Mercosur, Caricom, Comesa ou encore Laia, l’on trouverait ces sigles presque poétiques s’ils ne revêtaient pas une dimension économique si critique, bien au-delà de la dimension symbolique d’avoir souhaité abolir des barrières, physiques et immatérielles, politiques et économiques, au service du bien commun et du développement d’une région du monde.

Derrière ces exemples profondément différents dans l’esprit comme dans la lettre, un fil conducteur cependant : celui de la recherche d’un impact économique positif et durable.

L’intégration régionale comme moteur de développement économique

250 milliards d’euros! Le PIB de la Malaisie en 2017? Certes. Mais aussi et surtout l’impact économique estimé de l’intégration régionale européenne en termes de croissance endogène du PIB de 1995 à 2015, suite à l’instauration du Marché Unique. Ex-ante ou ex-post, les études sur l’impact de l’intégration régionale européenne dans l’accélération de la croissance du PIB/habitant des pays concernés sont unanimes avec une estimation d’au moins 3,6 millions emplois créés et une augmentation du pouvoir d’achat moyen de 600 euros par an et par famille.

Plus près de notre CEDEAO, la recherche a été prolifique ces dernières années sur les liens entre intégration régionale et croissance économique. Corrélation ou causalité? Les deux sans doute, tant les exemples de réussites probantes sont légion, malgré une hétérogénéité en termes d’impact pour les pays concernés. En Afrique de l’Est, la corrélation est également significativement positive entre intégration régionale au sein de la Communauté d’Afrique de l’Est et croissance du PIB de la zone entre 1977 et 2014. En Afrique Centrale, l’impact de l’intégration régionale en termes de croissance pour les pays membres de la Communauté Économique des États d’Afrique Centrale explique, à long terme, près de 17% de la croissance du PIB de la zone.

Pour autant, le processus d’intégration régionale est loin d’être parachevé dans toutes ces régions du monde. Même au sein du modèle européen, pourtant faisant figure de référence en termes d’impact, il est estimé qu’une intégration plus aboutie pourrait générer près de 75 milliards d’euros supplémentaires de PIB. Dès lors, comment allez plus vite dans la convergence sans attendre les politiques?

Le numérique, levier puissant d’intégration régionale réussie
Depuis quelques années, le numérique en général et le commerce électronique transfrontalier en particulier, apparaissent comme des moyens efficaces de contourner la fragmentation des marchés nationaux tout en accélérant la diversification économique. Pour preuve, ce secteur représentait en 2015 près de 74 milliards de dollars en Europe de l’Ouest sur un marché estimé à près de 369 milliards de dollars sur la même période.
Selon Eurostat, 37% des internautes européens ont réalisé un achat en ligne en provenance d’un autre pays européen en 2017 (vs 25% en 2012).
Sur le plan mondial, les chiffres sont éloquents avec un marché du commerce électronique transfrontalier mondial estimé à plus de 1000 milliards de dollars d’ici 2020, d’après Accenture & Alibaba. Dès lors, l’enjeu de voir l’Afrique en général et la CEDEAO en particulier accélérer son intégration dans les chaînes de valeur mondiales s’avère crucial.
Pourtant, la CNUCED estimait en 2013 la part du commerce intra-régional en Afrique à 12% soit 5 fois moins que l’Europe avec une moyenne à 60%. C’est dire la taille du défi qui nous attend, ou en entrepreneure forcenée, la magnitude de l’opportunité qui s’offre à nous!
Mais alors, suffit-il de sentir les délicieuses effluves de la marmite de son voisin pour se sentir repu? Certainement pas. Et au-delà des bonnes pratiques d’intégration régionale voire de convergence dans le reste du monde, il s’agira de faire preuve d’une volonté politique encore plus affirmée afin de refonder notre vision, entre ambition et pragmatisme, redéfinir un plan concret jalonné de réalisations intermédiaires et enfin délivrer les résultats escomptés au premier rang desquels, la croissance du PIB/habitant.

La CEDEAO au carrefour de l’histoire : transformer ce défi colossal en opportunité ?

Pour autant, il serait réducteur de transposer tels quels des modèles d’intégration tiers, aussi réussis soient-ils, afin d’adresser les nombreuses spécificités ouest-africaines. D’autant plus que la CEDEAO, à l’échelle du continent Africain, a souvent été citée en exemple de volonté d’intégration et de progrès, même nuancé, de cet agenda. En termes d’approche : au-delà des modèles « traditionnels » d’intégration politique et économique, il s’agit également de s’interroger sur des modèles de convergence alternatifs ou complémentaires en consolidant des filières communes (ex: agricoles, industrielles…) ou encore en structurant des écosystèmes, physiques et digitaux, favorables à l’émergence de fleurons africains.

En termes de degré : des zones de libre-échanges à l’harmonisation des politiques économiques en passant par l’intégration douanière et la mobilité des biens, personnes, services et capitaux, les chantiers sont colossaux. Certains sont avancés; d’autres piétinent et tous doivent accélérer devant le sentiment d’urgence créé par l’essor rapide du commerce transfrontalier mondial. En termes de priorités, les infrastructures, l’énergie ou l’emploi génèrent le consensus et ont été les grands bénéficiaires de l’intégration régionale européenne; il conviendra également d’adresser rapidement le commerce physique et digital ou encore le tourisme.

L’Afrique étant le continent du leapfrog par excellence, ce véritable saut quantique technologique en particulier lié à l’essor du mobile, il nous appartient, dès lors, d’écrire les pages d’une intégration régionale accélérée et facilitée grâce au numérique, plus convergente et plus inclusive.

Et s’il fallait commencer demain? A défaut d’intégration, davantage de coopération avec le mérite de ne pas l’appréhender comme une contrainte, une externalité, quelque chose d’imposé mais comme quelque chose de souhaitable et souhaité, dans une démarche ambitieuse et volontaire.

Et s’il fallait rêver plus loin? Que les gains liés à l’intégration économique régionale surpassent voire se substituent à l’aide internationale : n’est-ce pas là, finalement, la plus belle des souverainetés ?
Et s’il fallait apporter une pierre personnelle à cet édifice? Sans doute contribuer, avec patience et humilité, à proposer à nos talentueuses PMEs africaines un meilleur accès au marché sur notre continent et en dehors, grâce au numérique. Défi accepté.
(Source : https://afrique.latribune.fr)