Le marché sénégalais des transferts d’argent est, depuis quelques mois, en pleine mutation. L’arrivée de l’opérateur «Wave» a permis de redistribuer les cartes et de faire bouger les lignes. Inutile de solliciter les services des structures spécialistes du sondage, des enquêtes et études de marchés pour jauger le niveau de pénétration de cet opérateur. Il suffit juste de se balader dans quelques points de services de transfert pour s’en rendre compte. La réponse coule de source. Coup de pub gratis ! On s’en arrête là au risque de se faire tirer les oreilles par notre service commercial, l’œil toujours vif et alerte. Mais bref, revenons à cette histoire de transfert.

Longtemps, les consommateurs se sont plaints de la cherté des coûts des transactions (à l’envoi comme au retrait) ; cela malgré l’existence d’une foultitude d’opérateurs sur le marché avec des noms, les uns plus fantaisistes que les autres. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les portes en vitres de quelques points de services implantés dans tous les quartiers de la capitale pour se rendre compte de la pléthore d’exploitants. Voilà un secteur où l’on a l’impression que chaque acteur opère dans un ‘’No man’s land ‘’ bénéficiant d’une certaine marge qui lui permet d’imposer ses propres règles du jeu et d’appliquer une grille tarifaire de frais à sa guise.

Le caractère informel n’a pas facilité l’assainissement de ce secteur qui fait l’objet de fortes convoitises. À l’image des autres branches de l’économie, l’écrasante majorité des consommateurs sont d’abord préoccupés par les coûts des transferts avant la qualité du service offert. C’est pourquoi la baisse drastique et spectaculaire des frais de «Wave» a créé une sorte d’hystérie collective et bouleversé les codes du système de transfert longtemps sous le contrôle de quelques opérateurs, notamment ceux qui sont dans les télécommunications. La tempête créée par «Wave»sur le marché a poussé les autres acteurs à revoir leur stratégie commerciale et marketing dans le but de l’adapter au nouveau contexte marqué par une forte concurrence.

Même les mastodontes de ce business se sont lancés dans une vaste opération de séduction pour soit garder le réseau clientèle soit conquérir de nouvelles parts de marchés. «Profitez d’une baisse de 25% sur vos frais de retrait et à partir de 100 mille, frais à 1% seulement (…)». C’est le message reçu la semaine dernière d’un opérateur de la place prétextant l’anniversaire des dix ans de ce service. Et ils sont nombreux d’ailleurs à avoir été informés de cette «promotion». Effet de la concurrence ou stratégie commerciale ? Quoi qu’il en soit, c’est le consommateur qui y tire son épingle du jeu. La libéralisation plus avancée du secteur ouvre un éventail de choix aux consommateurs devenus plus exigeants, avertis et alertes sur la qualité du service qu’on leur propose, mais aussi des prix en vigueur.

Aujourd’hui, l’on tente d’affirmer que le service de transfert est presque gratuit au Sénégal au regard des frais symboliques payés par les usagers. D’où notre interrogation sur la viabilité du modèle économique de l’opérateur «Wave» qui est devenu la nouvelle attraction du marché. Un marché très dynamique vu les montants des transactions qui s’y déroulent. Des statistiques publiées le 9 juillet 2019 par la Direction nationale de la Bceao montraient que 294,9 millions d’opérations ont été réalisées par les établissements émetteurs de monnaie électronique en activité au Sénégal, à savoir Orange et Tigo cash (devenu Free), pour un volume total des transactions évaluées à 2470 milliards de FCfa en fin décembre 2018.

Par Abdou DIAW, Journaliste économique