La croissance reprend des couleurs selon le rapport de la Banque africaine de développement (BAD) sur les Perspectives économiques en Afrique en 2019. Présenté ce 17 janvier au siège de l’institution à Abidjan, en Côte d’Ivoire, le rapport note toutefois qu’au rythme actuel, cette croissance ne devrait pas suffire à relever les défis structurels auxquels est confronté le continent, notamment en ce qui concerne le chômage et la pauvreté.

 Quelques points saillants de ce rapport.

 « La situation du continent est bonne » et « les performances économiques générales de l’Afrique continuent de s’améliorer » a indiqué le président de la Banque africaine de développement (BAD) Akinwumi Adesina en préface du rapport. Après un ralentissement du PIB réel à 2,1% en 2016, l’économie africaine a en effet amorcé une reprise avec une croissance économique de 3,6% en 2017 et 3,5% en 2018.

En général, « les progrès de croissance économique ont été importants sur l’ensemble du continent, avec toutefois des variations entre économies et entre régions » indique le rapport.

Les pays pauvres en ressources, supportés par une production agricole plus importante, une plus forte demande de consommation et une hausse de l’investissement public, ont connu une croissance bien supérieure (Sénégal 7 %, Rwanda 7,2 %,  Côte d’Ivoire 7,4 %).

A contrario, les principaux pays exportateurs de produits de base ont connu seulement un léger mieux ou une croissance négative (Angola, 0,7 %), tandis que le Nigeria (+1,9%) et l’Afrique du Sud (+0,7%), les deux principales économies, tirent la croissance moyenne de l’Afrique vers le bas.

Au niveau de l’inflation, le taux moyen en Afrique a chuté de 12,6 % en 2017 à 10,9 % en 2018, et devrait encore diminuer pour atteindre 8,1 % en 2020. Il reste particulièrement faible dans les pays de la zone Franc CFA (UEMOA et CEMAC) où il est de moins de 2%, grâce à l’arrimage à l’euro.

A moyen terme, la tendance à hausse du PIB devrait va se poursuivre « avec une accélération à 4% en 2019 et 4,1% en 2020 ». En 2019, 40% des pays africains devraient enregistrer une croissance d’au moins 5 % et l’Afrique du Nord devrait, à elle seule, « représenter (…) 40 % » de cette croissance.

L’emploi, le maillon faible de la croissance

Bien qu’inférieure à celle de la Chine ou de l’Inde, la croissance de l’Afrique devrait être supérieure à celle d’autres pays émergents et en développement. Elle est toutefois insuffisante pour réduire le chômage et la pauvreté, note la BAD.

Avec une population active qui va « croître de près de 40% d’ici 2030 » – la population en âge de travailler sera de de « près d’un milliard en 2030 » -, au rythme actuel, « seule la moitié des nouveaux arrivants sur le marché du travail trouveront un emploi et la plupart de ces emplois seront dans le secteur informel ».

Sur la période 2000-2014 en effet, le continent a enregistré « un taux de croissance annuel de l’emploi inférieur à 1,8 %, soit bien en deçà des 3 % de croissance annuelle de la population active. Ainsi, ce sont près de « près de 100 millions de jeunes Africains » qui devraient se retrouver sans emploi à l’horizon 2030, révèle le rapport.

« L’Afrique doit s’industrialiser »

Aussi, notant que « les résultats en matière d’emploi sont meilleurs lorsque les épisodes de croissance ont été impulsés par le secteur manufacturier », lequel secteur est présenté comme ayant le plus d’effet d’entraînement  sur l’ensemble de l’économie, le rapport est sans appel : « l’Afrique doit s’industrialiser ».

L’enjeu est en effet d’ « éviter le piège de l’informalité et le chômage chronique ». Le secteur informel, « solution par défaut des jeunes », représente en effet 70 à 90% des emplois sur le continent (hors secteur agricole), et est synonyme de bas salaire, de précarité et de pauvreté.

Le rapport suggère donc d’améliorer l’environnement des affaires au profit notamment des PME et d’investir dans des infrastructures nécessaires aux entreprises. « Les petites et moyennes entreprises ont très peu de chances de devenir de grandes entreprises. Ce  retard de croissance, associé aux faibles taux de survie des entreprises, paralyse l’activité manufacturière dans la plupart des pays africains » constate le rapport.

Pas de risque systémique de crise de la dette

Sur le plan de la dette, la crise, ce n’est pour maintenant en tout cas. « La dette de l’Afrique augmente, mais il n’y a pas de risque systémique de crise de la dette ». Fin 2017, le ratio de la dette publique brute par rapport au PIB a atteint 53 % en Afrique, avec toutefois une grande hétérogénéité entre les pays.

Sur les 52 pays africains, 16 pays –dont l’Algérie, le Botswana, le Burkina Faso et le mali– ont un taux d’endettement (ratio dette/PIB) inférieur à 40 %, tandis que six pays – Cap vert, Égypte, Érythrée, Mozambique, Congo et Soudan – ont un ratio supérieur à 100 %.

La BAD estime que l’on peut considérer que 16 pays africains sont classés comme présentant un risque élevé de surendettement ou comme étant en surendettement. « Dans certains pays, la situation de la dette est donc devenue intenable, exigeant des mesures urgentes »  même si « bien que les vulnérabilités liées à la dette augmentent dans certains pays africains, le continent dans son ensemble n’est pas exposé à un risque systémique de crise de la dette ».

Ces menaces qui planent

Le rapport relève quatre risquent principaux qui pourraient remettre en question la relance de l’économie africaine.

Tout d’abord, une nouvelle escalade des tensions commerciales entre les États-Unis et ses principaux partenaires commerciaux pourrait réduire la croissance économique mondiale, ce qui aurait des répercussions sur l’Afrique. En l’occurrence, une baisse de la demande mondiale de matières premières aura irrémédiablement un impact sur les économies de la région.

Ensuite, les coûts du financement extérieur pourraient croître davantage si les taux d’intérêt dans les pays développés augmentaient plus vite que prévu.

 Troisièmement, si les pays africains connaissaient une nouvelle fois des conditions météorologiques extrêmes en raison du changement climatique, semblables à celles de ces dernières années, la production agricole et la croissance du PIB pourraient être plus faibles qu’anticipé.

Et enfin, dans certaines zones, l’instabilité politique et les problèmes de sécurité pourraient affaiblir les économies.

Pour la BAD, l’enjeu aujourd’hui pour le continent africain est d’ « atteindre le chemin d’une croissance supérieure à celui d’ « avant la récession de 2009 qui était d’environ 5% » et qui soit « inclusive et favorable à l’emploi ».

Source:FA