A Niamey où il a pris part à la réunion des ministres des Finances de la Zone franc, le ministre français de l’Economie et des finances a évoqué la question du franc CFA avec le président Issoufou Mahamadou. Bruno Le Maire a de nouveau réitéré la totale disponibilité de la France à reformer la monnaie commune, à condition que les Etats membres en initient des propositions. De quoi raviver et amplifier la polémique sur le Fcfa et engendrer des inquiétudes sur l’avènement d’une monnaie unique de la CEDEAO en 2020 que défend justement le président nigérien.
Les dirigeants des pays membres de la Zone franc sont encore une fois mis dos au mur par un haut responsable français sur la question du franc CFA. En marge de son déplacement à Niamey où il a assisté, le jeudi 26 mars, à la réunion des ministres des Finances de la Zone Franc, le ministre français de l’Economie et des finances a encore une fois jeté le pavé dans la mare.

Au sortir d’un entretien avec le président nigérien Mahamadou Issoufou, Bruno Le Maire a fait savoir qu’ils ont évoqué le sujet sensible du franc CFA. Selon les déclarations à la presse du ministre français, il a fait part au président nigérien de la satisfaction des ministres des finances de la zone franc. « Tous réaffirment leur attachement à cette zone Franc en disant des choses très simples, c’est un moyen de la stabilité, de lutter contre l’inflation » a défendu Bruno Le Maire, ajoutant que « La zone franc permet également un développement économique dans les meilleures conditions possibles », a indiqué Bruno Le Maire.

« Je lui ai dit [le président Issoufou, NDLR] que c’était aux pays membres de nous faire des propositions, et que c’est eux qui décideraient. Nous sommes totalement ouverts à une réforme en profondeur de la zone franc, mais c’est aux Etats membres de faire des propositions, et c’est à eux aussi de décider », a rapporté Bruno Le Maire, le ministre français de l’Economie et des finances.

La balle dans le camp des Etats de la zone Franc CFA
Le ministre français a ajouté qu’avec le franc CFA, « c’est la stabilité pour les pays africains membres, un moyen de lutter contre l’inflation et une zone qui permet un développement économique dans de bonnes conditions ». Toutefois, «la France est ouverte à une réforme de cette zone mais c’est aux États membres de décider », a-t-il réitéré.

Ce n’est pas la première fois qu’un haut responsable politique français renvoie la balle dans le camp des Etats membres de la Zone franc sur cette question du franc CFA qui attise la polémique ces derniers mois. A quelques semaines de la fin de son séjour à l’Elysée, l’ancien président français, François Hollande, avait déjà fait entendre que la décision de sortir ou de rester dans l’espace monétaire commun incombe aux dirigeants de la Zone franc.

Les déclarations du ministre français ont de nouveau amplifié la polémique car le président Issoufou, son interlocuteur du jour, est le chef de file de la Task force de la CEDEAO pour la création d’une monnaie unique à l’horizon 2020. A moins de deux ans de l’échéance, le sujet n’a pas été particulièrement évoqué, ni au cours de l’entretien, et moins encore lors des travaux de la réunion des ministres des finances de la Zone franc.

Inquiétudes sur la monnaie unique de la CEDEAO
En plus de la polémique sur le franc CFA, la rencontre de Niamey a amplifié les doutes sur l’effectivité de la monnaie unique de la CEDEAO en 2020. Le ministre français a affirmé avoir échangé avec le président Issoufou sur « une réforme en profondeur de la zone franc », et dans le communiqué final ayant sanctionné la réunion des ministres des finances, il n’en a été nullement question des perspectives pour la monnaie ouest-africaine. Au contraire, les ministres des Finances, les présidents des institutions régionales et les gouverneurs des banques centrales ont plutôt tenu à réaffirmer, « l’importance des mécanismes et institutions de la Zone franc pour la stabilité et le développement des économies de la Zone ».

Dans le communiqué final, ils ont également réitéré leur volonté « de continuer à faire de la Zone franc un espace de coordination active des politiques publiques, en lien avec les principaux bailleurs et institutions ».

« Dans un contexte économique marqué par une reprise de la croissance à l’échelle du continent africain, ils ont réaffirmé leur engagement d’œuvrer pour le développement de la Zone franc et de mettre en œuvre des politiques économiques soutenables axées sur la diversification économique et le renforcement de la mobilisation des ressources domestiques », détaille le communiqué final ayant sanctionné la réunion des ministres des finances de la Zone franc.

Des décisions qui sont aux antipodes de ce que l’opinion, principalement dans les pays concernés (UEMOA, CEMAC et Comores), attendent par rapport à la problématique récurrente du France CFA, qui à l’évidence et selon la position des officiels, a encore de beaux jours devant elle.
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