M. Thierno Ndiaye, président du mouvement «  And Defaar Sunu Gokh » de Gueule-Tapée-Fass-Colobane, président de l’ASC Colobane, trésorier de Benno Bokk Yaakar dans la commune, dans un entretien accordé à Business221.com, est largement revenu la problématique de l’emploi des jeunes au Sénégal. Il a entre autre évoqué les réalisations de son mouvement au niveau de la commune Gueule-Tapée-Fass- Colobane. Selon lui, l’Etat est dans la dynamique de créer les conditions d’un secteur privé fort.

L’emploi des jeunes, reste au cœur des défis africains et le Sénégal n’est pas en reste. Aujourd’hui le Chef de l’Etat a présidé un conseil présidentiel sur le financement du programme d’urgence pour l’emploi et l’insertion socio-professionnelle des jeunes. Quelle est votre appréciation de la politique de l’emploi au Sénégal ?

L’emploi des jeunes a toujours constitué une problématique mais ce n’est pas seulement au Sénégal et en Afrique. On dira un peu partout dans le monde. Maintenant dans nos pays africains, le constat est encore plus frappant.  Et au niveau du Sénégal, la situation est encore beaucoup plus saisissante mais le Chef de l’Etat l’a compris et il a consacré depuis son accession à la magistrature suprême beaucoup de moyens à l’emploi des jeunes, peut être avec des succès mitigés pour certains mais il reste évident qu’il a beaucoup fait pour l’emploi des jeunes et qu’il entend encore fait beaucoup pour l’emploi des jeunes.

D’ailleurs au moment où l’on parle, il y a le conseil présidentiel qui se tient à Diamnadio sur cette problématique –là. Le président de la république a prévu de dégager 450 milliards de F CFA sur les trois  années à venir. Le fonds qui était destiné aux entreprises va passer de 1 milliard à 15 milliards, la décision a été actée. Donc, vraiment, le président de la République est en train de poser des actes forts. Maintenant, il n’appartient d’ailleurs pas à l’Etat de créer des emplois pour tous.

L’Etat doit créer les conditions pour que le secteur privé puisse créer des emplois. L’Etat aujourd’hui, est dans la dynamique de créer les conditions de succès d’un secteur privé fort, un secteur privé national et un secteur ouvert aux étrangers, qui pourra résorber cette masse importante de jeunes chômeurs. Maintenant, j’entends beaucoup de gens critiquer, dire que le Président ne pourra pas faire en trois ans ce qu’il n’a pas fait en 9 ans. Je pense que c’est tout à fait le contraire, moi je suis optimiste. Je pense qu’en trois ans, le Président de la République peut faire ce qu’il n’a pas fait en 9 ans, en quoi faisant, en mettant beaucoup plus de rigueur dans le contrôle de l’exécution des recommandations qu’il donne mais aussi en élargissant le champ d’action.

 Il faut que l’on combine les facteurs temps et les facteurs, espace. Si on parvient à mettre en place des pôles de développement régionaux, on pourra accéder, maximiser la cadence et accélérer en fait l’employabilité des jeunes mais bien avant cela,  il faut qu’on parle de l’employabilité. Il y a emploi et employabilité, il faut qu’on revoie notre modèle de formation. Aujourd’hui, on parle de jeunes diplômés qui sont chômeurs parce qu’ils n’ont pas reçu la bonne formation. Ils ont reçu des formations théoriques, une formation généraliste. Ils sont spécialistes en tout en rien du tout. Aujourd’hui, il faut qu’on revoie notre modèle d’enseignement. A côté de cela, il y a des jeunes qui ne sont pas diplômés, il faut qu’on regarde comment former ces gens-là à des métiers. Aujourd’hui, l’enseignement ne  peut pas déboucher sur le doctorat, il faut qu’on puisse faire la sélection, ce que les gens ne veulent pas entendre, il faut qu’on y arrive, il faut qu’il ait une sélection,  des universités d’élite mais parallèlement  qu’il ait des formations spécialisées dans le développement. Un pays comme le Sénégal, qui a besoin de tout, de toutes sortes de techniques, c’est un pays à construire. Il faut qu’aujourd’hui qu’on puisse former les jeunes à être opérationnels.

