1. CONTEXTE ET PROBLÉMATIQUE

L’emploi, en particulier celui des jeunes, constitue une problématique mondiale majeure. L’Afrique, et plus précisément le Sénégal, n’échappent pas à cette réalité. Malgré des initiatives ambitieuses comme l’Agence Nationale de Promotion de l’Emploi des Jeunes (ANPEJ), la la Délégation générale à l’Entreprenariat Rapide des Femmes et des Jeunes (DER/FJ) ou le Fonds de Promotion Économique, les résultats peinent à répondre aux attentes croissantes.

Cela soulève des interrogations fondamentales :

Les outils de mesure du chômage reflètent-ils nos réalités sociologiques ?

Les solutions actuelles sont-elles véritablement adaptées et efficaces ?

 2. DÉFINIR LE CHÔMAGE SELON NOS RÉALITÉS

Qu’est-ce qu’un chômeur au Sénégal ?

Dans un pays où des professions informelles (mécaniciens, vendeurs ambulants, domestiques, etc.) contribuent significativement à l’économie, il est crucial d’élargir la définition du chômage pour intégrer ces spécificités. Ces métiers, bien qu’irréguliers ou faiblement rémunérés, permettent souvent de maintenir une solidarité sociale atténuant la précarité.

Les modèles statistiques calqués sur les pays industrialisés ne reflètent pas les réalités socio-économiques locales. Par exemple, bien que le taux de chômage officiel soit fixé à 20,3 %, il devient impératif de repenser ces chiffres, car ils ne tiennent pas compte des dynamiques du secteur informel, qui représente entre 40 et 50 % du PIB national.

 3. RÉORIENTER LA STRATÉGIE DE LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE

Le secteur privé local, encore embryonnaire, ne peut absorber la demande croissante d’emplois. L’État doit donc assumer un rôle actif en tant que stratège et moteur de transformation économique.

Trois axes stratégiques sont prioritaires :

 Transformer l’État :

-Dépasser le modèle centralisé pour devenir un acteur stratégique, capable d’orienter et de catalyser les initiatives.

– Optimiser les finances publiques : Réduire les dépenses inutiles afin de dégager des marges budgétaires pour des investissements structurants.

– Adopter une stratégie économique de portage : Investir dans des secteurs stratégiques comme l’agriculture, l’énergie solaire et l’agro-industrie pour impulser une dynamique de croissance en attendant l’émergence d’un secteur privé solide.

4. MOBILISER LE POTENTIEL NATIONAL

Le Sénégal dispose de ressources stratégiques :

-Une population jeune et dynamique.

-Des terres arables et un ensoleillement abondant.

-Des compétences diversifiées (cadres militaires, femmes entrepreneures, diaspora qualifiée, etc.).

-Une structure sociale organisée, notamment grâce aux congrégations religieuses.

 Exemple concret : Le rôle du génie militaire

Le génie militaire sénégalais illustre parfaitement le potentiel d’une collaboration entre l’État, l’armée et la jeunesse. En construisant des infrastructures de qualité (routes, ponts, bâtiments publics), il a démontré que l’armée peut être un acteur clé du développement.

 Intégrer la diaspora et les émigrés expérimentés

Un appel à la diaspora est essentiel pour enrichir ce triptyque. Les émigrés sénégalais, souvent dotés d’une expérience internationale, possèdent un savoir-faire et des compétences qui peuvent grandement contribuer à la transformation du pays. Leur vécu à l’extérieur leur a permis d’acquérir des connaissances pratiques en gestion, en innovation et en leadership.

Le rôle des congrégations religieuses et des groupes producteurs religieux

Les congrégations religieuses, notamment les groupes producteurs religieux, représentent une force de frappe extraordinaire dans l’économie agricole sénégalaise. Des exemples tels que les champs de plusieurs milliers d’hectares de Khelcom illustrent leur potentiel. Pour maximiser leur impact, il est impératif de leur apporter une assistance ciblée, notamment en les accompagnant dans la transition vers des cultures de contre-saison. Ces initiatives pourraient significativement augmenter leur productivité et leur contribution au développement économique.

 5. RELANCER LE SECTEUR PRIVÉ

L’amélioration de l’environnement des affaires est essentielle pour structurer un secteur privé dynamique. L’État doit favoriser l’émergence de champions nationaux capables de tirer l’économie vers le haut et de rivaliser sur le marché international.

Pour cela, il est crucial de :

-Identifier et promouvoir les meilleurs hommes d’affaires, qui ont prouvé leur efficacité, au lieu de perpétuellement s’appuyer sur des figures médiatiquement connues et dont les résultats sont insuffisants.

-Développer un écosystème entrepreneurial qui valorise l’innovation et le leadership.

 CONCLUSION

Repenser la problématique du chômage au Sénégal implique une transformation profonde de l’État et de son rôle dans l’économie. Une redéfinition des priorités, une mobilisation des ressources nationales et une volonté politique ferme sont indispensables.

En intégrant l’armée nationale comme pilier d’encadrement opérationnel, en mobilisant la diaspora et en renforçant l’accompagnement des congrégations religieuses, l’État pourrait non seulement mieux mobiliser les jeunes, mais aussi leur offrir des opportunités structurantes. Ce triptyque État-armée-jeunes, enrichi par les contributions de la diaspora et des groupes religieux, représente une vision novatrice pour relever les défis du chômage et bâtir un avenir prospère pour toute une génération.

Magaye Gaye

Economiste