Les experts en sont convaincus depuis plus de 30 ans, mais leur pronostic a tardé à se concrétiser. Depuis la COP21 de Paris, fin 2015, L’Initiative africaine pour les énergies renouvelables s’est engagée avec détermination dans la voie de l’électrification du Continent, avec l’objectif d’installer 300 gigawatts de capacité de production d’énergie décarbonée sur le Continent avant 2030.

C’est une telle évidence que cela devait bien finir par arriver. Avec la chute accélérée des coûts de production de l’électricité photovoltaïque et le lancement de l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables (AREI), l’Afrique a aujourd’hui rejoint le grand mouvement mondial en faveur des énergies décarbonées.

Longtemps en retrait dans cette adaptation aux réalités économiques, environnementales et climatiques, les pays regroupés au sein de l’Union africaine s’engagent avec détermination dans le développement d’unités de production d’énergie solaire, une ressource présentée comme l’avenir du continent noir depuis plus de 30 ans, pour d’évidentes raisons techniques et climatiques.

Cette volonté se lit déjà dans les chiffres. En 2015, pour la première fois, le taux de croissance des capacités de production africaines d’énergies renouvelables a ainsi égalé celui de l’Amérique du Nord (avec +6,3% par rapport à 2014) et dépassé celui de l’Europe, de l’Amérique du Sud et de l’Océanie, qui affichaient respectivement +5,2%, +5,3% et +5,6%, selon les statistiques les plus récentes publiées par l’Agence internationale des énergies renouvelables (Irena).

Pour autant, eu égard à son ensoleillement très favorable, à l’éparpillement de ses structures urbaines et villageoises et aux atouts techniques du solaire photovoltaïque -et thermique- dans ce contexte particulier, l’Afrique est encore très largement sous-équipée en panneaux. Son potentiel est pourtant énorme, avec les effets combinés de cet ensoleillement exceptionnel et des coûts de production en baisse constante.

Selon Adnan Amin, directeur général de l’Irena, ces coûts seraient en effet tombés aux alentours de 1,3 dollar par watt en moyenne sur le Continent, contre 1,8 dollar par watt à l’échelle mondiale. Et ils devraient continuer de baisser, «jusqu’à moins 59% dans les 10 années qui viennent», annonce-t-il, offrant selon lui «une énorme opportunité» à l’Afrique de connecter les quelque 600 à 650 millions d’habitants qui, faute de réseau ou de production locale, ne disposent aujourd’hui d’aucun accès à l’électricité.

80% des besoins peuvent être couverts par le solaire

Une opportunité non seulement énorme, mais aussi cruciale pour tout le Continent, dont le développement entraînera immanquablement une hausse de la demande en énergie. A l’heure où celle produite à partir de sources fossiles n’a plus le vent en poupe, d’autant que son le prix ne redescendra vraisemblablement jamais plus, l’Afrique semble ne plus vouloir tergiverser en matière énergétique, consciente que son avenir reposera forcément sur des sources locales accessibles, peu coûteuses, bas carbone et renouvelables.

Inondé de soleil du nord au sud, le Continent peut-il envisager satisfaire ses besoins uniquement en convertissant ces rayons lumineux en énergie électrique ? Les experts sont à peu près unanimes : pas en totalité avec les technologies actuellement disponibles, qui ne permettent pas encore de stocker suffisamment d’électricité le jour pour faire face à la demande nocturne.

On estime ainsi que le solaire peut couvrir au maximum 80% des besoins annuels dans des conditions optimales. C’est le cas en Afrique, où le taux d’ensoleillement moyen est plus de deux fois supérieur à celui de l’Allemagne, un des pays pourtant les plus mieux équipés au monde en panneaux solaires photovoltaïques et thermiques, c’est-à-dire capables de produire de l’électricité pour les premiers et de l’eau chaude sanitaire pour les seconds. Avec des investissements à la hauteur, les Africains pourraient donc réduire considérablement leur dépendance aux ressources fossiles.

Deux types de production devront a priori être combinés pour cumuler leurs avantages et couvrir, à terme, l’ensemble de la population : de grandes fermes solaires à proximité des centres urbains pour produire de grandes quantités d’électricité à distribuer via les réseaux existants et des unités plus modestes, appelées «mini-grids», pour alimenter les villages isolés avec une électricité produite sur place. C’est déjà le cas actuellement, puisque la quasi-totalité des zones reculées connectées à un réseau dépendant d’une de ces «mini-grids». Sauf que la plupart d’entre elles fonctionnent toujours avec un générateur diesel, qui engendre des coûts de production élevés et soumis aux fluctuations des cours du pétrole.

Objectif : 70 gigawatts de puissance installée d’ici à 2030

Les perspectives de développement des réseaux locaux et des fermes solaires semblent aujourd’hui vertigineuses, mais difficiles à chiffrer précisément. L’Irena estime que le Continent pourrait installer des capacités de production supérieures à 70 gigawatts en photovoltaïque d’ici 2030, avec d’un côté les Etats et les grands groupes internationaux pour les investissements de type industriel, et de l’autre des opérateurs locaux pour faire tourner les mini-grids.

Dans un premier temps au moins, ces dernières combineront panneaux solaires et générateurs à combustible pour assurer la continuité du service H24. Jusqu’au moment où les technologies de stockage auront suffisamment progressé pour s’affranchir des problèmes liés à l’intermittence des sources renouvelables -le solaire ne fonctionne pas la nuit et l’éolien ne tourne pas sans vent. Pour gagner son pari, l’Afrique sait qu’elle devra aussi former assez de techniciens qualifiés pour opérer ces réseaux et assurer leur maintenance.
L’évidence se concrétise enfin : entre l’Afrique et le soleil, le courant passe de mieux en mieux.
(Source : https://afrique.latribune.fr)