En quête de relais de croissance, mais aussi de marchés porteurs pour répandre leur expertise, le secteur privé marocain s’illustre en Afrique depuis les années 2000, sous l’impulsion d’une vision royale déclinée en une stratégie propre au secteur privé et adaptée en fonction des domaines d’activités.
Sur le continent africain, le business marocain n’aura jamais été aussi puissant. La région est aujourd’hui la première destination des investissements du Royaume à l’étranger. Entre 2003 et 2017, soit quatorze ans, les entreprises marocaines ont investi 37 milliards de dirhams (plus de 3,8 milliards de dollars), soit 60% des IDE sortants, selon l’étude Développement des entreprises marocaines en Afrique: réalité et perspective publiée en novembre dernier par la Direction des études et des prévisions financières (DEPF), en collaboration avec l’Agence française de développement (AFD).
«A travers son secteur privé, le Royaume s’est imposé en tant qu’investisseur incontournable. Le Maroc est le pays africain dont le montant des investissements dans le Continent est le plus important», commente dans un entretien avec La Tribune Afrique Bouchra Bayed, consultante et présidente de Maroc Entrepreneurs.
En termes de répartition, 55% de ces investissements sont directement réalisés à l’ouest du Continent, tandis que le nord (25%), le centre (15%), mais aussi la sous-région australe (5%) -qui suscite de plus en plus d’intérêt- restent ciblés. L’analyse par pays montre qu’au cours des quatorze dernières années, l’Egypte (20%) est le premier bénéficiaire des fonds injectés par les entreprises marocaines en Afrique. Viennent ensuite la Côte d’Ivoire (19%) -qui occupe une place de choix dans l’agenda d’affaires marocain- mais aussi le Mali (13%), le Burkina Faso (7%), le Sénégal (7%) et le Gabon (6%). Des choix orientés majoritairement par «les opportunités qui se présentent, mais également par l’attractivité du marché, sa facilité d’accès ainsi que le contexte politique», résume le DEPF dans son étude.
Diversification des investissements
Alors que les banques ont été les locomotives de cette offensive africaine, une intense diversification des investissements marocains est en cours à travers le reste du Continent depuis la dernière décennie. Aujourd’hui, la quasi-totalité des secteurs clés de l’économie est représentée : l’agrobusiness, les télécoms, les TIC, l’industrie, l’énergie, la santé, les BTP, … Cette expansion africaine est d’ailleurs mise en lumière à travers douze entreprises marocaines dans le rapport 2019 Compagnies to inspire Africa réalisé conjointement par PricewaterhouseCoopers (PwC), la London Stock Exchanges (LES), le groupe CDC et la Banque africaine de développement (BAD).
«Les entreprises marocaines ont pris conscience que les enjeux économiques et commerciaux de notre pays se joueront désormais en Afrique. Elles se lancent dans des secteurs qui ont déjà bien réussi au Maroc, et qui trouvent un nouveau souffle sur le Continent, lequel, rappelons-le, présente encore d’énormes besoins, contrairement à l’Europe, désormais saturée en matière d’investissement», explique Laaziz Kadiri, président de la Commission dédiée à la diplomatie économique, à l’Afrique et à la coopération sud-sud à la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM).
Gestion de la concurrence
Au moment où les états-majors de ces entreprises avancent stratégiquement leurs pions, souvent avec une vision très panafricaine, ils doivent faire face à une concurrence de plus en plus vive. D’autant plus que l’Afrique vit actuellement l’un des contextes les plus favorables à l’investissement, avec sa démographique galopante, sa richesse naturelle, sa croissance économique prometteuse, sa digitalisation ou encore la montée en puissance de la classe moyenne, se profilant selon les experts comme le marché de l’avenir.
Sur le terrain, l’avantage du Maroc est d’être un pays africain, portant donc le flambeau d’une coopération Sud-Sud. Cependant, les assises historiques de certains groupes d’investisseurs ne sont pas à négliger, notamment les Français -pour leurs liens néocoloniaux avec une partie du Continent- les Chinois, ou encore les Libanais installés en Afrique de l’Ouest souvent avant les indépendances, sans parler de l’offensive allemande et depuis, celle du Royaume-Uni. Mais vu le contexte, chacun a sa façon de gérer.
Dans un récent entretien avec La Tribune Afrique, Etienne Giros, président du Conseil des investisseurs français en Afrique (CIAN) et président du Conseil européen des Affaires pour l’Afrique et la Méditerranée (EBCAM) affirmait, même vis-à-vis des Marocains : «L’Afrique est tellement grande et tellement prometteuse qu’il y a de la place pour tout le monde […] Donc, nous ne sommes pas du tout en situation de compétition».
Au Maroc, selon le patronat, la collaboration est également le raisonnement qui prime. D’ailleurs, la lecture de l’évolution de l’implantation marocaine à travers le Continent rend évidente une stratégie clairement définie en amont. En se positionnant en tant que hub africain et porte vers l’Afrique pour les investisseurs occidentaux, le Royaume réussit à tirer son épingle du jeu. Un jeu dans lequel les banques marocaines qui couvrent désormais la carte du Continent endossent un rôle clé.
Pour une transformation inclusive
Le Maroc se positionne aujourd’hui comme un leader en matière d’investissement stratégique sur son Continent. En effet, sur les 20 dernières années, les IDE marocains en Afrique se sont considérablement multipliés grâce notamment aux investissements réalisés dans le secteur financier, la banque et les assurances en particulier. Il s’agit d’importants investissements en termes de capitaux revêtant également une véritable vision stratégique, celle de contribuer au développement du Continent.
En effet, les entreprises marocaines ont pris conscience que les enjeux économiques et commerciaux du pays se joueront désormais en Afrique. D’autres secteurs ont réussi à convaincre les investisseurs marocains, notamment l’industrie pharmaceutique, le BTP, l’agroalimentaire, la pêche,… Et là aussi, le secteur privé aurait pu aller vers l’export et chercher à développer ses produits sous d’autres cieux, mais les entreprises marocaines ont fait le choix de rester sur leur continent et de construire des partenariats inclusifs et gagnant-gagnant avec les pays africains. A noter que ces entreprises se lancent dans des secteurs qui ont déjà bien réussi au Maroc et qui trouvent un nouveau souffle sur le Continent, lequel, rappelons-le, présente encore d’énormes besoins, contrairement à l’Europe, désormais saturée en matière d’investissement.
L’Afrique importe effectivement encore la majorité de ses produits de consommation. La mise en place d’industries locales par ses forces vives reste donc prioritaire. Cependant, plusieurs défis restent à relever. Le doing business en Afrique n’est pas toujours favorable à l’investissement et les procédures sont parfois compliquées… Toutefois, la présence locale des banques marocaines a considérablement contribué à la simplification de l’acte d’investir.
Par ailleurs, alors que l’Afrique -premier continent en termes de potentiel de développement- attire de plus en plus les investisseurs du monde entier, le facteur concurrence émerge. A son niveau, le secteur privé marocain, à travers son représentant officiel la CGEM, a mis en place une stratégie dont l’objectif est de promouvoir plutôt la collaboration à travers le co-investissement et les joint-ventures.
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