La capitale du Niger a abrité ce mercredi 20 juin, une réunion de haut niveau des ministres en charge des transports des pays membres de l’UEMOA, du G5 Sahel et du Nigéria. Au centre de la rencontre de Niamey, identifier les projets structurants en matière d’infrastructures ferroviaires et adopter une position harmonisée de la sous-région en prélude au prochain Forum Chine-Afrique prévu en septembre prochain à Beijing. En ligne de mire, les investissements chinois pour impulser une nouvelle dynamique à l’intégration économique.

L’Afrique de l’Ouest prend exemple sur les communautés économiques régionales d’Afrique australe et de l’Est afin de booster son processus d’intégration à travers des initiatives communes destinées à promouvoir des projets d’infrastructures communes notamment pour ce qui est du transport ferroviaire. C’est dans ce cadre que s’inscrit le conclave, qui s’est tenu ce mercredi 20 juin à Niamey, des ministres en charge des transports de l’UEMOA, du G5 Sahel et du Nigéria avec comme principal menu, l’identification d’un commun accord, d’une liste de projets ferroviaires structurants qui seront soumis aux investisseurs chinois, à l’occasion du Forum de coopération Chine-Afrique (FOCAC), prévue en septembre 2018 à Beijing.

La rencontre de Niamey a été précédée par celle des experts qui a duré deux journées et qui a permis de baliser la feuille de route qui sera validée par les ministres des Transports et par la suite par les chefs d’Etat de la sous-région. Au préalable, les experts ont établi donc un diagnostic succinct de la situation économique ainsi que l’évolution et les enjeux du processus d’intégration entamée depuis des années. Il en est ressorti que l’Afrique de l’Ouest souffre d’un déficit criant en matière d’infrastructures, notamment ferroviaires malgré quelques initiatives lancées par certains pays, mais qui peinent à répondre aux besoins en raison particulièrement du manque d’investissements conséquents, et cela malgré le potentiel pour le développement des échanges commerciaux.

« Notre sous-région souffre d’une faible diversification des échanges, lesquels se limitent à un nombre réduit de denrées de faible valeur ajoutée dans les secteurs agricoles et des matières premières » a reconnu d’ailleurs le ministre des Transports du Niger, Karidjio Mamadou pour qui « cette spécialisation rend nos économies particulièrement vulnérables aux conditions climatiques et aux variations des cours internationaux ». Cependant, a-t-il ajouté, « cette difficulté d’intégration est surtout le fait de la faiblesse des infrastructures de nos pays qui grève les coûts de transport et constitue un obstacle aux échanges souvent plus important que ne le sont les seules barrières, tarifaires ou non, des pays importateurs ». Comme c’est bien connu, la construction de lignes de chemin de fer nécessite, en plus des investissements, un savoir-faire qui doit découler d’un apprentissage continu, a poursuivi le ministre des transports nigérien, mettant ainsi en exergue le cœur de la vraie problématique qui se pose aux pays de la sous-région.
«Le contexte économique et financier des Etats, pris individuellement, n’est pas favorable pour une prise en charge des investissements considérables que requiert la réalisation de ces projets. C’est ce qui oblige les Etats à harmoniser leurs positions et chercher ensemble les investisseurs pouvant financer leurs projets ferroviaires structurants. Le Forum Chine-Afrique qui aura lieu en septembre 2018 à Beijing sera très certainement une opportunité qui s’offrira à nos Etats pour solliciter l’appui d’un partenaire stratégique ayant une expérience avérée en la matière, j’ai nommé la République Populaire de Chine», a souligné Karidjio Mamadou.

La Boucle ferroviaire et le Trans-sahélien proposés aux Chinois

Au prochain FOCAC au cours duquel a Chine va annoncer de nouveaux investissements en faveur de l’Afrique comme c’est le cas lors de la dernière édition de Johannesburg ou une enveloppe de 60 milliards de dollars a été annoncée par le président Xi Xiping, l’Afrique de l’Ouest a identifié deux projets majeurs. Il s’agit de la Boucle ferroviaire Abidjan- Ouagadougou-Niamey-Cotonou et du «Trans-sahélien» Nouakchott-Bamako- Ouagadougou-Niamey-N’Djamena. Le premier chantier, la «boucle ferroviaire», qui constitue une priorité de l’UEMOA depuis des années, est déjà à un stade avancé malgré les déboires qu’il a connus notamment avec le contentieux qui a émergé entre le groupe Bolloré, qui a entamé des travaux notamment au Niger avant de les suspendre ainsi que les sociétés Pétrolin et Africarail.
La réalisation de la boucle ferroviaire est actuellement suspendue et le dossier pendant devant différentes juridictions, mais selon les intentions convenues entre les chefs d’Etat du Niger, Issoufou Mahamadou et son homologue du Bénin, Patrice Talon, la poursuite des travaux sera désormais confiée aux investisseurs chinois qui ont déjà manifesté leurs intérêts. C’est aussi le cas au Nigéria où les entreprises chinoises ont bénéficié de plusieurs marchés de réalisation de ligne de chemin de fer dont certains sont déjà opérationnels et récemment, le président Muhammadu Buhari, a fait part de sa volonté d’étendre ce maillage avec ces voisins notamment le Niger.

Le projet du «Transsahélien» qui est porté par les pays du G5 Sahel est une nouvelle initiative qui sera présentée lors du FOCAC et qui permettra également de relier l’Afrique de l’Ouest à l’Afrique centrale et australe et ainsi assurer la jonction avec les autres infrastructures du même genre déjà mises en en œuvre dans ces espaces économiques par des opérateurs chinois comme c’est le cas avec le chemin de fer Djibouti-Ethiopie ou celui qui relie l’Ouganda au Kenya. In fine, l’objectif est d’intégrer la sous-région avec les autres communautés économiques régionales du continent afin de favoriser les échanges et booster l’intégration continentale dans la droite ligne de l’initiative «One road, one belt (OBOR)» ou la «nouvelle route de la soie» de la Chine. L’Empire du Milieu a d’ailleurs fait part de ses ambitions de relier les grandes villes africaines par un maillage de lignes ferroviaires et un mémorandum d’entente a été déjà signé en ce sens avec l’Union africaine (UA).
Avec cette stratégie d’ensemble, les pays de l’UEMOA, du G5 Sahel et le Nigéria entendent ainsi séduire les investisseurs chinois lors du prochain FOCAC et relever le défi des financements, seule alternative pour parvenir à réaliser ces infrastructures dont leurs économies ont cruellement besoin pour accompagner leur dynamique de développement.
(Source : https://afrique.latribune.fr)