Lumière Synergie pour le Développement (LSD), dans le contexte de la célébration des 60 ans de l’institution, a organisé ce samedi 28 septembre 2024 à Bargny un forum des communautés affectées par les projets de la BAD au Sénégal. Une occasion saisie par ces dernières pour exprimer de vives voix leur colère et déception à propos de la Banque Africaine de Développement qu’elles qualifient banque de destruction.
Mme Ndeye Yacine Dieng, Présidente de l’association pour la Valorisation de l’environnement et des côtes impactée de Bargny, avance : « Le financement de la BAD, c’est un financement qui n’est pas adéquat aux communautés. J’entends dire financement de développement mais la BAD, je ne dis pas la Banque Africaine de développement, je dirai, moi la banque africaine de destruction. Pourquoi ? Parce que c’est la BAD qui a amené un projet qui a accaparé nos terres. Nous, les victimes de l’érosion côtière, nous qui vivons sur le littoral. Là où on a mis cette centrale, c(était destinée aux victimes de l’érosion côtière mais malheureusement la Centrale est assise sur deux lotissements au nombre de 1300 parcelles étaient destinées aux victimes de l’érosion côtière. La centrale nuit à notre santé, prend notre espace. La Centrale est une infrastructure polluant de degré 1, elle ne doit pas être à 500 mètres des habitations, ni des prés des cours d’eau. Nos maisons, des mosquées, des terrains sont engloutis, la mer a emporté ».
Quant à Mme Seynabou Ndoye, impactée de la Centrale électrique de Malicounda, elle affirme : « La Centrale de Malicounda nous a causé beaucoup de problèmes. Elle a appauvri les populations. Tout le monde sait que Malicounda est un village qui vit de l’agriculture. Non seulement la centrale a occupé une grande superficie de terre. Les 60 ans, c’est bénéfique pour la BAD mais c’est la cause de notre pauvreté. Ils apprécient leur 60 ans mais , moi, je les critique. Je ne peux pas concevoir que la Banque finance des projets qui impactent négativement les populations. La proximité de la centrale avec les populations, constitue une source de maladies surtout respiratoire ».
Mme Fatou Samba, Présidente des femmes transformatrices des produits halieutiques, vice- Lumière Synergie pour le développement, souligne : « Ce qui nous a réuni aujourd’hui, nous savons que la BAD au mois de septembre, fête ses 60 ans. Donc, ces 60 ans-là, nous en tant que communautés affectées par les projets qu’ils ont financés, disons que ces 60 ans-là, c’est des 60 ans de souffrance des communautés parce qu’ici à Bargny, il y a la centrale à charbon qui a été financée par la BAD et jusqu’à présent, on n’a pas encore de solutions pour les communautés. La Centrale est assise sur un titre de lotissements pour les victimes de l’érosion côtière et c’était les habitants de Bargny qui avaient offert ces terres-là mais ce qu’on constaté, c’est la centrale a pris les terres parce que c’est l’Etat du Sénégal qui a pris les terres pour cause d’utilité publique et il a vendu les terres à la Senelec qui a donné 29 hectares à la centrale à charbon ».
Elle estime qu’elles sont plus de 1000 femmes dans la transformation et toutes leurs activités sont à l’arrêt.
« La Centrale a déversé toutes ses eaux usées dans le site de transformation. On passait trois mois sans travailler maintenant, c’est 7 mois et tout cela, c’est à cause de la centrale qui a été financée par la BAD. C’est un cri de cœur pour dire à la BAD de réviser ses politiques et de développer les communautés au lieu de leur foncer dans la pauvreté », dira-t-elle.
M. Babacar Diouf, spécialiste en suivi projets et infrastructures qui sont financés par la Banque Africaine de Développement au sein de l’ONG Lumière Synergie pour le développement souligne : « Nous avons réuni ici aujourd’hui trois communautés affectées par des projets de la Banque Africaine de Développement pour célébrer les 60 ans. Vous n’ignorez pas que la semaine dernière que la BAD a célébré en grandes pompes son 60 -ème anniversaire mais, nous, on est rattaché à la durabilité et à la redevabilité. Et ce sentier reste énorme dans les projets de la BAD, c’est pourquoi, nous avons réuni ces communautés aujourd’hui pour rappeler à la banque si, elle façonne l’avenir du continent, à côté aussi, elle est en train de causer des dégâts, des dommages collatéraux aux communautés et à l’environnement. LSD fait le monitoring de la BAD depuis bientôt 15 ans ».
Selon M. Diouf, LSD est, une des organisations pionnières, membre fondateur de organisations de la société civile sur la BAD. Et ses actions inspirent beaucoup d’ONG, beaucoup de communautés en Afrique pour contraindre la BAD à respecter ses exigences en matière de durabilité et de redevabilité.
Et M. Diouf de poursuivre : « Au niveau de Bargny, la Banque avait procédé à une vérification de conformité qui avait conclu qu’il y a beaucoup de ses politiques violés et à l’issu, ils ont eu un plan d’action et à ce stade, ils ont eu à faire 4 missions de suivi mais jusqu’ici le problème demeure parce que, en matière de durabilité, parfois l’impact est irréversible. Aujourd’hui, vous ne pouvez pas, au 21 -ème siècle, au moment où l’Afrique a d’énormes potentiels en matière d’énergie renouvelable, vous mettez au cœur d’une communauté une centrale à charbon. Parfois, les impacts, les plans d’action n’arrivent pas à les résoudre ».