L’Afrique est entrée de plain-pied dans la transition énergétique. L’électrification du continent s’accompagne d’un développement inédit des énergies renouvelables, en particulier pour le solaire et l’éolien. Cette révolution touche également l’agriculture africaine, même si celle-ci est moins dépendante de l’économie carbonée que celles des pays les plus riches. Voici cinq exemples qui démontrent que la transition énergétique est une réelle opportunité pour l’agriculture africaine :
Valoriser le déchet agricole
La Côte-d’Ivoire est encore très dépendante des énergies fossiles. Or, sa production de pétrole ne cesse de baisser depuis une dizaine d’années. Pour ne pas se retrouver importateur net d’or noir, mais aussi afin d’atteindre ses objectifs en termes de transition énergétique, le pays cherche donc à diversifier ses approvisionnements. En juillet 2018, le projet de la première centrale électrique au monde valorisant les déchets de cacao a été lancé. Budget : 232 millions d’euros, pour une mise en service prévue en 2023. Le secteur du cacao va pouvoir valoriser économiquement ses 26 millions de tonnes de déchets, tout en permettant la production d’énergie, et l’économie de 250 000 tonnes de CO² par an. Une autre centrale alimentée, elle, par des déchets de palmier sera mise en service courant 2019 dans la région d’Aboisso, avec une puissance espérée de 66 MW.

Irriguer grâce au soleil
Dans une région où l’eau et le soleil sont disponibles en abondance, conjuguer les deux devenait une évidence. C’est d’ailleurs l’idée de l’entreprise Sharp, qui a annoncé avoir installé 120 panneaux solaires polycristallins au Malawi, afin d’alimenter en électricité un système d’irrigation. 600 agriculteurs des bords de la rivière Shire sont concernés par ce projet ambitieux et essentiel pour la transition énergétique de l’agriculture africaine. L’installation permet de faire tourner des pompes à eau qui irriguent 50 hectares de cultures. Auparavant, les paysans utilisaient des pompes à pédales, ou tout simplement des outres. Le succès de cette entreprise permettra surtout de proposer une alternative durable et opérationnelle au système de pompage à moteur thermique, très largement utilisé ailleurs, et qui est à la fois polluant et bruyant.

L’électricité solaire pour l’agriculture de demain
L’aquaponie est l’alliance entre l’aquaculture et l’hydroponie. Il s’agit d’un design productif qui permet aux plantes de se nourrir des déjections des poissons, tandis que ces derniers captent en retour les nutriments émis par les plantes. Pas besoin de terres arables, des rejets de CO² faibles : cette solution est en plein essor. Fondateur de Save Our Agriculture, l’ingénieur camerounais Flavien Kouatcha a trouvé le moyen d’améliorer encore le système. Afin de l’exploiter de manière intensive, il a construit une ferme aquaponique capable de produire l’équivalent de cinq tonnes de légumes (un demi-hectare conventionnel) et deux tonnes de poissons. L’installation est entièrement autonome d’un point de vue énergétique, dans la mesure où elle est alimentée grâce à des panneaux solaires. La transition énergétique est ainsi désormais intégrée dans le logiciel de l’aquaponie, modèle à suivre d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement.

Le vrai biocarburant
La plupart des biocarburants présentent au moins un inconvénient : les cultures à partir desquelles ils sont distillés mobilisent des terres arables. En Afrique, continent malheureusement encore touché par la malnutrition, un tel projet est donc impensable. Sauf si le fruit utilisé pour produire du biocarburant n’était jusqu’alors pas utilisé. C’est justement le cas de la noix du croton, un arbuste typique de l’Afrique de l’Est où il pousse en grande quantité de manière sauvage. Eco Fuels Kenya a créé une filière qui permet de donner du travail à 10.000 fermiers à partir d’une matière première très bon marché. La start-up produit 16.000 litres d’huile de croton par semaine. Une fois distillée, elle servira de biocarburant. Les résidus de presse sont eux transformés en nourriture pour l’élevage, en engrais ou, en dernier ressors, en combustible.

Quand la jacinthe d’eau devient biogaz
Au Bénin, la jacinthe d’eau était devenue une source d’ennuis pour les pêcheurs du lac Nokoué. Cette plante invasive empêchait les bateaux de manœuvrer correctement et bouchait les accès au rivage. On a aujourd’hui découvert que la jacinthe d’eau avait aussi des vertus, notamment en matière de dépollution. Elle peut aussi servir à produire du biogaz. De l’enfer vert, la plante est devenue or. L’entreprise Green Keeper Africa, qui transforme la jacinthe d’eau, employait une dizaine de cueilleurs en 2014 ; ils sont aujourd’hui 1 200, dont 85% de femmes.