Depuis une semaine, le Sénégal est propulsé sous le feu des projecteurs avec l’ «Affaire Sonko» qui a mis à genoux une bonne partie de l’activité économique, dans la capitale sénégalaise notamment. Les scènes de violence qui ont rythmé, ces cinq derniers jours, la vie à Dakar et dans quelques capitales régionales et départementales sont tout simplement indescriptibles. Stations-service mises à sac, magasins de grandes enseignes françaises saccagés, les rideaux de boutiques de quartiers baissés, des centres d’affaires à l’arrêt, le transport perturbé… Bref, c’est un sacré coup porté à l’économie sénégalaise en attendant les premières évaluations des pertes. Cette situation intervient dans un contexte particulier où le Sénégal s’est inscrit dans une dynamique de relance de son économie cruellement malmenée par la pandémie de Covid-19 dont les stigmates restent encore visibles.

Ces actes regrettables exercés sur des personnes physiques et morales n’honorent guère notre pays. Ils sont venus anéantir les efforts consentis par les opérateurs économiques, un an après la survenance de la crise sanitaire. Durant la semaine écoulée, c’est presque toute l’économie formelle et informelle qui a été bloquée, plongeant une écrasante majorité de la population dans des lendemains incertains. Le geste le plus inquiétant dans ces actes de vandalisme et qui a certainement attiré l’attention de tout le monde, c’est, sans nul doute, l’attaque perpétrée contre des enseignes étrangères établies au Sénégal. Au-delà de la condamnation populaire et de l’élan de solidarité dont a fait montre une partie des citoyens, ces actes appellent à d’autres lectures plus poussées. En effet, en saccageant et en pillant ces établissements en plein jour, sous le regard impuissant de leurs propriétaires, c’est d’honnêtes concitoyens qui sont jetés au chômage le temps d’une opération d’inventaire et de redéploiement.

Combien de jeunes filles et garçons trouvaient leur gagne-pain dans ces chaînes de magasins et stations-service ? Quelques heures d’anarchie et de désordre ont suffi pour hypothéquer leur avenir. Inutile d’évoquer les pertes subies par les dirigeants de ces centres d’affaires, mais aussi des taxes et impôts au grand dam des régies financières de l’État. Diantre ! Qu’ont-ils fait pour que la furie des manifestants leur retombe sur la tête ? Ces investisseurs sont-ils responsables de la situation socioéconomique que traverse notre pays ? Loin de nous la prétention de prendre leur défense. La réalité dans l’univers du business fait que les détenteurs de capitaux investissent là où ils espèrent trouver un environnement propice et la sécurité.

Inversement, des Sénégalais ont investi dans d’autres pays. Que l’on arrête donc de faire porter notre situation conjoncturelle à d’autres honnêtes citoyens qui ne font qu’investir leur argent chez nous. Ceux qui s’en sont pris aux business des étrangers, se sont tout simplement trompés de cible. Dans un contexte où notre pays, à l’instar de beaucoup d’autres d’ailleurs, fait la cour aux capitaux étrangers en mettant en branle un arsenal de séductions (réformes, exonérations fiscales, zones économiques spéciales…), l’on assiste à des actes de sabotage qui ne feront qu’exagérer le niveau de perception du risque au Sénégal. Pour les potentiels investisseurs, de nature très frileux et attentifs de la situation des pays de destination, cette période d’instabilité sociale pourrait constituer un facteur capable d’influer négativement sur les décisions.

Aujourd’hui, ces troubles sociaux ne font qu’exacerber davantage le climat d’incertitude et installer l’angoisse dans le milieu des affaires. Dans des périodes de tension où la capacité de discernement cède la place à la cécité, à l’insouciance et à l’inconscience, le choix du vocabulaire doit se faire avec habilité et ruse. Qu’il s’agisse des professionnels des médias, chargés d’informer l’opinion ou le gouvernement, dépositaire de la puissance publique, chacun, en ce qui le concerne, doit distiller un discours pacifique sans pour autant verser dans la dramatisation. Partout chanté comme un chantre de la démocratie en raison de sa stabilité politique et institutionnelle, le Sénégal gagnerait à préserver ces acquis pour demeurer une destination privilégiée des investisseurs. Ces efforts lui ont également valu la 4ème place dans le Top 5 des pays les plus attractifs en Afrique, selon un récent classement conjointement mené par AfricaCeo Forum et le cabinet Deloitte.

Par Abdou DIAW, Journaliste économique