Depuis fin 2019, le prix du palladium grimpe à des niveaux records, atteignant même 2100 dollars l’once en ce début d’année, alors que des règles plus strictes en matière de qualité de l’air stimulent la demande pour le métal utilisé dans les dispositifs antipollution des véhicules. S’il est encore loin des standards auxquels se négocie le rhodium (le plus cher des métaux précieux), le palladium est désormais plus cher que l’or. Alors que des risques de pénurie pèsent sur le marché, l’Afrique du Sud, un des principaux producteurs au même titre que la Russie, est sous les feux des projecteurs, car elle influe sur le sort du métal, à bien des égards.

Un marché en déficit depuis plusieurs années

En ce début d’année 2020, les tensions entre les Etats-Unis et l’Iran ont fait passer un nouveau cap au prix du palladium. Si cette crise, qui a démarré par l’assassinat du général iranien Qassem Soleimani, a participé à la flambée du prix des métaux précieux, pour le palladium, la tendance a commencé bien avant.

1Palladium

L’Afrique du Sud et la Russie monopolisent à elles seules près de 80% de la production mondiale.

En décembre 2019, dans son irrésistible ascension, le prix du palladium atteignait déjà un palier jamais franchi par l’or. Après 15 jours consécutifs de hausse, il a grimpé à 1933,66 dollars l’once. A l’origine de ce nouveau pic, une fermeture de 24h des mines sud-africaines, en raison de pénuries d’électricité. Les difficultés de la compagnie énergétique sud-africaine, Eskom, l’ont poussée à rationner l’approvisionnement en électricité dans tout le pays.

Après 15 jours consécutifs de hausse, il a grimpé à 1933,66 dollars l’once. A l’origine de ce nouveau pic, une fermeture de 24h des mines sud-africaines, en raison de pénuries d’électricité.

Sur le marché international, les spéculateurs n’en attendaient pas moins. Pour un métal aussi rare que le palladium, sur lequel pèsent des risques de pénuries, chaque menace sur l’offre sud-africaine fait monter les prix.

En effet, l’Afrique du Sud est le deuxième producteur mondial de palladium. Selon les données de statista.com, la nation arc-en-ciel et la Russie monopolisent à elles seules près de 80% de la production mondiale. La Russie a produit, en 2018, 85 tonnes contre 68 tonnes pour l’Afrique du Sud, alors que l’offre mondiale est estimée à 210 tonnes. D’autres pays comme les Etats-Unis, le Canada ou encore le Zimbabwe produisent également du palladium, mais à petite échelle.

La Russie a produit, en 2018, 85 tonnes contre 68 tonnes pour l’Afrique du Sud, alors que l’offre mondiale est estimée à 210 tonnes.

Si les producteurs sont peu nombreux, la demande, elle, ne cesse d’augmenter. Répartie entre la Chine (26%), l’Amérique du Nord (24,6%), l’Europe (19,9%), le Japon (10%) et 19,5% pour le reste du monde, elle est principalement portée par le secteur de l’automobile. Le palladium est en effet utilisé dans la production des pots catalytiques des voitures à essence.

« Près de 80% de la demande provient de ce secteur […]. C’est un métal qui résiste relativement bien à la chaleur, qui ralentit la rouille et qui profite des nouvelles normes antipollution en Chine, mais aussi en Europe. Il y a aussi le basculement actuel du parc automobile du diesel à l’essence », explique l’économiste Erik Joly à RTBF.

Cela fait ainsi huit années consécutives que la demande de palladium dépasse l’offre. D’après l’analyste financier Sergueï Denissov, ce déficit, actuellement de 600 000 à 800 000 onces, devrait s’aggraver au cours des deux années à venir et continuera de favoriser la hausse des cours.

De nouvelles mines en Afrique du Sud pour répondre au déficit à court terme…

Etudier la faisabilité d’un développement à une échelle plus réduite pour pouvoir faire entrer rapidement la mine sud-africaine Platreef en production, telle est la substance de la réaction, cette semaine, de l’homme d’affaires Robert Friedland, patron de la société canadienne Ivanhoe Mines, au nouveau pic atteint par le palladium.

