Ce n’est pas la « vague bleue » qu’il escomptait, mais le démocrate Joe Biden est désormais le 46e président des États-Unis, dans une Amérique plus que jamais divisée et après quatre jours d’interminable comptage des bulletins – qui se poursuivent –, dont plus de 100 millions par correspondance. A 77 ans, Joe Biden, l’ancien vice-président de Barack Obama, prendra ses fonctions à la Maison Blanche le 20 janvier prochain.

Joe Biden y est enfin parvenu. Lui qui avait tenté l’aventure et échoué à deux reprises en se présentant aux primaires du Parti démocrate en 1988 puis en 2008 va enfin devenir le locataire de la Maison Blanche. Mais le parcours n’aura pas été simple pour celui qui était donné favori de la primaire démocrate il y a plus d’un an.

Presque hors-course après les premiers caucus et les premières primaires, il a finalement doublé tous ses adversaires et s’est hissé comme le seul à même de renverser Donald Trump, ce qu’il a réussi de justesse.

Du Sénat à la Maison Blanche : une très longue carrière politique

À 77 ans, Joe Biden est un vieux routier de la politique américaine. Il sera réélu six fois au Sénat, trente-six années durant. Parmi les lois les plus connues dont il est à l’origine, une sur les « crimes violents » dans les années 1990, une autre contre les violences domestiques, une troisième sur les narcotrafiquants. Joe Biden grimpera tous les échelons du Sénat dont il a occupé des postes très importants, rappelle Jean-Eric Branaa, auteur de Joe Biden, le 3e mandat de Barack Obama : président de la commission judiciaire au Sénat, président de la prestigieuse commission des affaires étrangères en 2001 et 2006.

Joe Biden ne quittera cette institution que pour devenir en 2008 vice-président de Barack Obama, qui l’a battu lors de la primaire démocrate et qui a besoin d’un « vétéran » à ses côtés. Joe Biden avait déjà tenté sa chance une première fois à la primaire démocrate de 1988, mais il avait dû jeter l’éponge après avoir été accusé de plagiat – un de ses discours ressemblait étrangement à celui prononcé par un travailliste anglais.

Pendant ses deux mandats de vice-président, Joe Biden restera discret face au président Obama, toujours charismatique – un charisme qui lui fait défaut, il est connu pour souvent chercher ses mots. Son amitié, souvent médiatisée, avec le président semble réelle. Barack Obama lui remettra en 2017 la médaille présidentielle de la Liberté, une des deux plus hautes décorations civiles du pays. L’ancien président américain l’accompagnera aussi en personne à ses meetings de campagne comme dans le Michigan, quelques jours avant le scrutin du 3 novembre. C’est là qu’on voit Barack Obama attraper un ballon de basket, dribbler et marquer un panier, sous les applaudissements. La vidéo a été vue plus de 10 millions de fois.

Joe Biden accède enfin au premier poste, mais les regards se tournent déjà vers la vice-présidente Kamala Harris fait remarquer Jean-Eric Branaa, car « si jamais il ne terminait pas le mandat, et vu son âge on a le droit de le penser, ce serait Kamala Harris qui accèderait à la plus haute marche ».

Joe Biden et son origine modeste : séduire la classe ouvrière

Joseph Robinette Biden Jr. est né en 1942 à Scranton, une ville ouvrière de Pennsylvanie, dans une famille catholique irlandaise. Son père est vendeur de voitures. Joe Biden mettra d’ailleurs en avant, bien plus tard, ses origines modestes pour séduire la classe ouvrière qui a en majorité voté Donald Trump en 2016. Enfant, il réussit à vaincre le bégaiement dont il est affligé. La famille déménage ensuite dans le Delaware, où il entre à l’université et étudie l’histoire et les sciences politiques.

Il se marie, devient avocat, puis se tourne vers la politique et à 29 ans, en 1972, est élu une première fois sénateur du Delaware, le plus jeune de l’histoire du pays. C’est à Wilmington qu’il s’installe, une ville ouvrière qui se développe lorsqu’il y arrive avec ses parents.

