A la session ordinaire du parlement de la CEMAC, le président de la Commission, le Gabonais Daniel Ona Ondo, laisse entendre que la question du Fcfa fait l’objet d’un débat au sein des hautes instances de la région, donnant également des signaux d’une probable réforme.
L’Afrique centrale va-t-elle emboîter le pas à l’Afrique de l’Ouest ? Quel avenir la sous-région réserve-t-elle au franc CFA ? Pourquoi reste-t-elle silencieuse alors que l’ouest du Continent semble s’activer ? Ces questions sont de plus en plus soulevées depuis que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avance sur son projet de nouvelle monnaie : l’Eco.

« Les évolutions futures du Fcfa »
Le sujet était à l’ordre du jour de la deuxième session ordinaire du parlement de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) qui s’est tenue lundi à Malabo en Guinée équatoriale. Révélant que le débat sur le Fcfa est désormais mené par les hautes instances en Afrique centrale, Daniel Ona Ondo, président de la Commission de la CEMAC, a souligné que «la France est ouverte à la réforme du CFA», rapporte l’Agence Ecofin.

« Le débat sur le Fcfa ne devait plus être passionné, mais se faire à tête froide, en prenant en compte tous les aspects de la question […]  Les évolutions futures du Fcfa concernent, entre autres, le compte d’opération, la fixité de la parité entre Fcfa et euro et la souveraineté des États ». Daniel Ona Ondo

Alors que les chefs d’Etat de la CEMAC ont toujours écarté tout débat sur la question du franc CFA, le président tchadien, Idriss Déby Itno, lors d’un entretien accordé à la chaîne Afrique Media TV la semaine dernière, s’est prononcé en faveur de la renégociation des accords monétaires entre la France et les pays de la zone Franc, lesquels datent des années 1960. « Il faut revenir sur une table de négociations avec la France pour remettre en cause ces accords […] Il est temps que le dialogue commence avec la France pour nous permettre à nous d’avoir notre souveraineté monétaire », a-t-il déclaré.

La CEMAC connaît une situation économique et financière particulièrement difficile ces dernières années. Sur les six pays qui forment la communauté, seul le Cameroun s’en sort plus ou moins bien avec une croissance de 4,1 % en 2018. Au Congo, au Gabon, en Guinée équatoriale, au Tchad et en République centrafricaine, la croissance est restée faible, même si pour certains pays, la remontée des cours des matières premières, notamment le pétrole, laisse présager de meilleures performances cette année. Mais face à ces difficultés, la politique monétaire de la sous-région est pointée du doigt, avec en première ligne la monnaie locale, le Fcfa, considéré ces dernières années comme le talon d’Achille des économies d’Afrique francophone.

Une réforme « absolument » nécessaire
L’Afrique de l’Ouest a fait son pas avec l’Eco. Critiquée et parfois désignée comme une autre version du Fcfa, l’Eco n’entrerait pas en vigueur en 2020, estiment plusieurs économistes africains dont le Bissau-guinéen Carlos Lopes. Il est également de ceux qui pensent qu’une réforme du Fcfa est nécessaire.

« Il faut absolument réformer le franc CFA et le fruit est mûr. Certaines caractéristiques ne font pas sens pour la promotion de la transformation et pour l’intégration africaine. Il nous faut utiliser les réserves des pays de la zone Franc de façon plus efficace », a expliqué l’ex-secrétaire générale de la Commission économique pour l’Afrique dans un entretien avec La Tribune Afrique. Et d’ajouter : « Le fameux compte d’opération donne certes, un certain nombre de garanties pour la couverture des transactions, via la Banque de France et à travers elle, via la Banque européenne, mais avec des taux d’intérêt aussi bas, ce n’est pas dans l’intérêt des pays de cette zone. Il faut que cela change afin que la politique monétaire devienne un véritable instrument de politique économique ».

Outre Idriss Déby, les chefs d’Etat de la CEMAC se prononcent très rarement ou pas sur la question du Fcfa. La sortie de Daniel Ona Ondo pourrait davantage jeter les projecteurs sur l’évolution de ce dossier.

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