2Robert Friedland

Robert Friedland a décidé de parier sur le palladium sud-africain.

Sa compagnie travaille sur le projet Platreef depuis plusieurs années et il était prévu que la mine entre en production en 2022. Elle est encouragée dans ses plans par les prix en hausse du rhodium, autre ressource du projet. Selon les estimations actuelles, le projet de métaux du groupe du platine Platreef héberge 26,8 millions d’onces de ressources indiquées de palladium et 43 millions d’onces de ressources inférées.

«Bien que de nombreux investisseurs se concentrent sur l’or, le palladium a été de loin le métal précieux le plus performant au cours des dernières années. La forte appréciation, depuis 2016, du prix du panier de métaux que produira Platreef lorsque les activités commerciales commenceront, est encourageante», s’est réjoui M. Friedland.

«Bien que de nombreux investisseurs se concentrent sur l’or, le palladium a été de loin le métal précieux le plus performant au cours des dernières années.»

Et Ivanhoe Mines n’est pas la seule compagnie qui cherche à contester le monopole (plus de 40% de l’offre mondiale) que détient la société russe Norilsk Nickel sur le marché du palladium. Le plus grand projet annoncé pour accroître le niveau de l’offre mondiale dans les prochaines années se trouve également en Afrique du Sud. Il s’agit du projet Waterberg géré par une coentreprise composée de Platinum Group Metals, Japan Oil, Gas and Metals National Corporation (JOGMEC), Hanwa, Mnombo Wethu Consultants et Impala Platinum.

3Waterberg

Le projet Waterberg hébergerait des ressources de palladium, platine, or et rhodium, exploitables sur 45 ans.

Selon l’étude de faisabilité publiée en septembre 2019, le projet Waterberg hébergerait des ressources de palladium, platine, or et rhodium (4E), exploitables sur 45 ans. En termes de proportion, le palladium est la principale ressource de ce projet, qui devrait livrer annuellement 420 000 onces de 4E.

Si ces mines entrent en production, elles augmenteront indéniablement le niveau de l’offre. Mais la question qui se pose est de savoir si leur apport sera suffisant pour renverser la tendance actuelle du marché et, ce, sur la durée.

Trouver des alternatives moins coûteuses au palladium

Certains analystes le craignent, le palladium tend peut-être vers sa fin. Si les mines en production étaient déjà peu nombreuses, les nouveaux projets le sont tout autant. Alors que les prix continueront certainement de monter durant le reste de l’année, l’industrie automobile pourrait commencer par chercher des alternatives.

«Les constructeurs automobiles commencent à envisager la substitution. Cela prendra probablement encore 12 à 18 mois. Plus vite ils feront la substitution, ou remettront les catalyseurs en place, plus vite le rallye [des prix, NDLR] s’achèvera», explique Michael Widmer, analyste à la Bank of America, au Financial Times.

«Les constructeurs automobiles commencent à envisager la substitution. Cela prendra probablement encore 12 à 18 mois. Plus vite ils feront la substitution, ou remettront les catalyseurs en place, plus vite le rallye [des prix, NDLR] s’achèvera»

La donne n’est pas simple. La principale solution de rechange évoquée est le métal frère, le platine.

4pot catalyseur

A terme, le platine pourrait remplacer le palladium dans les pots catalytiques.

Il se négocie beaucoup moins cher actuellement, et comme le palladium, il peut jouer le rôle de catalyseur automobile et de purificateur d’émissions. Il est utilisé dans les moteurs diesel, tandis que le palladium fonctionne mieux pour les voitures à essence. Le platine ne serait une alternative crédible que si les progrès technologiques lui permettent d’égaler l’efficacité du palladium, et pour cela, il faut du temps et des dépenses.

Une chose est certaine, si le platine remplaçait un jour le palladium, l’Afrique du Sud serait encore une fois bien positionnée. Le pays héberge 80% des réserves de platine restantes sur terre, selon le site Planetoscope.com. Il contribuerait avec la Russie pour 90% de la production mondiale. A tous les égards, le destin du palladium est lié à celui de la Nation arc-en-ciel.

Source: Ecofin