Depuis quelques temps  le secteur de la pêche est sous tous les projecteurs,  il y a eu beaucoup de sorties  allant  dans le sens  des intérêts des uns et des autres selon qu’on est pro ou contre les bateaux étrangers à savoir chinois ou Européens.

Le débat ne se trouve pas à ce niveau, il est beaucoup plus profond que cela car il concerne la ressource, condition sine qua non de la survie du secteur même. Il s’agit de rompre avec les mauvaises pratiques de pêche  et remettre l’acteur national  au cœur du dispositif, en freinant cet accaparement et cette polarisation entre des mains étrangères.

Nous Mareyeurs exportateurs malgré l’injustice que nous subissons depuis 2016 mais  en tant que partie prenante, sans partie pris et citoyens soucieux de notre secteur, d’une pêche responsable et durable souhaitons juste apporter notre opinion en attendant ce conseil présidentiel à venir.

Quand notre catégorie professionnelle travaille c’est tout une économie parallèle qui se crée autour à savoir  l’embauche de journaliers, gargotières, gain pour les manutentionnaires, dockers et transitaires. La nature ayant horreur du vide, depuis l’invalidation de nos cartes professionnelles d’autres personnes  à savoir des vendeurs de pièces détachées auto, operateurs des pays voisins sont venus occuper cet espace.

Toutefois malgré cette situation difficile nous restons des acteurs incontournables dans ce secteur et comptons nous exprimer  à chaque fois que ce sera nécessaire. Le temps de l’alerte est révolu et dépassé. Aujourd’hui c’est le temps de l’engagement, de l’action et de mesures immédiates et suivies d’effets.

Sans rentrer dans les combats de chiffres ou de code la pêche  etc. …. car ce sont des informations accessibles sur le net à toute personne  désireuse de se  documenter.

En tant qu’acteurs avec notre vécu et témoins oculaires nous allons néanmoins dresser très rapidement un tableau sommaire des dix dernières années sur la ressource et  aussi lister les nombreuses réalisations faites par son Excellence Monsieur le Président de la République Macky Sall.

Les réalisations du gouvernement sont multiples a savoir :

-Ports

-Quais de pêches

– Aires de transformation

– Financement  de moteurs

– Renouvellement progressif  des pirogues artisanales en fibres de verre

– Nouveaux marches au Poisson régionaux

– Système de Géolocalisations

Le Sénégal jadis grand pays de pêche avec ses 718km de côte, grand exportateur mondial sera bientôt réduit à importer du poisson pour nourrir sa population .Ce pays avec ses proches voisins, la Mauritanie, Les deux Guinées, bref ces pays situés dans la zone FAO 34 atlantique centre Est font face à une prédation, une surpêche, une exploration éhontée et abusive de leurs ressources halieutiques.

Si on se réfère aux données sur les captures des six dernières années, le constat est sans appel, les captures s’amenuisent d’années en années depuis 2012 à nos jours.

Cette dilapidation des ressources est causée par des bateaux étrangers, européens, russes et chinois qui ne respectent aucune réglementation, ces bateaux usines, véritables monstres des mers ont fini de détruire nos océans.

Et depuis 2020, nous avons les bateaux turcs véritables aspirateurs du petit pélagique, en l’occurrence la sardinelle traditionnellement mamelle nourricière de nos pêcheurs locaux artisanaux.

Nos stocks halieutiques décroissent de manière  accélérée et si on laisse continuer ces pratiques anarchiques les ressources seront épuisées rapidement, d’ailleurs elles le sont déjà.

Il y a trois voire cinq, six ans en arrière pour faire un conteneur de 28 tonnes, il suffisait seulement de 2 jours ; mais depuis 2016 pour certains espèces comme l’ombrine, le capitaine, le Mérou Thiof, ces poissons dits nobles, il  faut deux, voire trois mois pour assurer la collecte pour le conteneur d’un 40 pied.

En ce qui concerne une espèce comme la sardinelle appelée aussi poisson du pauvre, incontournable dans l’alimentation des sénégalais et des populations de notre sous-région Ouest-Africaine la situation est bien pire. Voilà une espèce très demandée à l’exportation mais que les mareyeurs n’arrivent plus à commercialiser à cause de son coût exorbitant. Il y a quelques années  auparavant  la caisse de 50kg s’échangeait entre 1500 et 3000francs Fcfa, désormais la caisse de 50kg s’échange aujourd’hui à 30 000Fcfa.

Aujourd’hui pour sauvegarder le secteur de la pêche et  cette communauté qui gravite autour,   des mesures urgentes et pragmatiques sont nécessaires.

