Il n’a aucune fraude dans les dipa, ils racontent des histoires. Comme ils ont dit qu’on vend les dipa, ils n’ont qu’à le prouver », a souligné M. Lô.

ALLA DIENG, DIRECTEUR EXECUTIF DE L’UNACOIS YEESSAL

 « La Css ne peut pas satisfaire la demande nationale »

M. Dieng estime qu’au niveau de l’Unacois Yeessal, ils participent  à la protection de nos industries. Et ils ont signé  dans ce sens une convention avec la compagnie sucrière.

« Nous voulons que l’industrie soit protégée  et malheureusement la compagnie sucrière ne peut pas satisfaire la demande nationale. La consommation nationale, c’est dans l’ordre de 200 000 tonnes, la Css ne peut produire au-delà de 100 000 tonnes, il y a un gap de 60 000 tonnes à 80 000 tonnes », dixit M. Alla Dieng.

D’après M. Dieng, si la Css a des problèmes pour vendre le sucre qu’il a produit, ils sont  disposés à l’accompagner pour son écoulement.

« Mais si c’est la partie importée parce que la compagnie aussi, importe. Elle vient d’importer après 20 000 tonnes. Si la Css a des problèmes pour écouler cette partie-là, ça ne nous concerne pas », note M. Dieng qui renchérit : « La Css prend souvent comme une épée de Damoclès sur la tête de l’Etat en disant que si vous ne me soutenez pas,  je vais envoyer tous les 8500 employés en chômage. Je vous dis que c’est du toc puisque, elle ne dispose pas de 8000 employés. On peut dire qu’elle dispose de 3000 employés permanents, le reste, ce sont des saisonniers qu’elle utilise au moment de la récolté après on les libère ».

Selon le directeur exécutif de L’Unacois Yeessal, la compagnie, si elle traverse des difficultés, elle n’a qu’à réduire sa marge bénéficiaire pour pouvoir vendre.

Il précise qu’il n’est  pour les menaces, il préfère le dialogue.

« Je ne suis pour les menaces en disant si l’Etat ne fait pas, on va fermer. L’usine ne va pas être fermée parce que l’usine est le fleuron parmi les entreprises de la famille Mimran qui est venu au Sénégal en 1970 », souligne M. Dieng.

Selon lui, Mimran est venu au Sénégal les mains vides et  on lui a donné  au franc symbolique,  les terres, l’eau.

Exonération sur les matériels de production de la Css

D’après M. Dieng, quand la compagnie sucrière importe des équipements techniques pour la production, tout est exonéré. Il estime qu’on a trop favorisé le patron Jacques Mimran.

MOUSTAPHA TALL, IMPORTATEUR

 « Il n’y a pas eu l’octroi frauduleux de Dipa » 

M. Moustapha Tall, importateur de sucre estime que l’histoire de l’octroi de Dipa évoquée par la Css,  est sans fondement.

« A ma connaissance, il n’y a pas eu l’octroi frauduleux de Dipa  car c’est extrêmement bien surveillé et bien contrôlé. Je suis sûr que, aucun fonctionnaire du ministère du commerce n’ose faire une fausse DIPA. Je suis formel », dixit M. Moustapha Tall.

Il estime que c’est des accusations gratuites.

« Je sais que le ministre du commerce est extrêmement sévère. Elle contrôle bien son département parce qu’elle s’y connait. Elle a été directrice du commerce extérieur pendant longtemps avant d’être ministre du commerce, donc  elle maîtrise bien ce domaine c’est la personne qu’il faut à la place qu’il faut.  Je ne pense pas qu’il y ait une personne qui oserait délivrer une fausse Dipa », a laissé entendre Moustapha Tall.

.Selon lui, Mimran a eu une Dipa de 20 000 tonnes qui sont dans ses entrepôts.

Et M. Tall de rajouter : « Si la Css se lance dans l’importation en même temps que les commerçants, c’est sûr que les commerçants vendront moins chers que cette dernière parce que les commerçants n’ont pas les même charges que la compagnie ».

Selon l’importateur, la Css n’arrive pas à vendre son stock et même sa production. Et c’est ce qui explique qu’ils crient sur tous les toits pour que les importateurs arrêtent l’importation  afin qu’ils puissent vendre leur quantité importée et préparer leur campagne.

« Eux ils ont l’habitude d’avoir un marché protégé et ils veulent aussi que ce marché-libéralise le soit ce qui est quasiment impossible », souligne M. Tall.

Et M. Tall de dire : « 40 ans de monopole exclusif, vous n’arrivez pas à voir le bout du tunnel, cela veut dire que ce n’était pas une bonne affaire, il fallait restructurer  et faire autre chose ».  

« Dès que tu touches au sucre, on te crée des problèmes, de faux contentieux. Je crois que trop de protection, n’est pas bon. On a trop protégé cette affaire pour rien du tout. Moi,  je ne vois pas l’intérêt d’avoir une autosuffisance dans cette filière-là surtout que c’est une affaire qui concerne qu’une  seule personne, et sa famille ce n’est pas pour le pays », précise M. Tall.

Selon lui,  C’est  Mimran qui cultive, qui transforme et qui commercialise.

« Il est hyper protégé, voilà le problème. C’est trop injuste et aujourd’hui, ce que je constate, le jour où on lui donnait le monopole en 1970, le sucre coûtait 65F  au détail et c’était sous  le régime d’Abdou Diouf qui avait donné le monopole et qui l’avait protégé pendant tout ce temps-là. Et le sucre coutait 65F et quand on lui a donné le monopole, exclusif  le sucre est allé à 225F, une augmentation de 300% sur un produit de première nécessité ».