Soutenu par le gouvernement du Sénégal et d’autres mécanismes de financement, Magatte Sylla, CEO d’Interface, la 1ère start-up africaine nominée au Sommet mondial sur la société de l’information concernant les villes et communautés durables, travaille à démocratiser l’accès au WIFI en Afrique, en faisant contribuer les entreprises et les opérateurs de téléphonie à travers un business model plébiscité par l’écosystème numérique de son pays.

Entre ses bureaux situés à la cité Keur Gorgui, en plein Dakar et le siège de Sonatel, il n’y a que quelques mètres. Mais côté chiffre d’affaires, la réalité est tout autre. Il va falloir sûrement des années de travail à Magatte Sylla pour atteindre les 1022 milliards réalisés par le leader du marché des télécommunications au Sénégalen 2018 et qui se trouve être son ancien employeur entre 2006 et 2011. Mais penser que c’est impossible revient à mal connaître le jeune entrepreneur de 41 ans qui a entrepris, il y a moins de deux ans, après la capitalisation de plus de 12 années d’expérience dans le privé et consultant au bureau régional Afrique du PNUD au Sénégal, de mettre en place un modèle d’accès à Internet qui fait l’affaire des usagers, des entreprises et des opérateurs télécoms.

Dénommée “Beinday” , la marque enregistrée est une contraction de trois termes anglais «be», «in», «day». La plateforme propose aux populations du WIFI libre contre de la publicité comme sur Youtube. Le business model repose sur une gratuité de l’accès financé par les entreprises désireuses de faire des annonces sur la plateforme. De leur côté, les sociétés de téléphonie se chargent de la mise à disposition de l’infrastructure pour ensuite prendre une part sur les revenus générés par le business.

Les grands opérateurs de téléphonie convaincus par le modèle

Dans un pays où tout le monde n’a pas encore accès à Internet (seul 58 % de pénétration contre 25% en Afrique), le projet a vite trouvé preneur. Sonatel, Expresso, Free et le Fournisseur d’Accès Arc Télécoms contractent ou négocient avec la start-up Interface SAS qui a fêté son premier bon de commande de 4000 euros en avril 2019. Les points d’accès WIFI installés par les équipes de l’ingénieur technologue en informatique sont aujourd’hui au nombre de 21 dans 7 différents sites dont des banques et des établissements culturels comme le Monument de la Renaissance Africaine qui a inauguré la série. L’objectif, à la clé, c’est d’aller à la conquête de l’Afrique. Le CEO d’Interface SAS et inventeur de la plateforme Beinday, diplômé de l’Institut Africain de Management (IAM) en 2005, ne s’en cache plus. Il veut conquérir une vingtaine de pays dont le Bénin, le Cameroun, le Gabon, la Mauritanie, le Niger et le Togo avec une implantation à l’horizon 2022 au Mali et en Côte d’Ivoire.

L’Afrique en ligne de mire

Une ambition africaine bien réalisable après une prise de participation à hauteur de 35.000 euros faite par la Délégation à l’Entrepreneuriat Rapide des Femmes et de Jeunes DER/FJ, nouveau mécanisme de financement des jeunes entrepreneurs mis en place par l’Etat du Sénégal avec un fonds qui s’élève à plus de 43 milllions d’euros. Dernièrement, la start-up a également opéré une autre levée de 35.000 euros. Après un premier échec avec une entreprise dont le nom leur était contesté par une grosse société américaine, l’équipe est convaincue que la réussite n’est plus loin. Constituée de plusieurs profils différents dont des ingénieurs en informatique, des spécialistes télécom, des managers, des experts en finances, en marketing, communication et vente, Interface SAS est gérée par un top management composé de deux Sénégalais et de deux Allemands qui se sont réunis en associés avec une équipe de 6 locaux à temps plein dans la production. La bande vient d’avoir un brevet de la part de l’Organisation africaine pour la propriété intellectuelle (OAPI) pour s’implanter dans les 17 pays visés, sur le continent avec différentes offres relevant aussi bien de l’événementiel que du WIFI dédié aux banques, aux voitures, aux établissements ouverts au public et aires d’accueil, comme les lieux culturels, etc.

Une collaboration avec les GAFA en préparation

Le premier objectif fixé était d’atteindre 4 clients en 2019, l’équipe en a eu 3, mais, loin de s’en désoler, Magatte Sylla s’en félicite plutôt, estimant que cela lui a rapporté plus de 21.700 euros avec des perspectives de multiplier par 10 le nombre de clients avec le chiffre d’affaire en 2020. Par ailleurs, Interface SAS travaille sur une collaboration ou l’octroi de licence dans l’espace sous régional avec le droit territorial. Ce que l’équipe cherche à obtenir auprès des GAFAM dont Google avec ses stations WIFI dans une capitale africaine mais également Facebook à travers son nouveau produit appelé Express Wi-Fi qui consiste à donner la possibilité aux commerçants locaux d’offrir un accès abordable aux populations à travers des points d’accès WIFI en utilisant le logiciel Express du plus grand réseau social au monde. Accompagné par le cabinet d’expertises Carapaces, le groupe a dans les bonnes grâces de la Commission de protection des données personnelles (CDP) et de l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARTP), chargées respectivement des données personnelles et de la régulation des télécoms au Sénégal.

Démocratiser l’accès à WIFI en préservant l’environnement

Et cerise sur le gâteau, le fonds néerlandais spécialisé dans l’accompagnement des entreprises sénégalaises à l’international s’intéresse aussi au projet. L’instrument onusien a beaucoup contribué à la vulgarisation de la start-up avec une participation aux Rencontres Africa 2019 à Dakar, axées notamment sur le digital. La start-up, spécialisée dans les technologies publicitaires, tout en œuvrant à un meilleur accès au WIFI pour les populations africaines, entend aussi faire des grandes villes du Sénégal, des smart cities, avec un Internet pour tous, dans un pays sécurisé et utilisant les énergies renouvelables. Une reconnaissance internationale par nomination à l’édition 2019 du Sommet mondial sur la société de l’Information comme première start-up africaine apportant une réponse à l’objectif 11 du développement durable des nations unis sur le volet villes et communautés durables concernant l’accès à l’information et à la connaissance.

Source: F. A