Près d’un an après l’apparition du redoutable virus, des scientifiques ont, en une semaine, gratifié le monde de nouveaux vaccins qui, on l’espère bien, devraient soulager les patients pris dans le piège du coronavirus et les gouvernants aux aguets pour sauver leurs populations et leurs économies. Les multinationales pharmaceutiques se livrent à une véritable course contre-la-montre dans le but de mettre en place le premier vaccin contre la Covid-19. On ne peut que s’en réjouir. L’humanité, dans son entièreté, a souffert des affres de ce virus qui continue de tenir au respect une bonne partie de la planète avec son lot de morts ; les économies peinent à s’accrocher à la locomotive de la relance et l’espoir de voir disparaître ce virus s’effrite du jour au lendemain. Sa vitesse dévastatrice de propagation était telle qu’il fallait mettre les bouchées doubles pour lancer les phases expérimentales en un temps record afin de trouver vite un remède.

Le temps à mettre pour trouver un vaccin a fini par diviser le milieu scientifique. Certains jugent prématurée la trouvaille d’un vaccin. Depuis quelques mois, des industriels pharmaceutiques se sont évertués à trouver une solution à ce virus. Et les dernières nouvelles venues des États-Unis semblent donner des raisons d’espérer. Le 9 novembre dernier, c’est le géant américain Pfizer et son partenaire allemand BioNTech qui annonçaient que leur candidat-vaccin était efficace à plus de 90 %. Quarante-huit heures plus tard, les Russes saisissaient la balle au rebond en annonçant 92 % d’efficacité pour leur vaccin expérimental Spoutnik V. Tel un défi lancé aux autres fabricants, l’autre industriel américain, Moderna, semble ravir la vedette aux deux précédemment cités en affirmant avoir découvert un vaccin efficace à 94%. L’on assiste à une véritable course aux découvertes et à une guerre des chiffres déclenchée par les industriels. Reste maintenant à valider et à homologuer ces vaccins avant leur utilisation pour sauver la planète.

Mais derrière cette valse des chiffres se cachent d’importants enjeux économiques et financiers qui n’ont pas encore livré tous leurs secrets. Nous convenons que la fabrication d’un vaccin nécessite des financements conséquents sur toute la chaîne de valeur. La facture est si salée au point que l’implication des pouvoirs publics devient quasi indispensable. Les projets de coopération développés par les Américains avec certains industriels constituent une illustration. L’on se rappelle la fracassante sortie du directeur général du groupe Sanofi, Paul Hudson, qui déclarait, en mai dernier, en pleine crise sanitaire, que son groupe servirait «en premier» les États-Unis s’il trouvait un vaccin. Cela du fait que ce pays partage le risque des recherches et des investissements injectés. Une sortie qui a mis l’État français dans tous ses états. Avec ce principe, le laboratoire s’inscrit dans une logique de «premiers arrivés sont les mieux servis».

Si l’on se base sur les chiffres du centre de recherche Policy Cures Research publiés en septembre dernier, des investissements publics estimés à 5,4 milliards de dollars ont été décaissés pour soutenir la seule recherche et développement d’un vaccin à l’échelle internationale, dont 2,6 milliards par le gouvernement américain. C’est pour dire que cet exemple est l’arbre qui cache la forêt. Aujourd’hui, toutes les grandes puissances, qu’il s’agisse de la Chine, de l’Europe, bataillent dur pour livrer en premier le vaccin contre la Covid-19. Outre cette étape de production décisive qui s’annonce déjà épicée et rude, la phase de commercialisation risque encore d’être plus coriace au regard de la forte demande qui se pointe à l’horizon et des précommandes des grandes puissances comme les États-Unis. Et l’Afrique dans tout ça ? Certes le pire ne s’est pas produit comme le prévoyaient certains experts fourvoyés dans leurs funestes prédictions, mais notre continent ne doit pas se contenter d’être un simple spectateur.

Que l’on sache que ces vaccins trouvés après moult sacrifices ne seront pas fournis sur un plateau d’argent. Nos États qui ambitionnaient d’en acquérir devront certainement casser leurs tirelires. L’Afrique sera, sans nul doute, un marché juteux pour les firmes pharmaceutiques qui réussiront à mettre en place le premier vaccin validé par les institutions internationales habilitées. À nos Etats de se préparer en conséquence pour ne pas laisser les premières commandes leur passer sous le nez. Les enjeux financiers sont d’autant plus importants autour de la fabrication du vaccin contre la Covid-19 que les annonces faites par les entreprises pharmaceutiques, Pfizer et Moderna, sur l’efficacité de leur vaccin, ont revigoré les marchés (Cac 40, Wall Street) et redonné l’espoir aux investisseurs. En attendant d’avoir un vaccin efficace à 100% (vivement souhaité), les populations devraient garder leur mal en patience. Il faut sauver l’humanité. Pour ce faire, les firmes devront éviter de trop tirer la corde en ne privilégiant pas la recherche de profit sur la commercialisation des vaccins.

Par Abdou DIAW, Journaliste économique