Président de l’Association pour le développement de l’énergie en Afrique (Adea), Jean-Pierre Favennec revient sur les principaux projets qui marqueront le développement énergétique du continent.
On a le sentiment que les choses vont très vite en Afrique dans l’énergie. Qu’en est-il réellement ?

Jean-Pierre Favennec : Ça bouge partout, c’est une évidence, en particulier en Afrique du Nord, sur les côtes d’Afrique de l’Ouest et de l’Est, et en Afrique du Sud. Les écarts en termes d’électrification sont parfois encore très importants, mais les choses vont dans le bon sens. Il est d’ailleurs intéressant de constater qu’après avoir nationalisé, on a tendance à revenir à une gestion centralisée de la distribution d’électricité, avec des mini-réseaux pour les régions isolées qui ne peuvent être que difficilement raccordés. Seules les régions à fortes difficultés géopolitiques, comme le Sahel, l’Afrique centrale (RDC, Centrafrique), ou la Somalie, se tiennent à l’écart de ces changements.

Quels effets a la baisse inattendue du prix du pétrole et de gaz ces derniers mois sur les économies africaines ?

J.-P.F. : Ce maintien du baril de pétrole aux alentours de 60/70 dollars a bien sûr un effet plutôt favorable pour les pays importateurs. Cela rend ces sources d’énergie relativement bon marché, ce qui a pour effet positif de ne pas entraver le développement économique de l’Afrique. En revanche, ce niveau bas du prix du pétrole a des conséquences négatives sur les pays africains producteurs de pétrole, qui ne peuvent s’en satisfaire. Cela peut aussi avoir des conséquences sur les investissements dans la mise en exploitation de nouveaux gisements. Surtout, ces prix bas ne sont pas bons pour les énergies renouvelables -car ils les rendent relativement plus chers-, mais si les programmes de développement de ce type d’énergie se montent de plus en plus de manière autonome, notamment en raison de la prise de conscience générale de l’impact des énergies fossiles sur l’environnement.

« Le solaire est devenu très bon marché »

Un baril à 70 dollars condamne-t-il les investissements pétroliers en Afrique ?

J.-P.F. : Non, loin de là. Le feu vert vient ainsi d’être donné à l’exploitation du gisement gazier de Grand Tortue Ahmeyim, à la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie. On parle d’un investissement de plusieurs milliards de dollars sur des dizaines d’années. Au Sénégal encore, l’exploitation du gisement de Sangomar va également être pleinement lancée en 2019. On en espère entre 120 000 et 130 000 barils par jour d’ici quelques années. Mais d’autres pays pourraient voir des projets pétroliers ou gaziers se concrétiser cette année, notamment le Ghana, le Nigeria, ou encore le Mozambique, qui dispose de réserves en gaz naturel absolument énormes. L’Égypte cherche quant à elle à exploiter le pétrole découvert dans le delta du Nil, mais ce n’est pas encore pour demain. En ce qui concerne le pétrole onshore, des projets sont toujours en cours de développement en Ouganda ou au Kenya, auxquels participent notamment Total et des investisseurs chinois. Mais il existe des problèmes liés au tracé du pipeline -débouchera-t-il au Kenya ou en Tanzanie ?-. L’instabilité de la région ne venant pas faciliter les choses.

L’énergie solaire semble, elle aussi, avoir le vent en poupe…

J.-P.F. : C’est vrai. Rien qu’au Sénégal, en deux ans, cinq centrales solaires de 25 MW chacune ont été inaugurées. Le solaire est adapté à la plupart des pays d’Afrique et est devenu très bon marché avec la baisse des équipements. N’oublions pas, toutefois, que des régions comme le golfe de Guinée ne sont pas très propice au solaire. L’éolien se développe également, mais c’est aléatoire. Quant à la géothermie, il faut des conditions particulières, comme la vallée du Rift au Kenya ou encore en Éthiopie.

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