On parle de tous les financements qui ont été octroyés à perte pour certains, c’est parce que tout simplement, à mon avis aussi, il faut qu’on parle de civisme, il faut qu’on éduque les gens avant de leur donner de l’argent. On ne peut pas trouver quelqu’un qui n’a jamais eu 100 000F de sa vie ou 500 000 F de sa vie, lui donner un financement de 2 millions, 3 millions, lui dire va faire ton business en pensant qu’il va réussir. La première chose qu’il va faire, c’est qu’il va dilapider une partie pour satisfaire ses besoins primaires, c’est se nourrir, se vêtir, faire le beau et après maintenant penser à réaliser son projet, c’est en ce moment-là qu’il se rendra compte qu’il a bouffé 60% du capital initial dont il avait besoin.

 Il faut qu’on arrive à former  les jeunes, à leur faire comprendre que l’argent qu’on leur donne, ce n’est de la charité, ce n’est pas un cadeau. On leur donne cet argent, c’est un coup de pousse pour leur permettre d’être autonomes, d’être des entrepreneurs et de participer à l’activité économique.

Aujourd’hui, au niveau de votre localité, qu’est-ce que vous avez fait en faveur des jeunes ?

Au niveau de notre localité, on a eu la chance en fait, depuis plus de 10 ans que je suis le président de l’ASC Colobane. Qui dit ASC, c’est vraiment, ce que ça représente dans nos quartiers. Nous n’avons attendu maintenant pour commencer. Nous avons démarré bien avant lorsqu’il ait les fameux épisodes, des fameuses traversées « Barça ou Barsakh », qu’on a commencé à sensibiliser les jeunes des quartiers en leur disant que l’émigration n’est pas synonyme de  réussite et restez au pays n’est pas une malédiction. On leur fait comprendre qu’on pouvait réussir là où on est né.

La preuve, nous sommes parti fait des études ailleurs, à l’étranger mais quand on a fini nos études, la première chose à laquelle nous avons pensé, c’était de retourner pour venir servir notre pays et de  tenter notre chance parce que nous savons que le modèle de développement à l’étranger, est encore beaucoup sélectif, encore beaucoup plus difficile pour nous que pour les autres. Aujourd’hui, les jeunes ont plus de chance de réussir dans leur pays qu’à l’étranger surtout maintenant avec ce contexte de Covid-19, cette pandémie mondiale où toutes les économies sont en train de s’effondrer. Le nationalisme va ressurgir, il va prendre encore de l’ampleur.

Nous allons assister, en Europe, en Asie, aux Amériques à des phénomènes auxquels, on ne pensait pas. Donc les jeunes,  doivent rester dans leur localité, s’armer de courage, s’armer de patience et de foi mais surtout accepter de travailler. Nous, quand ces fameuses pirogues ont commencé à prendre la mer, j’aime bien le citer. Il y a un jeune qui est venu me voir pour me demander tout simplement de l’aider à prendre une pirogue. Il me demandait à l’époque qu’il avait besoin de 300 000 F  pour prendre une pirogue pour aller en Europe parce que c’était le prix de la traversée. Je lui ai regardé droit dans les yeux et je lui ai dit : je peux bien te donner 100 000F mais je ne porterai jamais sur ma conscience ton deuil.