Valoriser les femmes qui sont un maillon important dans cette chaîne de valeur. Elles sont très productrices et deviennent de plus en plus organisées avec leur système d’épargne.  Malheureusement très peu occupent des places d’autorité. Il faut vraiment mettre l’accent sur elles, les sortir de la précarité et de la vulnérabilité .Elles jouent un rôle majeur car elles sont très axées sur l’entraide et plus enclines à la solidarité en ce sens qu’elles sont des régulatrices sociales. De femmes transformatrices,  il est grand temps que nous ayons des femmes Armateurs.

1 – Il faudrait que nos gouvernements  arrivent  à une harmonisation des politiques de pêches en Afrique de l’Ouest et toute cette zone Fao 34  Atlantique Centre est. Ces bateaux étrangers dans  leur  grande majorité sont dans l’illégalité car une fois les accords (si toutefois il y a accord de pêche) et les conventions signés avec les gouvernements concernés font fi de tout, violent toutes les règles établies sur les quotas, les espèces autorisés, les normes  sur les filets  et ceci en toute impunité. 

Cet état de fait est surtout  favorisé par l’incohérence, l’absence de vision et d’harmonisation des politiques de pêche qui font que tous les interdits ici sous nos cieux  sont permis juste à côté chez le pays voisin ou vice versa . Par conséquent ces vides juridiques, ces interstices  qui  existent dans les lois  permettent  à ces flibustiers des temps modernes de passer entre les mailles des filets. 

2 – Intégrer les acteurs dans toutes les étapes de la conception des accords de coopération et c’est sur cet aspect que  nous plaçons beaucoup d’espoir sur les rencontres sous régionales et celles  avec l’Union Européenne, associer toutes les organisations socio professionnelles et les pêcheurs qui sont les points focaux avant toute prise de décision.

3 – Mettre l’accent sur le secteur privé, les acteurs locaux car, dans tous les pays de la zone FAO 34, il y a un transfert des possibilités et des opportunités de travail du secteur de la pêche  aux bateaux étrangers  au détriment des acteurs nationaux ;  et contre toute attente bouleversant de fait la vie et la survie de communautés entières dépendantes de cette activité pour vivre et participer à l’effort économique de leur pays. Mais la fonction la plus importante qu’elle assume c’est celle sociale avec un million à deux  millions d’emplois qui sont aujourd’hui menacés. Ce péril qui pèse aujourd’hui sur ces emplois  risque de créer à terme des bouleversements profonds et irréversibles. 

C’est le  pire scenario qui pourrait arriver au Sénégal,  de laisser faire, d’observer cette spoliation  et de ne plus pouvoir inverser cette  tendance catastrophique va forcément pousser ces jeunes pêcheurs à emprunter les routes dangereuses de l’émigration clandestine avec son corollaire  de tragédie.

L’heure est grave. Le début du bonheur c’est de bien manger.

Le sénégalais arrive  difficilement à manger un « Thiebou Dieun » décent à midi et pour le fameux « Firir » familial du soir  les générations actuelles  ne connaissent pas, parce qu’abonnés  au « Ndambé »,  « Thiacri » et « Fondé » de la crépusculaire gargotière du coin. La rareté de la ressource est d’une flagrance avec comme conséquence la cherté du poisson pour le panier de la ménagère.

4 – Mettre l’accent sur la formation des observateurs à bords des bateaux. Institutionnaliser  leurs corps de métier avec un salaire décent. Leur assurer une couverture sociale ainsi qu’à leurs familles .Ils ne sont dans aucune disposition des conventions de travail, les rendant ainsi vulnérables et exposés aux tentations de la corruption.

5-  Créer un grande Ecole Aquacole à vocation sous régionale, encourager la formation  aux métiers de la mer.

– Initier de nouvelles  formations  afin de trouver des activités occupationnelles en période de repos biologique pour la reconversion des acteurs  du littoral et des gens de la mer. Les gens ne doivent  pas vivre de subsides de l’Etat tout le temps, l’apport de l’Etat est capital mais on devrait cultiver cet accompagnement à l’autonomie.

6- Revenir à l’orthodoxie, imposer aux bateaux en particulier ceux chinois  d’apposer l’appellation  réelle des poissons. L’ arrivée de ces bateaux  chinois a fini  de tout  TRAVESTIR dans le vrai sens étymologique , les poissons  ne portent plus leur appellation d’origine mais sont  numérotés  comme des matricules de bagnards et ceci  dans une anarchie sans nom , là où certains chinois mettent le code 10 d’autres mettent  le chiffre 39, chiffre 54  pour nommer le CHINCHARD (diaye en Wolof) , franchement on y perd son latin.

