Le Centre de recherche et d’action pour les droits économiques sociaux et culturels (CRADESC), en partenariat avec la Fondation pour une société juste (FJS), les acteurs étatiques (Ministères, inspection du travail, tribunal du travail, BIT), les organisations nationales et les syndicats, a dirigé une étude portant sur la documentation de la violation des Droits Économiques, Sociaux et Culturels (DESC) des travailleuses domestiques en Afrique de l’Ouest. En marge de l’atelier de restitution qui s’est tenu ce vendredi 2 décembre 2022, les acteurs estiment que les travailleuses domestiques ne bénéficient pas de contrat de travail, ni de protection sociale. Et elles sont mal payées et sont victimes souvent de violence. L’absence de cadre réglementaire fait partie aussi des maux de ce secteur.

Mme Marie Sabine Diatta, contrôleur du travail en service au niveau de la direction générale du travail et de la sécurité sociale, a souligné : «Ce matin, on est là pour l’atelier de validation des résultats sur une étude réalisée par l’ONG Cradesc.La plupart des femmes travailleuses au Sénégal ne sont pas prises en compte de façon réglementaire conformément à la loi sénégalaise pour ce qui est du droit du travail. La plupart d’entre elles n’ont pas de contrat de travail, n’ont pas de protection sociale adéquate que ça soit pour la prise en charge des maladies professionnelles et également ne matière de sécurité sociale. Donc, cette étude va nous permettre aujourd’hui de pouvoir prendre en compte les préoccupations de ces travailleuses qui sont des travailleurs comme tout le monde, qui méritent d’avoir une protection sociale, qui méritent d’être prises en compte par le système de sécurité sociale au Sénégal ».

Elle a tenu à préciser que le secteur du travail domestique n’a pas de texte parce qu’il y a un arrêté qui réglemente ce secteur et c’est un arrêté qui date de 1968.

« Et c’est l’occasion avec les résultats de cette étude pour pouvoir en prendre en compte ce secteur, de pouvoir réglementer ce secteur. Pourquoi pas mettre en place une convention collective et pourquoi pas également ratifier la 659 de l’OIT sur les travailleuses domestiques », dira-t-elle.

Dr. Fatima Diallo, directrice du Centre de recherches et d’action sur les droits économiques, sociaux et culturels a affirmé : «On est là pour présenter des résultats d’une étude que nous avons eu à mener au niveau sous-régional dans 9 pays d’Afrique de l’ouest qui sont la Guinée, le Burkina-Faso, la côte d’ivoire, la Gambie, la Mauritanie, le Benin et le Togo. Nous sommes dans ce processus depuis bientôt deux ans, nous avons eu à être dans ces différents pays. Le Sénégal est le dernier pays et nous faisons la validation en ce qui concerne le rapport /pays. Nous avions auparavant fait ici la validation du rapport régional et on est là dans la phase de la validation des rapports/ pays. Et nous avons procédé à cette validation dans 8 pays et nous sommes en train de faire le 9éme pays qui est le Sénégal ».

D’après Dr. Fatima Diallo, les résultats montrent particulièrement qu’en réalité la plupart des travailleuses domestiques sont dans un niveau de précarité assez absolue. Et la majorité d’entre elles reçoivent dés fois globalement à partir de 27 000F CFA de salaire.

Elle poursuit : « La plupart d’entre elles ou même la majorité ne savent même pas ce qu’est la sécurité sociale. Plus de 90% n’ont pas de contrat de travail, les rares cas où on note la présence de contrat entre les différentes parties dans le cadre de ce secteur, c’est quand on est avec des travailleuses domestiques qui travaillent au niveau des représentations diplomatiques, en tout cas, au niveau des expatriés. Et ce qui concerne celles qui travaillent au niveau des ménages sénégalais, la quasi-totalité n’ont pas de contrat de travail. La plupart aussi des travailleuses domestiques, plus de 90% déclarent souvent aussi, être victimes de violence de tout genre ».

Un secteur de travail domestique qui est particulièrement préoccupant en termes de précarité

« Avec les résultats de l’étude, ce qu’on constate, c’est le Sénégal, à l’instar de l’ensemble des pays où nous avions été, a encore un secteur de travail domestique qui est particulièrement préoccupant en termes de précarité, en termes de conditions de travail, en termes de violence sur le genre. Et nous pensons qu’il est important que des décisions importantes soient prises pour avoir le changement escompté pour une meilleure protection des droits des travailleuses domestiques. Nous interpellons l’ensemble des acteurs particulièrement les syndicats, les organisations de la société civile mais surtout les acteurs institutionnels en vue qu’on procède à la ratification de la 589 qui est la convention de l’OIT qui a été adoptée en 2011 pour la protection des droits des travailleurs et des travailleuses à travers le monde. Pour l’instant, il n’y a que l’Afrique francophone, il n’y a que la Guinée qui a eu à ratifier la convention », renchérit Dr. Fatima Diallo.

Quant à Mme Corka Ndiaye, présidente de l’association de défense des droits et des aides ménagères et domestiques (ADDAD Sénégal), elle affirme : « Notre organisation, c’est une association sous-région basée au Mali, créée en 2011 et actuellement, elle existe dans 10 pays, Mali, Burkina, Togo Benin, côte d’ivoire, Guinée, Sénégal, Gambie, Ghana et la Mauritanie.Nous défendons la même cause, c’est que les travailleuses domestiques puissent jouir de leurs droits. Elles ne sont pas considérées dans les ménages et pourtant, elles exercent un travail noble. Nous voulons le regroupement de toutes les associations afin de porter ce plaidoyer pour une ratification de la convention parce qu’il est temps que ces travailleuses bénéficient d’une bonne protection sociale, de bons contrats ».

M. Moustapha Kane, représentant des syndicats, souligne que : «On a été interpelé sur beaucoup de choses surtout sur les droits des femmes travailleuses, elles travaillent comme celles qui sont dans les bureaux. Elles doivent bénéficier de contrat et de la protection sociale comme tout travailleur. Notamment, elles doivent aussi avoir des textes qui doivent réglementer leur secteur qui est tellement important. On est interpellé sur les violences faites à ces travailleuses, ce qui n’est pas normal, elles sont sous-payées, elles sont vulnérables. Nous interpellons les autorités étatiques pour qu’elles fassent quelque chose pour ces braves femmes. Nous sommes prêts à les accompagner ».

Rappelons que le projet sur la « documentation des violations des droits économiques, sociaux et culturels des domestiques pour appuyer le plaidoyer en Afrique de l’ouest Francophone » vise à générer les connaissances nécessaires à la prise de décision en matière de protection des droits des travailleurs et travailleuses domestiques.