Dans le cadre de son plan de diversification économique, l’Angola s’est attaqué, depuis quelque temps, à son secteur du diamant, préparant une restructuration de fond, notamment au niveau législatif. Jusqu’ici le cinquième pays producteur de diamant au monde brandissait uniquement sa volonté d’accroître la production et d’attirer les investisseurs afin de repositionner le pays sur le marché mondial. Mais l’agence Reuters a mis la main sur un document présenté en privée au gouvernement en mars dernier, qui révèle des pertes d’environ 500 millions de dollars au cours des six dernières années en raison d’une sous-tarification imposée par l’Etat.
464 millions de dollars pour être plus exacte, c’est la somme qu’aurait perdu, au cours des six dernières années, la mine de Catoca, la plus grande d’Angola et la quatrième au monde, révèle Reuters ce mardi 12 juin, citant un document présenté par l’industrie au ministre des Ressources naturelles et du pétrole, Diamantino Azevedo, lors d’une réunion privée le 16 mars dernier. Selon la même source, ces pertes résulteraient « d’un système de commercialisation imposé par le gouvernement qui l’oblige à vendre sa production en dessous des prix internationaux ».
Selon le document présenté au ministre, ajoute Reuters, « les diamants de Catoca auraient été vendus en moyenne 24 % de moins que les prix du marché au cours des six dernières années jusqu’à 2017 inclus ».
Mine aux 110 millions de carats de réserves
Pour rappel, la mine de Catoca -qui produit les trois quarts des diamants angolais- est une mine à ciel ouvert située à l’est du pays et active depuis 1992. Chaque année la production de diamant brut est évaluée en moyenne à 6,8 millions de carats, tandis que les réserves sont estimées à 110 millions de carats.
Contexte qui aurait chassé les investisseurs?
La mine est détenue par la Russe Alrosa et l’entreprise publique angolaise de diamants Endiama à hauteur de 41% chacune, tandis que les 18% restants reviennent à la hollandaise LL International Holding B.V. Jusqu’à l’été dernier, le brésilien Odebrecht faisait partie du tour de table de cette mine, mais mêlé à un scandale de corruption, il s’était retiré.
Selon la législation en vigueur, les producteurs de diamants, même privés, ne sont pas à mesure d’écouler eux-mêmes leur production. Toute la production diamantaire en Angola doit être vendue par l’intermédiaire de l’entreprise publique de commerce de diamants Sodiam, filiale d’Endiama. Et c’est à ce niveau que l’industrie évoque une éventuelle non-transparence dans le choix des acheteurs et des négociations de prix inférieurs au prix du marché pour des « acheteurs préférentiels ». Un environnement qui aurait fait fuir de nombreux investisseurs potentiels.
La nouvelle stratégie de Laurenço
Et ces révélations et revendications seraient, entre autres, à l’origine du plan stratégique préparé par Luanda, évoqué depuis plusieurs semaines et finalement annoncé la semaine dernière par le président de la République, Joao Lourenço, lors de sa visite à Anvers, une véritable opération séduction, puisque la ville flamande est connue pour abriter les plus prestigieux diamantaires de la planète.
« Nous reconnaissons que les politiques que nous avons établies pour ce secteur ne servent pas au mieux les intérêts de notre pays, ni ceux des producteurs. Nous allons bientôt annoncer une nouvelle structure pour l’industrie du diamant et nous croyons qu’avec cela, les plus grandes compagnies de minières diamantaires retourneront en Angola », a déclaré le président Lourenço.
Deuxième pays producteur de pétrole en Afrique, l’Angola a beaucoup souffert de la chute des cours. Depuis son accession au pouvoir en septembre 2017, Joao Lourenço a fait de la diversification économique un de ses principaux chevaux de bataille. Dans cette logique, les secteurs à fort potentiel sont devenus des champs évidents sur lesquels il faut miser, parmi lesquels le diamant.
Cinquième pays producteur de diamants au monde, l’Angola estime aujourd’hui ne pas suffisamment tirer parti de ses ressources. Il ne reste plus qu’à espérer que la nouvelle politique prochainement mise en place par Luanda résolve une fois pour toutes la question de transparence, d’équité et de liberté sur le marché local du diamant, surtout dans un contexte où certains analystes prévoient une légère baisse de la production mondiale en 2018.
(Source : https://afrique.latribune.fr)