Et on se demande Monsieur le Président de la République pour le Scientifique  rigoureux que vous êtes ce que vous en  pensez et ce qu’en penseraient tous ces grands scientifiques à l’instar Carl Von Linné   père du Concept de la biodiversité qui a  passé sa vie à répertorier, nommer et classifier plus 6000 espèces végétales et 4400 espèces animales.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum » « la connaissance des choses périt par l’ignorance du nom .

Franchement, il est grand temps de remettre de l’ordre dans cette innovation de faire porter des chiffres aux poissons qui ont des familles et des  appellations bien nomenclaturées de standard international.

7 – Eradiquer le travail des mineurs dans la pêche (c’est lors des accidents et morts de pêcheurs en mer que l’on réalise le jeune âge de ces derniers), Ce qui induirait de facto l’instauration d’un âge minimum pour aller en mer. En finir avec la brèche de St Louis et son lot de mort.

8 – Penser  et prévoir une redistribution juste de ressources dérivées de ces futures exploitations pétrolières qui  à coup sûr mettront en péril  la pêche.

9 – Mettre en place des sites pilotes  pour  transformer sur place certains produits brut et d’en faire de la vrai valeur ajoutée, tout en gardant à l’esprit que ce qui est peut être valable pour Yoff pourrait ne pas l’être  pour Guet Ndar ou Kafountine.  Redynamiser la zone de Foundiougne en implantant du matériel de séchage pour les grosses Captures de crevettes qui y pourrissent tous les ans.

10- Penser à introduire dans les zones insulaires de nouvelles  perspectives comme la PERLICULTURE (introduction du trocha, le nacrier pour l’industrie du luxe. Pour exemple une récolte annuelle de 2300 tonnes de perles peuvent rapporter jusqu’à quinze(15) millions de dollars là où une quantité de 2300 tonnes de chinchard rapporterait un million a deux millions cinq cent mille dollar. Ce secteur à terme  avec un calcul minima pourrait générer  5000 emplois socio –économique (exemple de la Polynésie)

11-  Initier la culture des algues, qui est un produit à forte valeur ajoutée et qui est pressentie comme une alternative incontournable  dans un futur très proche pour nourrir une très grande partie de la population mondiale.

12 – Mettre en place un accord de Partenariat avec la Russie afin d’avoir l’autorisation d’exporter nos produits dans ce grand marche. Ce sont d’énormes débouchés et d’opportunités que nous ratons.  En faisant de notre sardinelle un produit élaboré à forte valeur ajoutée   « la TUSCHKA ».  Se mettre à la norme pour l’agrément  à l’export du poisson fume, que nous sénégalais sommes obligés d’aller produire en Gambie.

13 –  Créer des zones propices à un écosystème favorable à l’éclosion des poissons d’aquarium caractérisés par leurs petites tailles et qui peuvent résister à la captivité. Créneau a fort volet commercial.

14 – En accord avec les scientifiques pratiquer des Immersions régulières de récifs frangeants et de récifs barrières. C’est de notre  responsabilité  et un devoir impérieux d’inverser cette tendance catastrophique de la déperdition de la ressource, de rompre définitivement avec les mauvaises pratiques de surpêche.

15- Installer des chambres froides de conservation sur tous les quais de débarquement pour la conservation du poisson reste invendu.

16-  Recenser et Installer sur toutes les  plages de Plongée sous-marine des cabines de dépressurisation afin de protéger nos vaillants plongeurs des accidents cérébraux. Il faudra d’ailleurs procéder au recensement de tous ses jeunes plongeurs aujourd’hui handicapés cloués dans les divers villages de pêcheurs.

17 – Instaurer une taxe sur la Pêche Hauturière du Thon  à  l’instar de la taxe sur le cacao, appelé prime de revenu décent, si on ne peut revenir sur les accords de Pêche avec L’UE. Les nouveaux accords de pêche  sur le thon et le merlu noir avec l’union Européenne font fureur et fâchent rouge la plupart des Citoyens  et ceci à juste titre. Toutefois dans cette cohue de déclarations tout azimut  il faut informer juste et vrai.

Il n’y aucune  raison d’aller dans les surenchères  populistes, de braquer les populations. Il est important que les uns et les autres puissent discerner le vrai du faux surtout sur le prix  de cette espèce.

