Wall Street a connu, jeudi, le pire krash de son histoire depuis 33 ans, dû au coronavirus. Les bourses africaines, touchées par les effets collatéraux de l’épidémie, ont connu deux « journées noires » cette semaine. Les places financières étroitement connectées aux marchés mondiaux en sont les plus affectées. Outre Johannesburg, Windhoek ou Casablanca, la bourse de Nairobi a suspendu sa séance vendredi après la chute de plus 15% du cours de ses actions, suite à l’annonce d’un premier cas de contamination au COVID-19 dans le pays.

Si l’Afrique est la région du monde la moins contaminée par le coronavirus, l’épidémie désormais déclarée pandémie a des effets collatéraux sur ses marchés financiers. La panique généralisée autour du coronavirus, alimentée notamment par la chute brutale des cours du pétrole, a plongé neuf places financières africaines sur seize dans le rouge. Lundi 9 et jeudi 12 mars ont été deux journées particulièrement sombres, avec des chutes historiques pour certaines bourses.

Johannesburg, en tête, a clôturé la séance de jeudi à -9,72%, plusieurs titres enregistrant leurs plus fortes dégringolades depuis 1997, selon Reuters. La Namibian Stock Exchange, qui lui est corrélée, était à -8,81%. La Bourse de Casablanca, qui enregistrait lundi dernier la plus forte baisse de son histoire, dévissait jeudi à -6,70%. Vendredi 13 mars à 14h38, la Nairobi Stock-Exchange a suspendu sa séance après la chute de plus de 15% des actions cotées, suite à la l’annonce du premier cas de contamination au COVID-19 dans le pays. Au Nigeria, le grand pétrolier africain, la bourse terminait jeudi à -3,72%, tandis que les marchés signalaient des pertes de près de 2 milliards de dollars pour les investisseurs lundi.

Les investisseurs internationaux liquident

Plutôt profondes et plus ou moins matures, ces quelques places financières, contrairement au reste, sont fortement connectées aux marchés mondiaux et très alimentées par les investisseurs internationaux. Ces derniers sont d’ailleurs les premiers à solder des actifs. « On assiste à une vraie panique des investisseurs qui vendent énormément de titres. Et ce sont surtout les investisseurs internationaux qui allègent leurs portefeuilles de titres africains », nous explique Romuald Yonga, analyste financier et CEO d’African Markets, plateforme d’information boursière de référence sur l’Afrique.

Cette semaine a été très moribonde pour les marchés du monde entier. Wall Street a connu jeudi sa pire séance depuis 1987 -avant de rebondir à l’ouverture ce vendredi-, suite à la fermeture des frontières américaines à l’Europe pendant 30 jours, annoncée par Donald Trump. Naturellement, les bourses de Londres, de Paris, de Milan et Madrid y ont mal réagi. En Asie, les marchés poursuivent leurs plongées.

Un contexte défavorable après deux années difficiles

La planète migre peu à peu vers un ralentissement global de la production avec des projets discrets de certaines grandes entreprises de recourir au chômage partiel, l’annulation des événements internationaux, la fermeture des écoles et universités… En Afrique, les entreprises importatrices et exportatrices ressentent déjà les effets de la pandémie. L’Association internationale du transport aérien projette près de 40 milliards de dollars de pertes pour les compagnies aériennes africaines, qui ont presque toutes supprimé leurs liaisons avec la Chine. Les Etats prennent progressivement des mesures pour limiter les entrées européennes. Le Maroc a suspendu ses liaisons maritimes et aériennes avec l’Espagne et la France. Un pays comme le Cameroun exige désormais un « test authentique » de coronavirus dans ses dossiers de demande de visa d’entrée. Tout cela n’augure rien de très bon pour les semaines à venir en ce concerne les marchés financiers, même si la prudence est de mise, selon les experts qui estiment que le problème des marchés africains vient en partie de leur configuration générale.

« Nous sortons globalement de deux années de baisse sur les marchés africains. Il y avait beaucoup d’espoirs pour l’année 2020. Ce qui se passe n’a rien de positif, d’autant que nos marchés financiers ont déjà des problèmes de liquidité, de promotion, nous avons beaucoup d’entreprises africaines qui ne veulent pas entrer en bourse… », analyse Romuald Yonga, estimant que c’est dans ce genre de circonstances que l’importance d’inciter davantage des investisseurs locaux à s’intéresser au marché boursier prend tout son sens. D’autant que les marchés sont encore peu matures pour des spéculations sur titres comme on en voit à New York ou à Londres.

L’Afrique de 2008 n’est pas celle de 2020

Dans une tribune publiée la semaine dernière sur The Conversation, Ahmad Ismail, consultant en recherche, rappelle que l’analyse de l’impact des épidémies virales précédentes sur les marchés financiers fait remarquer que « dans la plupart des cas, les bourses se sont redressées au cours des 12 mois suivant l’épidémie ». Mais même s’il clairement établi que la croissance mondiale prendra un coup cette année en raison du COVID-19, les experts s’accordent pour dire qu’il est difficile de prédire ce qui pourrait se passer sur les marchés financiers. En revanche interviewé par Marianne, Gaël Giraud, économiste et directeur de recherche au CNRS, pense qu’il y a « deux chances sur trois » que la situation de 2008 se reproduise.

En cas de crise, la réalité serait différente pour le Continent, car l’Afrique de 2008 n’est pas celle de 2020. Si l’Afrique a relativement été épargnée de la crise financière mondiale de 2008, il y a douze ans, le Continent n’était pas autant embarqué dans la mondialisation. Il y a douze ans, les places financières africaines n’étaient pas autant connectées aux marchés mondiaux. Il y a douze ans, les bourses africaines n’étaient pas autant suivies par les  investisseurs internationaux .

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