En 2014, une loi avait été voté, visant à reguler le secteur de la location au Sénégal, obligeant ainsi les propriétaires à réduire les loyers sur tous les contrats de location en cours. Des réductions allant de 4% à 29 % qui avait redonné de l’espoir à de nombreux chefs de familles. Mais hélas, la nature ayant horreur du vide, aucun contrôle face à cette loi qui n’aura été appliquée que moins de deux ans, les prix des loyers appliqués par les bailleurs sont passés du simple au double, faisant la pluie et le beau temps des propriétaires, et accentuant de plus en plus la misère des populations qui ont du mal à joindre les deux bouts.

L’échéance dont de nombreux citoyens, notamment à Dakar, vivent l’angoisse la plus intense est forcément le 05 de chaque nouveau mois. Et ce, malgré les nombreuses promesses sociales, politiques et même électoralistes qui ont fait naître un espoir déjà empreint de doute, l’infernale cherté du loyer au Sénégal demeure l’une des raisons essentielles de la pauvreté ambiante dans le pays. Impossible de faire des épargnes pour la famille, lorsque le loyer seule vous prend les 2/3 de votre salaire… et la encore de quel salaire parle-t-on ? Si l’on doit s’appuyer sur le SMIG relativement bas, malgré une « pseudo » revalorisation en 2018, qui n’aura pas vraiment été considéré par bon nombre d’entreprise.

Aujourd’hui, encore plus que hier, j’ai peur du 5 parce que malgré moi j’ai signé un contrat de location pour ne pas dormir à la belle étoile avec les miens. J’ai peur du 5 parce que malgré les annonces en fanfare de 2014 sur la baisse des prix du loyer, la grosse partie de mes revenus va dans le loyer. Oui, j’ai peur du 5 parce que rien n’augure une amélioration de l’accès à l’immobilier au Sénégal. Pour finir j’ai peur du 5 car mon logeur est maître de mes finances.

Chaque citoyen Sénégalais, habitant Dakar ou une autre ville, pourrait écrire ses mille et une raisons de la peur du 5. Parce qu’une fois encore c’est la consommation qui est mise à l’épreuve du contrôle, de la réglementation et surtout du manque de mesures effectives de suivi. Ce secteur essentiel de la gestion de la cité a semble-t-il échappé à tout contrôle. La qualité de l’offre a baissé pendant que le coût pour accéder au logement a vertigineusement augmenté. Chaque propriétaire fixant au gré le prix de son bien avec la complicité de quelques courtiers, au mépris de la loi, pourtant nul n’est censé ignoré la loi, disons-le donc, la loi n°2014/03 du 03 février, portant baisse des loyers au Sénégal. Et comme si cela ne suffisait pas, les courtiers (une profession non encadrée au Sénégal) ont eux aussi profité de ce vide pour imposer une commission équivalente au prix du loyer, soit 100% alors qu’aucune loi ne reconnait l’imposition d’une commission (imposable de force) de 100% pour une prestation de courtage.

Les locataires sont victimes de nombreux abus auxquels ils ne peuvent échapper parce que pour des raisons de dignité et de survie, ils sont bien obligés de se loger. Si de la même manière que consommer est un choix, un libre arbitre soumis à notre pouvoir d’achat, se loger peut ne pas forcément suivre le même principe. C’est en cela que plus qu’une nécessité, c’est un impératif pour les consommateurs de bénéficier des meilleures informations et d’un accompagnement sans défaut dans le processus d’accès à l’immobilier. Hier, un appartement de 2 chambres et un salons se louait entre 125 000 FCFA et 150 000 FCFA, aujourd’hui il faudra miser pas moins de 200 000 FCFA, voir 250 000 FCFA et plus pour un 2 chambres, salon de standing moyen. Que faire lorsqu’on a pour soucis de loger sa progéniture dans de conditions minimales.

Des courtiers aux propriétaires en passant par les agences immobilières, de la fixation abusive des loyers aux exigences locatives arbitraires, de la mauvaise qualité des ouvrages aux accidents liés, le consommateur de l’immobilier sénégalais reste seul face à son destin. Jusqu’à quand les populations auront-elles donc à subir la loi du plus fort imposé par les propriétaires des biens immobiliers ? A quand le réveil de l’Etat pour faire appliquer la loi sur la baisse des loyers, et soulager les citoyens. Pourtant depuis près de deux ans, des associations et citoyens de tout bord interpellent l’Etat sur cette question, jusqu’ici c’est le silence total des autorités, trop occupé à se pencher sur les questions politiques, et de 3e mandat ou pas, oubliant que le vote vient des populations. Espérons que la mise en place d’un ministère en charge de l’Urbanisme, du logement et de l’hygiène publique se penchera sur ce calvaire que vivent les populations 

Ismael Cabral Kambell

Journaliste indépendant – Expert en relations publiques