18 – Ces nouvelles innovations pourraient  nous aider à faire instaurer des repos biologiques de longues durées plus adaptes avec une efficacité prouvée  pour la reconstitution de la ressource. Et en même temps renouveler le tissu industriel. Là où la Chine avec un milliard trois cent quatre-vingt-dix-huit millions d’habitants, impose un repos biologique allant du 1er Mai à la mi-août, nous avec seize millions d’habitants, nous pouvons souffrir   beaucoup plus pour régénérer notre ressource

19- Prévoir des dédommagements, allouer des dividendes aux communautés de pêcheurs et du littoral impactés par ces activités d’explorations des hydrocarbures. Une caisse de prestation et de sécurité sociale pour les Pêcheurs, assurance de leurs embarcations. C’est tout récemment  avec les découvertes du pétrole et gaz que notre pays entrevoit d’autres sources de revenus.

Toutefois l’arrivée du Covid 19  est venue freiner cet élan et tous les projets adossés  à ces   retombées  tant attendues des revenus du Pétrole sont compromises du moins repoussées.

Pire  cette pandémie a  eu le mérite aussi  de mettre à nu  la fragilité de ces énergies fossiles, jamais le cours du Baril n’est tombé aussi bas, même lors du pic de la crise des surprimes en 2008, on n’avait  vu pareille chute des cours.  La volatilité   de ces énergies fossiles,  qui,  à terme, aurait été  une réelle bouffée d’oxygène pour notre économie doit pousser en repenser notre politique de pêche. 

20 –  Rénover le tissu industriel qui en grande partie est devenu obsolète en introduisant les nouvelles technologies pour la production de produits finis de la mer a l’assiette du consommateur.

21 – Stopper cette prolifération, très néfaste pour la ressource, des unités de farine de poisson qui sont en train d’être érigées partout par les opérateurs économiques étrangers.

22 – Renforcer la surveillance de nos côtes, sanctionner lourdement la Pêche illicite non déclarée, non règlementée.

23 –   Revivifier les mécanismes de partenariat Sud / Sud, en levant le blocus de Rosso qui empêche les camions sénégalais et Mauritaniens de circuler de part et d’autre de la frontière au grand bonheur des transporteurs Marocains qui  sont les seuls à profiter de cette situation.

24 – Convoquer la commission sous régionale des pêche pour afin étudier le cas des affrètements de nos pêcheurs artisanaux en Mauritanie, coordonner cette entreprise dans un cadre légal  afin de ne pas les exposer  et en même temps régler le sort de leurs enfants qui naissent en terre Mauritanienne sans papier devant ainsi  des apatrides.

25 – Et enfin nous prônons, dans le cadre de la formalisation, normalisation et règlementation du secteur  de donner autorisation pour  la création de l’ordre professionnel des Mareyeurs comme il en existe dans d’autres secteurs d’activité. Un ordre qui aura pour mission d’assurer la protection du public ; une organisation à qui l’Etat délègue le pouvoir d’encadrer l’accès et l’exercice d’une profession afin de s’assurer que les actes posés par ses membres sont exécutés de façon compétente et en sécurité pour leur clients.

Si l’on y prend dans un futur garde,  notre Ministère risque d’être rebaptisé ministère de la Mer et de L’Economie Maritime. Il ne restera que l’Economie Maritime  avec les revenus pétroliers et Gaziers. Certes l’argent de ces énergies fossiles coulera à flot mais point de Poisson. Et comme le disait ce grand Guerrier SIOUX Sitting Bull face à l’avidité des Américains. Je cite : Quand ils auront pollué le dernier ruisseau, coupé le dernier arbre et pêché le dernier poisson, ils s’apercevront que l’argent ne se mange pas.

On ne pourrait finir notre propos sans rendre un hommage à deux personnes, nos doyens au Mole 10  qui sont les prototypes achevés du Mareyeur exportateur qui sans être passé par une usine de production à savoir Mr Dame Ba et Mr  Mamadou Seck  sans tambour, ni trompette, ni subvention aucune ont réussi à se hisser haut et à rivaliser avec cette armada de flotte étrangère en acquérant par leur moyen propre des bateaux, malgré la puissance disproportionnée en face. Ceci montre à souhait qu’avec un accompagnement cible, nos acteurs pourraient rivaliser ou surpasser cette armada de flotte sans éthique venue d’ailleurs.

Mme Ramatoulaye Diallo

Présidente Collectif Mareyeurs exportateurs du Senegal

 Par et Pour le nom du Collectif

CMES Mail /mareyexport@gmail.com

tulaye01@gmail.com