Qu’est-ce que je dirai à tes parents demain si par malheur, tu n’arrivais pas. Il dit : je  pense que  quand je serai en Europe, je  vais réussir. Je lui dis : Moi je suis d’une ethnie qui connaît l’immigration, je suis soninké. Même chez nous maintenant la tendance est en train de changer. Dans nos villages soninkés, les gens disaient que, les filles ne se mariaient pas avec quelqu’un qui n’avait pas un passeport avec un visa. Aujourd’hui, cela a changé parce qu’ils savent que l’Europe n’est pas l’Eldorado et  il avait des jeunes qui partent en Europe, qui restent un an sans sortir de leur chambre, on ne parle même de franchir la porte du foyer mais sortir de leur chambre, c’est presque des prisonniers qui regrettent amèrement d’être partis.

 Donc  à ce jeune-là, je lui  dis que Colobane, il y a un très grand marché de friperie, tout le monde fait dans la friperie, pourquoi, tu ne peux pas tenter ta chance. Il a démarré avec 40 000 F, aujourd’hui, il a sa boutique. Il y a beaucoup de jeunes que j’ai aidés à démarrer leurs activités de friperie, d’autres jeunes, on leur a aidé à démarrer des activités de vente de café Touba dans la rue, d’autres, c’est la vente de chaussures en leur faisant comprendre qu’il n’ y a pas de sous-métier.

Aujourd’hui, tous parviennent à satisfaire leur besoin, à aider leur famille et  il y a même certains qui sont devenus des chefs d’entreprise. Et tout récemment, on a initié un programme de formation des jeunes de la  formation à l’emploi. On a inscrit 18 jeunes au permis de conduire. Ceux qui ont eu leur permis de conduire, certains ont pu trouver par eux-mêmes du travail dans d’autres structures et ceux qui n’avaient pas la chance, on leur a doté de « thiak-thiak », de motos pour qu’ils puissent faire la livraison rapide mais on leur a fait comprendre que ce n’est pas un don parce que quand vous faites avec vos moyens, vous ne pouvez pas répéter ces actions-là l’infini.

On leur a fait comprendre, on a signé un contrat de confiance avec eux, un pacte pour leur faire comprendre qu’on leur finançait, on prenait en partie une subvention de  10% du montant du financement et ils devaient rembourser les 90% à taux zéro sur une durée raisonnable pour permettre de financer d’autres jeunes. Nous l’avons fait, la première vague s’est déroulée avec succès. C’est la semaine dernière qu’on a lancé la deuxième saison  où d’autres jeunes ont eu des financements.

A côté de cela, les jeunes filles qui sont dans la couture, ont été financées, elles ont eu des  machines à coudre. Il y a aussi des jeunes garçons qui ont été eu des machines à coudre. Et pour le moment, on touche du bois, ça se passe bien. Ils remboursent parce qu’on leur a fait comprendre que le jour où la chaîne se brisait qu’on aura aucune scrupule à dire aux autres qu’on arrête parce que vos prédécesseurs n’ont pas remboursé, c’est une  question de fierté, on leur a placé devant  leurs responsabilité et pour le moment ça marche. Je pense que ce que l’on a fait à l’échelle communale, ça peut se répéter à l’échelle du département, à l’échelle de la région, à l’échelle nationale. Je pense que le président de la République va surprendre beaucoup surtout les sceptiques, ceux qui pensent qu’il ne pourra pas réussir son ambition sur les trois années à venir. J’espère qu’ils auront une belle surprise parce que s’il réussit,  ce n’est pas seulement  la réussite du président de la République, c’est la réussite de tout le Sénégal. Il faudrait que les gens puissent apprendre à raisonner positivement. L’échec du président de la république signifierait une régression pour le président, pour le Sénégal. Si le président e la République échoue, je ne pourrais pas être à la place de son successeur. Le plus grand malheur qu’on pouvait  lui souhaiter, c’est de réussir sa politique de jeunesse pour que demain, ceux qui viendront prendre le relais, puissent quand même dérouler.

Est-ce que vous pouvez un peu, approximativement nous dire le budget que vous avez dépensé sur ce programme d’appui aux jeunes ?

