C’était l’un des dossiers les plus chauds de la Banque africaine de développement (BAD) ces deux dernières années. Finalement, les 80 pays membres réunis pour la cinquième session extraordinaire du conseil des gouverneurs ont approuvé ce 31 octobre l’augmentation de 125% du capital général de la BAD, passant ainsi de 93 milliards à 208 milliards de dollars. Cet argent servira à financer les objectifs de développement du Continent.

« Nous n’avons que 10 ans avant l’échéance des ODD [Objectifs de développement durable en 2030, ndlr]. Nous ne pouvons pas accepter que l’Afrique n’atteigne pas ses objectifs », a martelé Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement (BAD) en conférence de presse jeudi soir à Abidjan. C’est cette urgence qui justifie, a-t-il souligné, le timing de la septième opération d’augmentation du capital de la BAD. Réuni en session extraordinaire ce 31 octobre, le conseil des gouverneurs a en effet approuvé une augmentation de 125% du capital général, passant ainsi de 93 milliards de dollars à 208 milliards de dollars, soit 115 milliards de dollars supplémentaires. La plus importante augmentation de capital de toute l’histoire de la BAD.

« C’est un moment historique pour une décision historique. […] L’augmentation générale du capital se répercutera dans le monde entier. Cela nous aidera à faire un grand pas en avant pour l’Afrique », a déclaré Akinwumi Adesina, président de la BAD.

Après deux ans de pourparlers
Cette décision est l’aboutissement de deux longues années de pourparlers entre Rome (Italie), Washington (Etats-Unis), Malabo (Guinée équatoriale) et Charm el-Cheikh (Egypte). L’objectif de départ était de doubler la capacité financière de la BAD afin qu’elle puisse davantage appuyer le développement des économies africaines. A Abidjan, les 80 pays membres de l’institution se sont retrouvés pour décider. Il a été révélé qu’un pays comme le Canada a apporté 1,1 milliard de dollars supplémentaires, tandis que la Suède en a misé 500 millions de dollars supplémentaires.

Le Chef de l’Etat ivoirien Alassane Ouattara, présidant la cérémonie de lancement des travaux à huit clos du conseil des gouverneurs, a insisté sur le rôle qu’une institution telle que la BAD joue dans l’essor économique et social du Continent, dans un contexte de « défis d’ordre économique, sécuritaire et climatique ».

« L’une des clés du succès de ces ambitions légitimes réside dans la capacité des pays africains à mobiliser des ressources financières suffisantes et à les utiliser de façon efficiente pour réaliser la transformation structurelle de nos économies, et mettre en place les conditions d’une croissance durable et inclusive. » Alassane Ouattara.

La BAD estime que toutes les parties prenantes du développement du Continent -institutions, Etats, secteurs privés…- devraient « accélérer » leur action en vue de concrétiser non seulement l’agenda 2030 des Nations Unies, mais aussi l’agenda 2063 de l’Union africaine (UA). Pour rappel, l’action de la BAD est structurée autour de cinq priorités : électrifier, nourrir, industrialiser, intégrer l’Afrique et améliorer la qualité des vies des populations. « Si nous arrivons à concrétiser ces cinq priorités, l’Afrique aura réalisé 90% des ODD et 90% de l’agenda 2063. D’où l’importance de disposer des moyens nécessaires », a fait remarquer Adesina.

La BAD s’attend, par ailleurs, à ce que l’augmentation de son capital conforte son rating AAA, lui conférant « une plus grande stabilité dans les années venir », pour remplir aisément sa mission. « La Banque aura plus de ressources que jamais auparavant. Nous aurons ainsi la possibilité de réaliser de plus grands projets », a souligné Adesina.

Des fonds pour des projets transformateurs
Les 115 milliards de dollars mobilisés auprès des actionnaires de la BAD seront déployés au fur et à mesure à partir de 2020, selon les précisions de Bajabulile Swazi Tshabalala, vice-présidente pour la Finance et directeur des finances. La BAD a déjà identifié des projets clé qui bénéficieront de ses nouveaux fonds propres, notamment l’Initiative Desert to Power qui, promise pour être la plus grande zone solaire au monde, permettra à 250 millions de personnes dans le Sahel d’accéder à l’énergie.

Tous les grands projets, notamment infrastructuraux et agro-industriels qui permettront également une implémentation facilitée et efficace de zone de libre-échange continental (Zlec), sont une priorité, Akinwumi Adesina a notamment cité l’autoroute Lagos-Abidjan. La BAD s’engage également à « aider les pays à créer des zones spéciales de transformation agro-industrielle qui transforment et ajoutent de la valeur aux produits agricoles ».

La Banque entend également doubler sa mise pour le financement climatique à 25 milliards de dollars d’ici 2025. L’autonomisation des femmes constitue également une priorité. Ainsi, 3 milliards de dollars supplémentaires seront consacrés à la mise en œuvre de l’Action financière positive pour les femmes en Afrique (AFAWA).

Accent sur le secteur privé
De plus en plus, la BAD insiste sur la nécessité de propulser le secteur privé et favoriser la construction d’environnement des affaires propices à l’affluence des entreprises et investisseurs. Ainsi, la Banque entend davantage accompagner les PME africaines, particulièrement celles versées dans la technologie et les petites et moyennes industries (PMI). « Nous ne pouvons pas continuer à exporter les matières premières. Nous devons développer des chaines de valeur. L’expérience a montré que les pays qui ne font qu’exporter les matières premières sont soumis à la volatilité des prix et finissent par s’appauvrir. Or ceux qui s’orientent vers la transformation s’enrichissent », a remarqué Adesina, soulignant « l’exemple » de la Côte d’Ivoire et du Ghana qui porte désormais cette ambition pour leur cacao.

Pour davantage engager le secteur privé dans l’essor du Continent, la BAD a lancé l’année dernière le Forum pour l’investissement en Afrique. La seconde édition se tiendra du 11 au 13 novembre prochain à Johannesburg, en Afrique du Sud. Et la Banque compte sur cette plateforme pour davantage fédérer les secteurs privés d’Afrique et d’ailleurs autour des objectifs de développement du Continent.

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