Le Collectif des agriculteurs de Pout, Keur Mousseu et Diender appuyé par le Cadre de concertation et de développement des Niayes (CCDN) et le Centre de recherche et d’action sur les droits économiques sociaux et culturels (CRADESC) en partenariat avec la Fondation Ford, a organisé un atelier de partage, de suivi des obligations et de sensibilisation sur les impacts de l’exploitation des métaux non ferreux sur la santé et le développement économique de la zone des Niayes à la Mairie de Pout. Après la fermeture de l’usine, les agriculteurs sont toujours à l’attente de la décontamination du site et craignent pour leur santé.

Dr. Fatima Diallo, directrice du Centre de recherche et d’action sur les droits économiques sociaux et culturels (CRADESC), souligne : « On est engagé auprès des communautés notamment auprès du Collectif des agriculteurs de Diender, Keur Mosseu et de Pout depuis plus d’un an déjà avec le cadre de concertation et développement de la zone des Niayes et l’ensemble des acteurs de développement de la zone pour combattre l’exploitation du Plomb issus des batteries usagées que, une usine qui s’est implantée ici qui s’appelle Ganesha SARL, qui a commencé ses activités au milieu de l’année 2022, donc, il n’y a pas de doute qu’il y a l’exploitation du plomb dans la zone et nous pensons que cette exploitation ne peut être que nocive à la zone en raison de la vocation agricole de la zone des Niayes de manière générale mais plus particulièrement de ce secteur qui est POUT et aussi environ parce que l’usine est installée dans un village qu’on appelle Ndiakhate. Les communautés nous ont demandé de les appuyer et depuis lors, on chemine avec eux ».

Elle estime qu’elle se réjouit d’avoir eu comme résultat une décision du ministre de l’environnement, ordonnant la fermeture de l’usine. Et c’est pour cela qu’ils sont à POUT dans le cadre de l’atelier pour partager avec les acteurs qui ont participé au combat pour sensibiliser davantage sur les impacts de l’exploitation du Plomb.

 La décontamination reste un vrai problème

« Nous pensons que de bonne foi que le ministère est certainement en train de poser les actes qui s’imposent sans pour autant pouvoir en attester parce que, on ne détient pas les preuves. Nous allons aussi engager les communautés dans ce qu’on appelle des audits communautaires qui les permettraient eux aussi au fur à mesure de suivre les évolutions. Nous allons engager toutes les structures étatiques mais aussi internationales qui sont compétentes dans ce domaine en ce qui concerne la décontamination parce qu’une fois qu’il y a la contamination au plomb, la décontamination reste un vrai problème. Notre combat se situe autour de ça, comment décontaminer le site ? comment, il faudra réhabiliter les surfaces ? A qui devrait revenir les terres une fois que cette décontamination a été faite ? comment s’il y a des droits qui ont été violés au plan des droits sociaux économiques des communautés, que ça soit des questions liées à la santé ou bien tout simplement sur des questions liées à des pertes de récolte. Comment ces communautés-là doivent être rétablies dans leur droit ? L’exploitation du plomb dans cette zone n’était pas adéquate, il fallait mettre fin », souligne Dr Fatima Diallo.

Quant à M. Mamadou Leye, porte-parole du collectif des agriculteurs de Pout, Keur Mousseu et Diender, il avance : « Les difficultés que l’usine peut poser aux populations, c’est après sa fermeture. Il faut d’abord noter que la décontamination du site et le suivi sanitaire, constituent les véritables dangers pour les populations. Nous sommes vraiment très inquiets car jusqu’à présent depuis la fermeture de l’usine, la zone n’est pas encore décontaminée. Depuis que le ministère a pris la décision d’arrêter les activités de l’usine, certes il n’y a pas d’activités mais jusqu’à présent le site n’est décontaminé, c’est ce qui nous fait peur. Nous sensibilisons les populations sur les dangers qui les guettent dans la zone qui est à côté d’un bassin de rétention, rien que cette proximité peut contaminer l’eau du bassin ».

M. Mbaye Ndoye, Cadre de concertation et de développement des Niayes (CCDN), affirme : « Nous avons engagé la lutte jusqu’à la fermeture de l’usine. La présence de cette usine dans une zone agricole est un grand danger car le plomb peut contaminer l’agriculture. Nous remercions le CRADESC qui est notre partenaire stratégique depuis le début. L’organisation nous a accompagnés dans tous les combats menés dans la zone des Niayes ».

Non-respect des codes environnementaux

« L’implantation de l’usine Ganesha va à l’encontre des exigences du code de l’environnement qui impose en son  article 13 que toute autorisation d’exploitation des installations de première classe soit obligatoirement subordonnée à leur éloignement, sur un rayon de 500 m au moins, des habitations, des immeubles habituellement occupés par des tiers,  des établissements recevant du public et des zones destinées à l’habitation, d’un cours d’eau, d’un lac, d’une voie de communication, d’un captage d’eau », précise-t-on dans les TDR.

D’après le document susmentionné, les populations de Ndiakhate réuni dans le cadre d’un collectif appuyé par le Cadre de Concertation et Développement des Niayes dénoncent de ce fait la violation du décret n° 2010-1281 du 16 septembre 2010 réglementant les conditions d’exploitation du plomb et du Code de l’environnement en ces dispositions relatives aux établissements classés par l’installation de l’unité de collecte et de recyclage.

« En dépit de l’existence de cette armature législative et réglementaire protectrice, la zone des Niayes abrite de nombreuses industries dont les activités et pratiques engendrent d’importantes externalités négatives pour le bien-être des populations et le développement de l’Agriculture. En fait, depuis plusieurs années, les populations du village de Ndiakhatt fustigent l’installation d’une unité de recyclage de métaux non ferreux dans la commune de Keur Moussa », renseigne-t-on dans le document.

La nature et l’homme exposés au plomb

« En effet, de nombreuses études et expériences ont démontré que l’exposition de l’homme et de la nature au plomb comporte plusieurs risques sanitaires et environnementaux. Au cours des vingt dernières années, les nombreux sites contaminés constituent une préoccupation croissante dans les pays industrialisés », explique-t-on dans le document.

La contamination du quartier de Ngagne Diaw de Thiaroye toujours dans les mémoires

Le document précise : « Au Sénégal, entre novembre 2007 et mars 2008, des décès de plusieurs enfants sont constatés suite à des maladies agressives du système nerveux central d’origine inconnue à Thiaroye-sur-Mer à Dakar au Sénégal à Thiaroye ayant causé le décès d’au moins 18 enfants et d’innombrables dommages sanitaires et environnementaux ».

 Toujours d’après les TDR, ces cas s’avèrent être liés rapidement à une contamination du sol par des activités de recyclage des batteries au plomb entreposées dans une décharge dans le quartier de Ngagne Diaw.

« Des taux élevés de plomb ont été relevés chez les membres des familles des enfants décédés. La contamination par les métaux lourds ou mixtes présente des défis particuliers. Les nouvelles données scientifiques indiquent que les concentrations de plomb dans le sang qui étaient auparavant considérées comme ne représentant pas un danger pour la santé humaine sont clairement nocives pour l’être humain », renseigne le document.