Vous savez, on est dans une société où on n’aime pas beaucoup parler d’argent parce que les gens y voient très souvent une façon du « m’as-tu vu ?».Ce que nous pouvons dire,  c’est important, c’est vrai mais on l’a fait avec générosité, avec bon cœur parce que, on s’est dit qu’on devait le faire, c’est un retour sur l’investissement que la commune a mis dans notre personne.

Je suis enfant de ce quartier, enfant de cette commune. J’ai fait mes humanités ici, j’ai commencé l’école coranique à la mosquée qui est à côté de chez moi. J’ai fait l’école à Oumar Ben Khatab Dia, devenue école Fass et le lycée De la Foss et pendant tout mon parcours,  je sais que ce n’est seulement mes parents qui ont mis dans mon éducation même s’ils ont mis la plus grosse partie, parfois aussi des oncles, des voisins ont eu un jour à acheter un crayon pour moi, ou un cahier pour moi. Et aujourd’hui, c’est ma façon de rendre la monnaie de la pièce.

Quelle est la situation de l’emploi au niveau de a commune et comment vous appréciez cela ?

Nous sommes dans une commune très difficile. Vraiment l’emploi est très précaire dans cette commune. Ce n’est pas pour rien que cette commune a été choisie comme commune pilote par l’UNFPA. Tout récemment, on a vu le maire faire  la restitution du séminaire sur le capital humain, la capture du dividende démographique, ça veut tout dire. Si on a choisi cette commune, je pense que c’est parce que  c’est la commune la plus difficile. On est dans une commune où, il y a 60 000 personnes, 35% de ces 60 000, environ 45 000 personnes sont des jeunes, des jeunes qui sont en âge de travailler et qui n’ont pas d’emploi.

Donc la situation est très difficile. C’est vrai, la mairie,  la municipalité ne peut pas donner de l’emploi à 60 000 jeunes mais elle peut quand même contribuer au minimum à la  création de certains emplois même s’ils sont « précaires ». On est dans une commune où un employé municipal, les employés de la municipalité, les jeunes qui y travaillent, ont presque 50 à 60 000F.

Donc avec ça, c’est difficile avec ces montants-là de vouloir bâtir quelque chose si on sait que Fass-Gueule-Tapée-Colobane, la location d’un chambre, une simple chambre tourne autour de 35, 45 000F. Donc quelqu’un qui gagne 50 à 60 000F, c’est difficile pour cette personne-là d’épargner, d’économiser et effectivement de réaliser quelque chose. Mais, on ne crachera pas dessus, à défaut d’avoir ce que l’on veut, on se contente de ce que l’on a et  je pense qu’aujourd’hui la mairie peut faire quelque chose dans ce sens-là. On a des marchés qui sont là. On parle d’insécurité dans cette commune, on parle d’insalubrité, je pense qu’il faut  rééquilibrer le budget de la mairie et revoir les priorités. On ne peut pas parler de 310 millions sur un budget de 1milliard 700, mettre 310 millions, soit 18 à 20% dans l’investissement.

Il peut avoir des budgets de fonctionnement de 1 milliard 400 dont presque la moitié, dans le social et  qu’on ne voit pas les retombées sociales dans le quartier. Social, cela ne veut pas seulement dire, distribuer des vivres, donner des bons pour aller à la superette, pour aller à la pharmacie mais c’est surtout donner aux gens les  moyens de satisfaire ces besoins-là.

Donc, une partie de ces sommes-là devrait aller comme le fait le Président de la République à l’employabilité, à la formation,  et à la création d’emploi et à l’assistance aux entreprises qui sont dans la commune. On est aujourd’hui en situation de pandémie, on parle de l’emploi des jeunes, on parle de créer de nouveaux emplois mais il y a beaucoup de personnes aussi qui ont perdu leur  emploi à cause de la covid-19. On devrait aussi penser  à restaurer ces emplois perdus.