Lors de sa campagne présidentielle, Joe Biden a rappelé à maintes reprises ses origines modestes pour courtiser les « cols bleus », la classe ouvrière blanche qui s’était sentie délaissée au cours des deux mandats de Barack Obama et qui avait penché pour Donald Trump en 2016. Les plus délaissés et les franges les plus pauvres de la société sont aussi ceux qui ont le plus souffert de la crise du Covid-19, comme il a su le rappeler dans ses discours de campagne, des discours qui ont cette fois davantage séduit qu’il y a quatre ans.

Son empathie, sa bienveillance, une marque politique

Dans un contexte très particulier, pandémie de coronavirus oblige, Joe Biden a su petit à petit prendre de la distance dans les sondages en partie grâce à son empathie. Ces derniers lui prédisaient une victoire facile. Mais la « vague bleue » n’était pas au rendez-vous, et dans certains États, c’est dans un mouchoir de poche qu’il a remporté le scrutin.

La vie du désormais 46e président des États-Unis a toujours été jalonnée d’obstacles et très tôt marquée par les tragédies. En 1972, moins d’un mois après avoir été élu sénateur des États-Unis, sa première femme Neilia et sa fille Naomi sont tuées dans un accident de voiture ; ses deux fils, Bo et Hunter, blessés, en réchappent. Joe Biden se remariera cinq ans plus tard avec celle qui est toujours sa femme, Jill, avec qui il a eu une fille. Mais en 2015, autre drame : son fils Bo, le procureur général du Delaware, meurt d’un cancer du cerveau.

Très affecté, Joe Biden décide de ne pas disputer la primaire démocrate de 2016. Aujourd’hui encore, il cite ces drames personnels dans ses discours. « Cela fait partie de sa stratégie », explique Sonia Dridi dans son livre Joe Biden : le pari de l’Amérique anti-Trump : « On l’a vu ces derniers mois, que ce soit lors de la crise sanitaire ou au lendemain des manifestations et des violences après la mort de George Floyd, il a rappelé ses propres tragédies pour créer un lien avec les Américains, et finalement cela fonctionne très bien, beaucoup l’ont trouvé vrai, il y avait beaucoup d’émotion, c’est vraiment un point fort. »

Joe « le gaffeur » a réussi à s’imposer

« Je suis une machine à gaffes, mais quelle chose merveilleuse par rapport à un gars qui ne peut pas dire la vérité ! » Entendez Donald Trump. Joe Biden a lancé ce cri du cœur en décembre 2018. Il est effectivement un gaffeur en série, avec ses gaffes qu’on surnomme désormais les « bidenisms » comme lorsque lors d’un meeting, il a demandé à un sénateur en fauteuil roulant de se lever, ou quand il a, encore récemment, confondu sur un podium sa femme et sa fille.

L’an dernier, Joe Biden a été accusé par deux femmes de gestes déplacés (un baiser sur la tête sans consentement, un nez frotté contre un autre), et par une de ses anciennes assistantes au Sénat, Tara Reade, de viol. Une accusation que Joe Biden dément formellement, rappelant qu’il est à l’origine d’une loi contre les violences domestiques. Donald Trump le surnomme maintenant, entre autres, « le vicieux ».

Le candidat a également tenu un certain nombre de propos jugés racistes. Il a un jour assimilé des enfants noirs à des enfants pauvres, avant de tenter de se reprendre ; affirmé qu’un Noir n’est pas Noir s’il vote Trump… Des propos qui ont fait scandale, que Joe Biden a lui-même qualifiés de fâcheux et qui, finalement, sont mis sur le compte de ses gaffes. Dans le même ordre d’idée, il avait loué les bonnes relations qu’il entretenait au début de sa carrière avec deux sénateurs ségrégationnistes – lors d’un débat, la sénatrice Kamala Harris, d’origine jamaïcaine et indienne, le lui avait reproché. Mais c’est elle qu’il choisira comme colistière et qui devient désormais la première femme vice-présidente afro-américaine des Etats-Unis.

Finalement, Joseph Robinette Biden Jr., le garçon de Scranton, est parvenu à s’imposer dans un pays très polarisé. Désormais il va devoir gérer une situation très complexe et composer avec un Sénat qui ne lui est pas acquis pour gérer une crise sanitaire et économique sans précédent et un pays plus divisé que jamais après le mandat de Donald Trump.

Rfi.fr